Tanger : Les nouveaux visages de la contrebande

Le trafic des tabacs, jadis l’une des activités-vedette de la contrebande, est mis à mal. Vigilance douanière ou effet Altadis, toujours est-il que les quantités saisies sont nettement en baisse. Au port de Tanger, porte d’entrée principale de ce trafic provenant de la zone franche de Sebta, l’administration confirme la tendance.

Ce qui est sûr, c’est que de l’autre côté du détroit, les services de douane ont resserré les boulons. Si l’étanchéité n’est pas totale, il est devenu plus difficile de faire passer sa «marchandise». L’arrivée du groupe franco-espagnol Altadis sur le marché marocain expliquerait ce soudain durcissement de nos voisins du Nord, confie une source anonyme auprès de l’administration des douanes.

Le trafic des articles électroniques et surtout, de téléphones portables perd aussi du terrain. A nuancer cependant, car Sebta occupe une place limitée dans l’alimentation du commerce parallèle de ces produits comparée à Dubaï par exemple. Les offres alléchantes des deux opérateurs auraient porté un coup dur au commerce informel des GSM, même si Derb Ghallef ne semble pas pour l’instant atteint.

Idem pour l’électroménager blanc et brun. La baisse des droits d’importation et le service après-vente ont rendu moins attractifs les appareils de contrebande. Certains contrebandiers ont senti la menace et auraient migré vers l’activité formelle. Par le passé, c’est le mouvement inverse que l’on observait.

Par contre, les articles -vêtements ou chaussures- de friperie, venant de Chine ou d’autres pays d’Extrême-Orient, et même, l’alimentaire, sont au sommet du hit-parade dans les réseaux de commerce parallèle. La situation à Bab Sebta n’a pas radicalement évolué. Les «petits porteurs» qui traversent quotidiennement la frontière sont tout aussi nombreux. Le chiffre de 30.000 est contesté par la Douane qui l’estime à six fois moins; entre 5.000 à 6.000 personnes, selon le directeur régional de la Douane à Tanger-Tétouan. Ces «fourmis» feraient jusqu’à six aller-retour par jour.

Afin de diminuer l’engorgement ainsi que la masse de produits échangés, la Douane a limité les entrées. De la sorte, il n’est possible de passer la frontière que de lundi à jeudi, de 7 heures à midi. Originaires pour la plupart de Belyounech, ils travaillent pour le compte de gros «donneurs d’ordre».

Le trajet est payé entre 30 et 50 dirhams. Une fois accumulé côté marocain, la marchandise est chargée sur des véhicules et transportée à vive allure. C’est pour affiner le contrôle que la Douane a remis en service les brigades mobiles.

Il semble que les véhicules utilisés, à part quelques vieux taxis, seraient des voitures volées avec de fausses plaques d’immatriculation. Ce qui complique encore plus le travail de la Douane. En cas de problème, ou d’un barrage, les trafiquants abandonnent le véhicule et s’évaporent dans la nature. Mais pour déjouer la surveillance, les contrebandiers recouraient de plus en plus aux débarquements en mer.


Les chiffres de 2004

Les services de la Douane de région du Nord-Ouest ont procédé à l’instruction de 2.481 dossiers liés à la contrebande, essentiellement dans le poste frontière de Bab Sebta. Le montant des marchandises saisies dépasse 129 millions de dirhams. Plutôt maigres par rapport aux estimations officielles selon lesquelles, les trafics de contrebande draineraient près de 15 milliards de dirhams.

Pour les stupéfiants, 31 tonnes ont été saisies en 2004 dans le cadre de 266 dossiers et pour une valeur estimée à 309 millions de dirhams. En matière de fraude commerciale, ce sont 35 affaires qui ont été enregistrées avec 57 millions de droits compromis et autant de pénalités. Le travail s’est effectué suite à une centaine de descentes dans des entreprises suspectes.

Ali ABJIOU
Source : L'Economiste