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Casablanca, entre vision et révisions

Les dessinateurs des villes sont des inconscients. Ils rêvent pour les autres et se réveillent à chaque fois dégoûtés. A l’image d’un voyage de groupe, dont ils auraient improvisé le trajet, ils se retrouvent tout seuls et demandent conseil aux passants.
De combien de noms ils ont appelé cette ville. Taureau indomptable, enfant terrible ou marché de requins. Ces images ne représentent que leurs peurs, qu’ils se les partagent entre eux, loin de nos berceaux.

La ville n’est qu’un enfant

La ville est un enfant, qu’on désire parfois, dont on accouche et qu’on chérit, pour son bien être et le nôtre. Ses premières rues, ses premières rides, ses premiers centres d’intérêt, bougent et évoluent avec le temps. Même ses pédagogues changent, se complètent ou se contredisent. Son premier quartier, ses premières écoles l’accompagneront pour longtemps. Garder un œil sur ses fréquentations permet de comprendre ses influences et ses inspirations.

Casablanca, est un enfant du 20ème siècle, du moins c’est pendant ce siècle qu’elle a ouvert les yeux. Elle a connu des périodes de prestige, on a même souvent dit qu’elle est vouée à un grand avenir. Son arbre généalogique fait référence à une lignée d’une grande noblesse. Sa vigueur et son physique témoignent d’une tonicité d’ou rejaillissent ses croisements de styles et ses rapports aux horizons mondiaux.

Casablanca est une jeune femme…

L’océan bleu de Casablanca, croise le regard des générations qui l’ont vue naître, s’épanouir et se confondre avec les villes de son temps. Ses amoureux doivent être nombreux et secrets.

Qu’en est-il aujourd’hui de cette belle ville, dont les charmes ont fait rêver plus d’un promeneur ? ( promoteur) ? Que sont devenus les enfants qui sont venus se blottir dans ses bras tout au long du siècle ? A-t-elle profité de la nouvelle moudawana, pour protéger ses vieux jours ?

Quand elle rencontre des étrangers, Casablanca s’exprime autrement, elle vante son passé et chante ses mémoires. Quand elle retrouve ses vieilles connaissances, elle se fait modeste et s’ennuie de leur rappeler ses maux.
Ne serait-elle pas en train de nous faire un dédoublement de personnalité ? ce serait dommage de la part d’une métropole qui a besoin d’une image forte pour accéder aux honneurs des investisseurs et des faiseurs de projets. Elle ferait mieux de ne plus suivre le premier venu qui lui promet rêves et mirages.

Casablanca la blanche, a été peinte et repeinte à la couleur des fantasmes de ses bâtisseurs. Entre ombres et soleil de plages, ses vieux arbres rappellent ces parasols délavés qu’on a oublié de ranger pour une nuit.
De ses premiers rêves de jeune fille, il reste encore des souvenirs. Des photos de jeunes hommes aux visages éclairés, des films et des lettres qui parlent de ses projets oubliés, de ses amours du temps ou elle faisait encore du théâtre.

…qui ne s’est jamais mariée

Casablanca voulait être capitale de plein de choses. Aujourd’hui que toutes ses amies ont pris de l’âge, elle s’est assagie. Elle pense choisir un métier, on lui a proposé un beau costume d’hôtesse du tourisme. Elle l’accepte, elle ne fait plus d’histoire. Les jeunes qu’elle voit autour d’elle commencent à lui faire de l’ombre.

Toutes ces jeunes mariées pavanant le long de sa corniche, la rendent pensive. Avec leurs parements, takchitas, hénna et hululements, elles bravent ses choix modernistes pour lui parler de tradition.
Casablanca n’a rien contre la tradition Elle a même souvent rêvée d’un grand mariage à la marocaine. Certains cadeaux ne lui auraient pas déplus, tel une petite menara, un jnan sbile, ou même un grand jam-el-fna. Mais tout son centre ville, avec son parc et ses grands boulevards, est habillé à l’européenne. Elle l’a même boudé avec sa voie de contournement, en passant près de ses quartiers populaires. Ces derniers, qui n’ont jamais perdu l’espoir de la revoir souriante.

Enfin, qui peut prédire l’avenir de Casablanca ? saura-t-elle s’accommoder de son nouveau visage ? Elle qui a horreur de la chirurgie esthétique, elle compte sur les gens de bon goût pour reconnaître ses traits de beauté qui ne courent pas les rues.

Soubat Oidiê - Yabiladi.com
Architecte-Urbaniste
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