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Interview : Mahdi Elmandjra interdit de conférence à Tetouan

Mahdi Elmandjra né en 1933 à Rabat, a été l'un des premiers marocains à étudier aux Etats-Unis. Par la suite il a étudié en Angleterre à la LONDON SCHOOL OF ECONOMICS.
Il occupe aujourd'hui le poste de professeur à l'Université Mohammed V à Rabat. Entre-temps il a été chargé de responsabilités importantes comme celles de Directeur Général de la RTM, Premier Conseiller de la Mission Permanente du Maroc auprès des Nations Unies à New-York, sous-Directeur général de l’UNESCO pour les Sciences Sociales, les Sciences Humaines et la Culture...
Inutile de les citer toutes. Vous l'aurez compris le Professeur Almandjra a eu une vie professionnelle bien chargée. Mais ses travaux dans le domaine de la prospective sont probablement ceux qui ont le plus marqué les esprits.
Alors que cet intellectuel de renom devait participer à une conférence à Tetouan, une nouvelle interdiction lui a été signifiée. Pour la sixième fois, Mahdi Elmandjra n'a pu tenir une conférence.
Pour en savoir plus, nous avons interrogé ce professeur éclectique dans le paysage intellectuel marocain.

- Yabiladi : Encore une fois une interdiction vous frappe au Maroc, vous privant d’une de vos conférences. Quelle est la raison invoquée par les autorités ?
- Mahdi Elmandjra :
Dans un pays ou il n y a pas d’état de droit et où seul l’arbitraire règne on ne vous donne jamais d’explication. C’est le cas dans toutes les 6 interdictions que j’ai subies jusqu’à présent.

- Pensez-vous que cette censure est du fait des potentats locaux zélés ou bien il y a-t-il une interdiction systématique venu de plus haut ?
- Je suis incapable de répondre à cette question mais je serai très surpris si de pareilles décisions se prenaient au niveau local. Il faut donc aller plus haut, jusqu’où je n’en sais rien.

- Comment réagissez-vous à ces interdictions à répétitions ? Cela conduit-il à vous radicaliser ou bien vous faites fi de ces épreuves pour en sortir grandit ?
- Je continue mon chemin, celui de la défense de la liberté d’expression des droits de l’homme et de la liberté quoiqu’il advienne et d’où cela advienne. Les marques de solidarité d’un grand nombre de personnes (voir sur mon site solidarité dans la rubrique Interdiction 2005) sont une source d’encouragement qui n’a pas de prix et que je ne pourrai jamais décevoir.

- Quels sont les analyses ou discours qui irritent les autorités selon vous ?
- Tout ce qui n est pas dans la ligne officielle c’est à dire celles du gouvernement et du makhzen.

- Malgré les interdictions dont vous êtes victimes sentez-vous une liberté d’expression plus importante que sous l’ère du défunt roi Hassan II ?
- Je trouve qu’il n y a aucune différence car il ne s’agit pas de personne mais de système de gouvernance. Celui-ci n’a changé qu’en apparence.

- A chaque interdiction vous ressortez le spectre de l’exil volontaire notamment vers le Japon, pour fuir cette chape de plomb que vous évoquez régulièrement. En est-il de même aujourd’hui ?
- Je ne suis jamais allé en exil nul part. Mon voyage au Japon répondait à une invitation de plusieurs universités dont j’ai amplement profité sur le plan académique. Il n’y a donc pas de spectre mais je me sens toujours dans l’obligation de défendre la dignité du travail académique.
Cette fois-ci je vais suspendre toutes mes conférences publiques jusqu’à nouvel ordre.

- Vous êtes un intellectuel aux idées bien tranchées. Quelle est votre appréciation de « l’élite » marocaine et notamment l’élite intellectuelle ? Joue-t-elle vraiment son rôle selon-vous ?
- Je pense qu’une grande partie de nos problèmes provient de cette élite qui est intellectuellement aliénée et qui a fait preuve d’un grand opportunisme pour ne pas dire de mercenariat. Il y a bien des exceptions mais à ma connaissance elles me paraissent bien rares.

- Vous êtes un spécialiste de la prospective mondialement connu. Avez-vous participez aux travaux de l’étude Maroc 2025 ? Si non comment expliquez-vous cette mise à l’écart ? Quel est votre avis sur cette démarche de prospective marocaine ?
- Il ne s'agit pas véritablement d’une étude marocaine mais d’une étude proposée et indirectement dirigée par la Banque Mondiale. Je ne participe pas dans de pareilles entreprises et les responsables marocains n’auraient jamais pris l’initiative de m’inviter a un tel exercice sachant d’avance ce que serait ma réponse. Notre passé est dans les mains coloniales, le présent est dans les mains du post-colonialisme et notre avenir est hypothéqué à la Banque Mondiale et ses acolytes. Comme la majorité des soi disantes entreprises au cours des toutes dernières années y compris celle de l’éducation qui a détruit le système éducatif du pays.

- Avec les différents bouleversements que connais le Maroc ces dernières années et même ces derniers mois, avez-vous réussit à dégager une ligne directrice que prend le pays. Que voyez-vous à l’horizon, un mur ou bien différentes portes qui nous réservent des surprises ?
- Je vois des ruptures dont le prix sera élevé en fonction du temps que l’on prendra a entreprendre de véritables reformes des structures du système à commencer par celles du système makhzen et des partis politiques qui sont à la traîne de ce makhzen.

Site de Mahdi Almandjra : http://www.elmandjra.org

Mohamed - Yabiladi.com

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