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Jet4you coincée dans les querelles belges

Que valent tous ces traités et accords de coopération bilatéraux ou multilatéraux entre les Etats? A peine l’accord l’open sky évoqué le 14 décembre 2005 à Marrakech entre le Maroc et l’Union européenne que la Wallonie, une des trois régions autonomes de Belgique, se mette en porte-à-faux. Son vice-président ministre de Transport, André Antoine, ne s’embarrasse pas de protocole.


Dans un arrêté ministériel, daté du 31 octobre, il écrit ceci: «Pas question pour un avion de faire deux arrêts en Wallonie pour charger ses passagers. C’est écologiquement et énergétiquement une aberration», en brandissant entre autres, la menace du réchauffement de la planète. Vous ne rêvez pas! C’était la veille du premier des trois vols hebdomadaires de la compagnie marocaine low cost Jet4You entre Casablanca et Liège via Charleroi.

Pourtant quinze jours plus tôt, le 15 septembre, le directoire de la compagnie avait reçu l’approbation du programme modifié pour ses vols réguliers signée Simone Fréderickx, attaché du service public fédéral belge Mobilité et Transports. Un feu vert en bonne et due forme du ministère des Transports fédéral. Rien de plus officiel au Royaume des Belges.

Au tour des responsables de Jet4You alors de crier à l’injustice du ministre wallon. Comble d’aberration, ce dernier s’en défend: «Kyoto, ce ne sont pas que des mots mais aussi des engagements»! D’ailleurs, il a réussi à programmer une rencontre, la semaine prochaine, avec ses collègues ministres des transports flamand et fédéral «pour verrouiller une position environnementale», déclame-t-il.

Que vaut donc le contenu de l’accord bilatéral entre le Maroc et la Belgique? Et celui de l’open sky qui permettra aux compagnies marocaines d’accéder librement à l’espace européen et vice versa? Faut-il renvoyer André Antoine aux textes fédéraux et de l’Union? On s’interroge.

En tout cas sa sortie intempestive remet en cause la politique même de l’Union en matière de transports aériens. Car on est bien loin du temps où le transport aérien entre le Maroc et l’UE était régi par des accords bilatéraux comportant, entre autres conditions, des limitations de nationalités et de capacité. Mieux, depuis aussi, l’open sky prévoit une nouvelle disposition: «la 5e liberté». Fruit de dures négociations des compagnies européennes pour pouvoir desservir, après une escale au Maroc (quel que soit l’aéroport), d’autres destinations en Afrique et dans l’espace Euromed, s’étendant d’Algérie à la Syrie. Dans quel univers, vit André Antoine? L’écolo en chef de la Wallonie n’en a cure, il tient à porter à la face du monde les conflits de compétence entre le pouvoir fédéral et régional belge.
Pour lui, les 85 km qui séparent Charleroi de Liège ne doivent pas se faire par les airs. En clair, les vols de Jet4You n’auront pas droit au double toucher ou «saut de puce» dans sa région. Il propose, dit-il, «pour éviter un désagrément aux passagers» de la compagnie, d’organiser gratuitement un service de navette en car entre Charleroi et Liège, la seule escale qu’il autorise aux compagnies voulant desservir les deux principales villes de sa région.

En attendant Jet4You, qui n’exclut pas le recours à l’arbitrage de la justice, se contente de limiter le désagrément (retard surtout) causé à ses clients par la seule volonté d’un ministre régional. On croyait tout savoir sur l’humour belge.

Bachir Thiam
Source: L'Economiste

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