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EuroMed : Pessimiste Hassan Abouyoub…

Iinvité par Jean-Luc Martinet, président de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM), Hassan Abouyoub s’est exprimé devant un parterre de chefs d’entreprises et d’étudiants sur l’avenir du partenariat euroméditerranéen (PEM) qui a fêté son 10e anniversaire en novembre 2005.

Dix ans plus tard, quel est le bilan? «Pour avoir participé activement à la création d’euromed, il faut bien avouer que je suis déçu par la tournure des évènements. Seule enceinte politique de la rive Sud de la Méditerranée et de l’Europe, le processus est en perte de vitesse. Il faut repenser l’espace euroméditerranéen», déclare Hassan Abouyoub.

De nombreux facteurs peuvent expliquer cet état de fait: le conflit israélo-palestinien, le 11 septembre 2001, la guerre en Irak, l’élargissement de l’UE, l’initiative des Etats-Unis au travers du «Greater Middle East» ou le projet du grand Moyen-Orient…
Bref, un processus bloqué et un Hassan Abouyoub désemparé. Celui-ci s’est alors lancé dans un exposé sur les projections socioéconomiques (réalisées par une équipe d’experts internationaux) pour les 50 prochaines années. «Hélas pour l’euromed, les plus mauvaises performances seront à mettre au crédit de l’Europe. Les Américains seront leaders en matière de croissance. L’UE élargie va perdre de la population (environ 60 millions d’habitants) et se rapprochera du modèle suisse avec l’export de ses capitaux vers les USA et la Chine».
Autrement dit, si l’Europe prend froid, c’est tout le Maghreb qui s’enrhume. «Le défi majeur de notre région est celui de la compétitivité. Malgré tout ce qui a été fait, nous sommes à la traîne. Combien de brevets technologiques (NTIC) ont été déposés? Quasiment aucun. Lorsque j’entends que le Maroc est pris en exemple pour la démocratisation du téléphone mobile, c’est un mauvais exemple car nous ne bénéficions d’aucune valeur ajoutée. Nous souffrons de la fracture numérique», poursuit le diplomate.

· «La compétitivité se mérite»

Il ajoute que la population active va doubler au Maroc à l’horizon 2020 et que nous allons générer du chômage. Ce qui ne sera pas gérable d’un point de vue politique et social, malgré un taux de croissance projeté de 4%. Le déficit de notre éducation et celui de notre gouvernance nous empêchent d’être suffisamment armés pour relever les défis qui s’offriront à nous. Nous payons cher nos choix opérés par le passé. La marocanisation, le système éducatif, le taux d’analphabète alarmant, l’architecture politique dépassée… ce sont autant de facteurs limitants pour envisager un développement.

Comment sortir de l’impasse? «La seule alternative, c’est la cohérence d’un ensemble, avoir un réel projet qui peut mobiliser les opinions publiques. Un projet qui soit à la fois politique, économique et social. D’ores et déjà, nous savons que la ressource humaine ne sera pas au rendez-vous pour relever le défi. Néanmoins, je pense que dans cette nébuleuse grisâtre, le Maroc peut réussir son adaptation structurelle pour tendre à devenir un îlot de prospérité. La compétitivité se mérite. Un pays comme l’Irlande a modifié son paysage économique en peu de temps. C’est un exemple à suivre», ajoute Hassan Abouyoub.

Au vu de l’atmosphère ambiante, le ton et le contenu de l’intervention ont, semble-t-il, jeter un froid au sein de l’assemblée, au point que Jean-Luc Martinet s’efforce de lancer le débat. Après un tour de chauffe, place aux prises de parole. «Que préconisez-vous en terme de perspective d’emploi à un jeune Marocain que je suis?». «Une certitude. Pour celles et ceux dont les compétences sont avérées, il n’y aura aucun problème d’employabilité. A contrario, pour les personnes qui ne savent pas écrire correctement l’arabe et le français, l’employabilité sera de zéro. Je voudrais préciser que le déficit d’étudiants scientifiques va avoir pour incidence la perte d’opportunités dans le offshoring», précise le conférencier.

Quant aux relations maroco-algériennes, il indique que durant ces deux dernières années, des initiatives privées montrent qu’il y a un espace pour l’implantation de sociétés marocaines avec l’aval des Algériens. «Il n’y a aucun interdit. Par ailleurs, il faut savoir qu’au Maroc de nombreux entrepreneurs algériens investissent. Il ne faut pas attendre le politique», annonce-t-il. Pour ce qui est de l’hypothèse d’un développement économique sans avoir de pétrole, Hassan Abouyoub se montre intransigeant. «La chance du Maroc, c’est de ne pas avoir de pétrole. Nous cherchons toujours le miracle. Travailler plus est la clé du développement. En outre, soyons plus optimistes envers notre pays, nous manquons cruellement de confiance en nous», rétorque-t-il.

Pour illustrer son propos, il annonce que le nombre de connections électroniques au rapport du cinquantenaire ne dépasse pas 80.000 alors qu’un travail exceptionnel a été fourni par l’équipe d’experts. «C’est révélateur d’un certain état d’esprit», déplore Hassan Abouyoub.

Rachid HALLAOUY
Source : L'Economiste

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