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Maroc Telecom : l’envers du décor

Machine à cash, mirobolant, exceptionnel, les adjectifs pleuvent sur l’introduction en bourse de Maroc Telecom. Elle révèle cependant la face cachée d’un système.

La mondialisation a cette vertu d’imposer des standards. Qu’ils soient politiques ou économiques, tout système de gouvernance d’un pays qui s’inscrit concrètement dans ce processus ne peut leur échapper. En se battant contre vents et marées pour que l’introduction en Bourse de Maroc Telecom ait lieu simultanément à Casablanca et à Paris, Fatallah Oualaâlou a exposé la plus importante entreprise du pays aux intransigeantes normes de transparence des places développées. Des normes dont la stricte application apportera une nouvelle révélation sur les relations douteuses de l’opérateur avec sa filiale GSM Al-Maghrib.

Pouvoir et affaires
Il s’agit d’un cas d’autant plus problématique qu’il implique les intérêts personnels de Mounir Majidi, secrétaire particulier du Roi et principal actionnaire de cette filiale. Une créance de 189 millions de dirhams constitue un solde de factures non réglé par cette société à l’opérateur. « Simple créance commerciale », comme le revendiquent certains managers de Maroc Telecom ou lourde ardoise en suspens ? La question est légitime, surtout que ce montant pèse pour près de la moitié du chiffre d’affaires de la société et représente 14 fois les commissions que lui reverse Maroc Telecom. Fait aggravant : la convention commerciale liant les deux sociétés n’a même pas été portée, comme l’exige la loi, à la connaissance du conseil de surveillance de l’opérateur. Ces informations ne seront visibles que sur les documents visés par l’Autorité du Marché Financier français (AMF). En revanche, notre gendarme national en fera fi. Pire, il se contentera de publier un court extrait du document …sans faire référence à cette information essentielle. Ce ne sera pas la seule couleuvre avalée par le Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières (CDVM). Celui-ci sera contraint de se contenter de quelques lignes d’explications concédées par les banquiers d’affaires sur un mode de placement aussi nouveau que complexe et devra composer, maladroitement, avec le refus catégorique de la compagnie dirigée par Abdelssalem Ahizoune de communiquer des éléments prévisionnels. Un précédent dans l’histoire récente des introductions boursières au Maroc. Le marché français n’aura pourtant pas droit au même traitement. Le quotidien « Les Echos » aura accès aux prévisions, rendues publiques par une des banques conseils de Maroc Telecom.

La faillite des régulateurs
Le déroulé de l’opération démontre également que l’autorité de régulation n’a pas joui de l’autonomie à laquelle elle prétend pour mener sereinement son travail. Le nombre de dérogations accordées et le temps record pour donner le feu vert à l’opération (48 heures après la fixation du prix) sont spectaculaires. Toutefois, cette attitude du CDVM, assimilable à une compromission, n’est pas propre à cette seule autorité de régulation. Pour plusieurs professionnels des télécoms, l’ANRT, garant de la concurrence loyale sur le secteur, aurait souvent eu un parti-pris pour l’opérateur historique lorsqu’il s’agissait de trancher sur des recours l’opposant à certains concurrents. Certains vont même jusqu’à la soupçonner d’avoir torpillé volontairement, en 2002, l’appel d’offres pour la deuxième licence fixe en confectionnant un cahier des charges dissuasif. L’échec d’ailleurs de cet appel à la concurrence a permis d’accorder un délai de grâce supplémentaire à l’opérateur historique sur son monopole du fixe. Une caractéristique du marché d’où Maroc Telecom tire une bonne partie de ses marges mirobolantes. Un journaliste français n’hésitera pas à la qualifier de « machine à imprimer des billets ». Un statut qui explique tous les abus.

Fahd Iraqi et Mohammed Jamaï
Source : Le Journal Hebdomadaire

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