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Le F-16 américain en passe de suplanter le Rafale français au Maroc

Que se passe-t-il autour du Rafale ? C'est au moment où l'avion de combat français entrevoit, pour la première fois, une incertaine perspective d'exportation au Maroc que le ministre de la défense, Hervé Morin, contrairement à tous ses prédécesseurs qui n'ont cessé de porter aux nues ce programme emblématique de l'industrie aéronautique française, choisit de souligner le prix trop élevé et la trop grande "sophistication" de l'avion qui seraient, selon lui, un frein à l'exportation.

Le 11 septembre, à Toulouse, à l'occasion de l'université d'été de la défense, M. Morin avait provoqué une certaine consternation chez Dassault et à l'état-major de l'armée de l'air en soulignant que le Rafale est un appareil "formidable" mais "qu'on a beaucoup de mal à vendre".

En dépit des remous provoqués par ses propos, M. Morin avait de nouveau souligné, mercredi 19 septembre, à propos de l'avion français, que l'"hypertechnologie" est un frein à l'exportation. Ces déclarations, qui peuvent difficilement apparaître comme un coup de pouce favorable au moment où le gouvernement marocain hésite entre le Rafale et le F-16 américain de Lockheed Martin, ont provoqué une lourde charge du député UMP Bernard Carayon. "D'un ministre de la défense, on attend qu'il sache anticiper, que son administration aide nos industriels contre les manoeuvres astucieuses ou déloyales de leurs concurrents, pas qu'il sabote l'image de nos fleurons industriels alors que, partout ailleurs, nos concurrents s'éveillent au patriotisme économique", a-t-il souligné.

Sans être aussi sévère, Guy Tessier, président (UMP) de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, s'est déclaré "très surpris" par les propos de M. Morin, le ministre de la défense étant, selon lui, "à contre-temps" dans le cadre de la négociation en cours. Mais l'est-il vraiment ? Le porte-parole de l'Elysée, David Martinon, a pris la défense du Rafale jeudi, estimant qu'il s'agit du "meilleur avion du monde" et que c'est "une bonne affaire", ce qui corrobore indirectement les rumeurs négatives quant aux chances du Rafale sur le marché marocain. Au cabinet du ministre de la défense, on souligne que, contrairement aux rumeurs pessimistes, y compris dans les milieux industriels, "l'Elysée a pris l'affaire en main" pour tenter de persuader le gouvernement marocain d'opter pour le Rafale.

Le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui doit se rendre au Maroc fin octobre pour une visite d'Etat, et ne souhaite évidemment pas que celle-ci soit ternie par une décision négative, mettrait actuellement toute son influence dans la balance. Les choses en effet ne se présentent pas bien pour le Rafale....


UN NOUVEAU REVERS

Face aux Français qui proposent 18 appareils pour 2,3 milliards d'euros, les Américains auraient répliqué avec 36 F-16 pour 2 milliards de dollars (1,41 milliard d'euros) selon La Tribune sur son site Internet. Le quotidien indique que les pouvoirs publics auraient tenté de réagir en faisant une contre-proposition de 24 avions de combat pour un prix de 2 milliards d'euros.

"La stratégie américaine est claire, il s'agit de saturer le marché quitte à proposer des avions d'occasion pour empêcher toute exportation du Rafale et ainsi le condamner", analyse un expert du secteur en soulignant que les deux modèles en compétition ne sont pas du même niveau technique, les équipements du français étant plus sophistiqués. Chez Dassault aucun commentaire n'était fait, l'avionneur rappelant que "l'issue des négociations dépend depuis des mois des discussions entre Etats", une manière d'insister sur le caractère éminemment politique de la négociation.

Perdre le Maroc serait dramatique pour l'avenir du Rafale à l'exportation, après ses trois échecs face aux Américains : en Corée du Sud et aux Pays-Bas en 2002, à Singapour en 2005. Ce nouveau revers serait d'autant plus difficile à vivre que son rival l'Eurofighter, fabriqué par la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, vient de décrocher un contrat en Arabie saoudite de 72 appareils. De plus les marchés à venir sont rares, à part la Suisse et l'Inde.

Jusqu'à présent, seules les forces françaises ont acheté cet avion de combat. Mais là aussi, la situation n'est pas idéale. La commande de 294 Rafale pourrait être réduite d'au moins 30 appareils dans le cadre des économies budgétaires.

"En cas d'échec il va falloir trouver un responsable", appréhende un membre de l'entourage de M. Morin, qui ajoute : "Ce n'est pas à cause de l'actuel ministre de la défense qu'on a perdu le marché de Singapour !"

Dominique Gallois et Laurent Zecchini
Source : Le Monde

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