Safi monnaye l'installation de la centrale électrique à charbon

«Quand on n'a pas un Fouad Ali El Himma comme député de la région, il faut faire preuve d'ingéniosité pour développer sa localité». C'est en ces termes qu'ironise un député proche de la majorité gouvernementale. Et sur ce chapitre, la ville de Safi a montré l'exemple. Notons d'emblée que la résistance des Safiotes au sujet de la construction, dans leur fief, d'une méga centrale électrique à base de charbon n'est plus aussi virulente qu'elle l'était en 2007. La centrale sera bel et bien construite dans cette région. Il reste à effectuer quelques derniers réglages. S'il y a eu revirement de la situation, c'est que les députés et élus de la ville ont obtenu des promesses alléchantes. Et de ce côté-là, ils ont fait aussi bien qu'El Himma. La résistance contre la centrale avait pour but de sortir la ville de l'oubli. Jadis capitale de l'industrie de transformation des produits de la mer, Safi vit, depuis des années, dans l'ombre de ses souvenirs.

Les usines ferment ou tournent peu, le port a subi de plein fouet le déplacement de l'activité vers Agadir et le sud du pays, et la région manque de positionnement alternatif. «Les négociations sur la centrale électrique étaient une aubaine», nous explique une source proche du dossier. Il est vrai que le terrain sur lequel devait être construite la centrale à charbon a été acquis par l'ONE en 2000. Députés, élus locaux et wilaya savaient à quoi il était destiné. Sauf que depuis lors, beaucoup de choses ont changé, à commencer par le taux faible de participation aux élections législatives de septembre 2007. «Le souci majeur de tous les élus au Maroc est l'emploi. Le gouvernement doit en créer au niveau national, les élus doivent en attirer le maximum chez eux», nous confie un parlementaire. Certaines régions y arrivent car elles sont placées sur l'échiquier stratégique du pays. Tanger, Fès, Oujda, Agadir et Dakhla en font partie et développent ou développeront des pôles d'activités grâce à l'effet induit par la présence d'une infrastructure de base. Et quand Meknès sort de l'ombre grâce à un proche du roi et Rhamna également, il faut se creuser les méninges. Le niet des députés et élus safiotes les a d'abord conduits devant le Premier ministre. Le 26 février dernier, ces derniers, accompagnés des présidents du conseil municipal de Safi, du conseil provincial, des Chambres d'agriculture et d'artisanat, et de la Chambre du commerce et de l'industrie, ont été reçus à la Primature dans le but d'amortir la crise. Au menu, la discussion sur le déplacement du site de la centrale. Abbas El Fassi avait accepté de voir cela de près. Depuis, c'est le black-out. Début mai, l'ONE adresse une lettre à la Primature lui signifiant son refus de changer l'emplacement de la centrale. Et toutes les parties concernées attendent la réaction du Gouvernement.

«Il y a moins de tensions car l'essentiel a été fait», tient à préciser un parlementaire. De quoi s'agit-il ? En fait, les élus de la région ont pu obtenir des promesses de développement inespérées. D'abord, Safi sera sous peu ralliée à El Jadida par une nouvelle autoroute (avant, il était question de la connecter à Marrakech). Ensuite, le projet de l'ONE présente cet avantage de la création d'une nouvelle zone portuaire. La centrale aura besoin d'une sortie sur la mer pour recevoir son combustible et, de ce fait, l'infrastructure sera extensible pour devenir un port commercial d'envergure. Le port actuel serait destiné à deux activités principales : la pêche (elle y est déjà) et la plaisance, une activité très tentante dans une région qui veut se positionner sur le tourisme. D'autres revendications sont sur le bureau de la Primature et El Fassi a tout intérêt à les regarder de près car, cette centrale électrique, il en a vraiment besoin. Et nous aussi.

Khalid Tritki
Source: Le Soir Echos