Menu

Les risques de la proposition marocaine sur le dossier du Sahara

«Dans sa globalité, la proposition marocaine constitue une alternative entre deux choix: l’indépendance ou l’intégration», résume Mohamed Darif, politologue. De l’avis de cet universitaire, l’initiative est assez ouverte. Elle n’est pas trop détaillée pour justement laisser place aux négociations avec l’autre partie. «Le Maroc a fait un pas en avant en donnant une proposition qui pourrait contribuer à trouver des solutions».

Cependant, il y a un problème qui reste en suspens, soulève l’universitaire. Tout le dispositif prévu par le Maroc fera l’objet d’un référendum pour être conforme à la Charte de l’ONU et aux principes d’audotérmination. Si les Sahraouis n’acceptent pas. A ce moment-là, l’ONU sera acculée à appeler à l’indépendance, ajoute-t-il.
En définitive, l’initiative marocaine reste, selon lui, en grande partie compatible avec la proposition de James Baker faite à Berlin en l’an 2000. D’ailleurs, elle s’en inspire largement. Sauf que Baker ne parlait pas de choix. Il avait fait, selon l’universitaire, une proposition en faveur d’une période transitoire d’autonomie de 5 ans avant de passer à un référendum. Ce qui laisse sous-entendre que le Maroc a opté en moitié pour la proposition de Baker, mais sans le référendum.

Aujourd’hui, la proposition marocaine est bien là mais avec une «solution qui respecte sa souveraineté». C’est donc à l’autre partie de se positionner. Evidemment, il fallait s’y attendre, l’Algérie et le Polisario ont réagi par des réponses somme toute classiques. Tous deux rejettent en bloc la proposition marocaine. Ils l’ont fait savoir avant même qu’ils ne lisent le contenu intégral de la position marocaine. L’Algérie a dénoncé ce qu’elle appelle «une décision unilatérale». Pour sa part, le Polisario a rejeté «toute proposition qui ne passe pas par un référendum d’audo-termination». Selon Darif, l’on ne peut parler de position unilatérale du Maroc puisque la plan invoque la légalité internationale. L’initiative a été soumise aux Nations unies et à plusieurs pays, en grande partie membres du Conseil de sécurité, pour sortir de l’impasse avec une solution durable et définitive. Le Maroc cherche délibérément une reconnaissance internationale par les hautes instances mondiales.

Pour sa part, l’Algérie estime que le «Maroc qui est un pays en transition démocratique ne peut prétendre gérer l’autonomie». Elle table aussi sur des expériences telles que celle du Timor Oriental, ajoute le politologue.

A priori, des obstacles se profilent déjà. Les deux parties restent diamétralement opposées. D’une part, le Maroc qui propose des négociations «orientées et arrêtées d’avance dans le cadre d’une autonomie sous souveraineté marocaine». De l’autre, l’Algérie et le Polisario qui campent sur leur position de référendum comme principe inaliénable d’autodétermination. En même temps, l’Algérie reste dans le double discours, l’ambivalence et les paradoxes: «Nous ne sommes pas une partie du conflit.

C’est au Polisario, représentant légitime des Sahraouis, de décider de son avenir». D’ailleurs, cela a toujours été la position de nos voisins algériens, commente Darif. Pourtant, ils abritent dans leur territoire le Polisario et reconnaissent la pseudo-Rasd en tant qu’Etat à part entière.

Quoi qu’il en soit, les observateurs estiment que le plan d’autonomie «accule l’Algérie à la table des négociations». Indéniablement, une forte pression est exercée aujourd’hui sur l’autre partie qui doit fournir des arguments fondés ou encore une contre-proposition.
Pour Mohamed Darif, il faut savoir raison garder: «Je ne pense pas que l’ONU va jusqu’à valider la proposition du Maroc». La première déclaration de Ban ki Moon, jeudi dernier, n’était pas très optimiste. «C’est difficile de résoudre d’un seul coup ce problème», a déclaré le SG de l’ONU aux médias. Ce qui est en partie une réponse qui en dit long sur la position des Nations unies, signale Darif. Et d’ajouter: «Tant que la nature du régime actuel est en Algérie et que le chef du Polisario est encore le même, le problème ne peut que perdurer».

Lobbying
Une délégation d’officiels marocains a sillonné les capitales du monde entier pour convaincre du bien-fondé et promouvoir le plan d’autonomie. Ce qui augure de l’adhésion de nombreux pays. Pas si sûr! tient à souligner Darif. Selon ce dernier, ni l’UE, ni les Etats-Unis encore moins la France et l’Espagne ne se sont «déclarés en faveur de la proposition marocaine». Aucun pays ne veut trancher en faveur de l’une ou l’autre des parties, ils sont tous neutres, ajoute-t-il. D’ailleurs, dans l’ALE Maroc/USA, les Américains ne conçoivent les échanges que dans une logique de la cartographie du Maroc avant 1975.
En revanche, en termes de lobbying, Darif rappelle que l’expérience a démontré depuis les années 70 que l’Algérie a une expérience peu orthodoxe dans la gestion de ce dossier à l’échelle mondiale. Elle revient sur chaque pays visité par le Maroc et fait tout pour basculer les avis en faveur de sa position. Aujourd’hui, la manne du pétrole et du gaz aidant, l’Algérie peut recourir à un autre lobbying.

Géopolitique
Dans le contexte international actuel marqué par la montée du terrorisme, des géopoliticiens annoncent une détérioration certaine de la situation au Sahara, du Sahel et entre le Mali et l’Algérie… Ce qui en ferait un terreau de groupuscules terroristes, voire une poudrière. Selon Darif, Américains et Européens ont toujours été clairs sur cette question. Ils refusent catégoriquement de faire l’amalgame entre le terrorisme et le Sahara. Sinon comment expliquer la position américaine, ajoute le politologue, qui ne reconnaît pas la souveraineté marocaine totale sur le Sahara, mais uniquement une souveraineté dans la gestion administrative.

Source: L'Economiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com