Menu

Affaire Ben Barka: La justice française veut entendre des témoins

Nouvelobs.com publie en exclusivité la nouvelle commission rogatoire internationale de la justice française visant à entendre trois personnages clés de l'assassinat de l'opposant marocain, le 29 octobre 1965.

La justice française n’abandonne pas le dossier de l’enlèvement et la disparition à Paris, le 29 octobre 1965, de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka. Mercredi 25 octobre, au cours de Soir 3, le journaliste Joseph Tual, qui suit l’affaire depuis de nombreuses années, a dévoilé le contenu d’une commission rogatoire internationale délivrée par le juge d’instruction Patrick Ramaël le 26 septembre dernier.

Dans cette commission rogatoire, que nouvelobs.com a pu se procurer et publie dans son intégralité, le juge demande aux autorités judiciaires marocaines de procéder aux auditions de trois témoins. Le premier est Miloud Tounsi, un retraité des services marocains, dont une expertise graphologique estime qu’il est "probablement" le dénommé Larbi Tchouki, condamné à perpétuité par contumace en 1967 à Paris, pour son rôle dans l’enlèvement de Ben Barka. Depuis cette condamnation, il y a bientôt quarante ans, un mandat d’arrêt international a été délivré contre Larbi Tchouki.

Interrogé sur Soir 3, Mahjoub Tobji, ancien militaire marocain de haut rang, aujourd’hui installé en France, a confirmé que Miloud Tounsi était bien ce mystérieux Tchouki qui avait joué un rôle important dans l’enlèvement de l’opposant marocain.

Le juge souhaite également que l’on interroge Boubker El Hassouni, suspecté d’être "l’infirmier" qui aurait drogué Ben Barka au cours de son enlèvement. Enfin il demande que soit entendu Housni Ben Slimane, actuel chef d’Etat-major de la gendarmerie royale, qui jouait déjà un rôle important dans les affaires de sécurité autour du roi Hassan II lorsque son principal opposant avait été enlevé.

PF3
Le juge demande par ailleurs que soient réalisées des fouilles sur le site d’un lieu dénommé PF3 (point fixe 3), qui servait, dans la banlieue de Rabat, de centre secret de détention. Selon différents témoignages, c’est dans ce lieu qu’aurait été enterrée la tête de Mehdi Ben Barka, après que les exécuteurs de son enlèvement l’eurent présentée au roi.

Dans une précédente commission rogatoire de novembre 2005, le juge avait déjà fait cette demande en joignant même les coordonnées GPS du lieu, que les autorités judicaires affirmaient ne pas pouvoir localiser (voir nos documents). Aucune de ces commissions rogatoires n’a été, jusqu’à présent, suivie d’effet, en dépit de la volonté affirmée du roi Mohammed VI de faire toute la vérité sur les affaires du passé, ce qui suscite la colère de Bachir, le fils de Mehdi Ben Barka, partie civile dans ce dossier.

En cas d’absence de réaction des autorités judicaires marocaines à ses demandes, la justice française pourrait rapidement délivrer des mandats d’arrêts internationaux contre les différentes personnes qu’elle n’arrive pas à faire interroger.


3 questions à Bachir Ben Barka

Comment appréciez-vous l’avancée l’instruction sur l’enlèvement de votre père ?

- Il y a ce que fait le juge, qui est très bien, et ce qu’on l’empêche de faire. On a l’impression que depuis 40 ans les juges veulent travailler mais que les pouvoirs politiques les bloquent. En France on s’est battu pendant près de trente ans pour que soit enfin levé le secret défense qui entourait les dossiers du SDECE, pour réaliser qu’au bout du compte, il n’y avait pas grand-chose dedans. On nous a fait perdre des années pour rien alors que les politiques savaient cela.
Concernant la partie marocaine, le problème des commissions rogatoires internationales est que leur exécution dépend de la bonne volonté des autorités judicaires. Depuis la mort de Hassan II, en 1999, en dépit des déclarations du roi Mohamed VI, il ne se passe rien. L’instance Equité et réconciliation qui s’était autosaisie du dossier de la disparition de mon père a conclu… qu’il fallait continuer l’enquête.

Qu’attendez-vous aujourd’hui, 41 ans après la disparition de votre père ?

- On sait pratiquement tout désormais des tenants politiques de cette affaire.

En tant que famille on veut savoir exactement ce qui est arrivé à mon père, qui l’a tué et où est son corps. Ca fait quarante et un ans que l’on cherche à faire le deuil. Au PF3, on pourrait, peut-être, trouver des éléments qui nous aideraient dans ce travail.

Si les blocages persistaient, pensez-vous demander à rencontrer le roi ?

- Pour l’instant la question ne se pose pas. On suit les procédures judiciaires normales qui devraient aboutir. Mais une telle demande d’audience n’est pas exclue. Le Maroc veut réintégrer la communauté du droit ? Alors le traitement de cette affaire peut être un indicateur de cette volonté. Cette affaire ne pourra pas être oubliée tant qu’elle ne sera pas résolue. C’est aussi pour cela que l’on se retrouvera devant la Brasserie Lipp, dimanche à 17 heures, comme toutes les années au jour anniversaire de l’enlèvement de mon père.

Robert Marmoz
Source: Le Nouvel Observateur

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com