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Est-il toujours opportun d’inversir dans l'immobilier au Maroc

Flambée des prix, hausse vertigineuse, spéculation incontrôlée… Les réactions ne manquent pas pour exprimer le désarroi des futurs acquéreurs mais également des promoteurs immobiliers en quête de bonnes affaires qui se font de plus en plus rares. Nour Eddine Charkani El Hassani, président du directoire de Wafa Immobilier, nous parle de l’évolution des prix de l’immobilier ainsi que des facteurs explicatifs de ce «phénomène».

L’Economiste: Comment le prix de l’immobilier professionnel a-t-il évolué?
Nour Eddine Charkani El Hassani: Face à une faible demande et à un rythme de production assez lent, le prix de l’immobilier professionnel a connu pendant longtemps une certaine stagnation, voire une baisse significative pour repartir là encore sur une tendance haussière à partir de 2005. Par immobilier professionnel, on entend principalement les plateaux de bureaux et les locaux commerciaux. Ce marché intéressait peu de promoteurs, et les banques, il faut le souligner, étaient réticentes quant à son financement. Cependant, depuis ces deux dernières années et boostés par une rapide évolution de la demande et du leasing immobilier, les immeubles bureaux se sont multipliés (à Casablanca : quartier Sidi Maârouf, Bd Zerktouni, Bd Abdelmoumen…).

En effet, l’arrivée en masse d’investisseurs étrangers (call centers, multinationales, cabinets de conseils…), le développement exceptionnel des franchises internationales au Maroc et l’élargissement des réseaux de distribution (des banques en l’occurrence) ont largement contribué à cette évolution de la demande. Cependant, l’offre a été vite rattrapée par la demande, entraînant rapidement une hausse des prix. Ainsi, de 7.000 DH/m² le plateau bureau en début 2005, on est passé à plus de 10.000 DH/m² en 2007. Les prix des locaux commerciaux dans certains axes urbains (à Casablanca: Maârif, Racine, Bd Al Massira…) ont littéralement triplé (de 15.000 à 45.000 DH/m2et plus!)

La réaction de Wafa Immobilier face au «noir»?
A plusieurs occasions, nous avons clairement exprimé notre position à ce sujet. Wafa Immobilier, filiale du Groupe Attijariwafa bank, ne peut en aucun cas participer à cette pratique. En effet, notre établissement peut financer à hauteur de 100% la valeur du bien telle qu’elle apparaît sur le contrat de vente.

Rappelons à ce titre qu’une grande majorité des demandes de prêts concernent des logements en copropriété, donc assujetties à la loi 18-00 qui exige que les contrats en copropriété doivent sous peine de nullité être établis sous la forme d’un acte authentique (art. 12 ). D’où l’obligation de nous référer au prix inséré dans cet acte et qui est soumis à enregistrement. Une quelconque contradiction pourrait entraîner des révisions fiscales préjudiciables à l’acquéreur et au promoteur. Par ailleurs, surendetter notre clientèle et accroître en conséquence les risques d’impayés n’est pas du tout notre objectif car, il faut le rappeler, la grande majorité des clients poussent déjà leur taux d’endettement au maximum (50% du revenu mensuel net).

Pour les logements sur plans, existe-t-il des garanties de bonne fin en ce sens?
Il s’agit plutôt de la vente avec paiement échelonné au fur et à mesure de l’avancement du projet, appelée «VEFA» (vente en l’état futur d’achèvement). Celle-ci est régie par la loi n° 44-00 que le législateur a voulu être une protection de l’acquéreur contre des abus des professionnels et une source de financement appréciable pour ces derniers.

La loi prévoit en outre la délivrance d’une caution bancaire ou d’une assurance par le promoteur en faveur de son client pour garantir la bonne fin de son projet immobilier et pour remettre les clés à bonne date aux heureux propriétaires conformément à leur accord.

Nous invitons les acquéreurs à ne pas hésiter à s’informer auprès de Wafa Immobilier sur cette loi, sur ses modalités d’application et sur les possibilités de financement.

Des promoteurs non professionnels se lancent dans l’immobilier, est-ce qu’il y a un contrôle de conformité au vrai sens du terme?
La Fédération Nationale des promoteurs immobiliers œuvre en ce sens pour instituer enfin une charte déontologique à laquelle devra se soumettre l’ensemble de ses membres. Elle aura notamment pour objectif de «professionnaliser» le secteur et de lui permettre en conséquence de développer sa notoriété et de créer un climat de confiance. En matière de contrôle de conformité, les promoteurs immobiliers, rappelons-le, sont encadrés par un arsenal de normes (lois sur l’urbanisme, plans d’aménagement, procédures, lois antisismiques,…) comme ils sont entourés de divers spécialistes (architectes, bureaux d’études, bureaux de contrôle…).

Ce qui permet aux nouveaux venus dans le secteur de bénéficier de soutiens efficients de la part de professionnels confirmés et dignes de confiance. D’autres promoteurs plus avisés iront jusqu’à adopter les certifications ISO (cas du Groupe Addoha).

Comment définir un appartement de standing? Est-ce l’effet du prix qui donne cette appellation?
Rappelons tout d’abord que la notion de standing n’est ni réglementée ni suffisamment explicite. En fait, la détermination d’un standing sera influencée par plusieurs paramètres:
* le quartier
* la conception (nombre de salles d’eau, dépendances, superficies…)
* le nombre de logements par unité (nombreux pour l’HBM, réduit pour le haut standing)
* La qualité des matériaux (finition principalement)
* Equipements supplémentaires (climatisation, chauffage centrale, cuisines équipées…)
* La qualité des prestataires (architectes de renom, marques connues…)
* La superficie dans certains cas (moins de 100 m² pour l’HBM)
Le prix devient alors la conséquence d’un choix stratégique de segmentation et non une cause.

Périodes à retenir!
Au lendemain de la crise économique mondiale consécutive à la première guerre du Golfe et surtout depuis 1995, le secteur de l’immobilier au Maroc s’était réconcilié avec la croissance. En fait, on constate principalement trois grandes périodes:

-1991-1995, la période de crise: la crise économique internationale consécutive à la première guerre du Golfe a touché le Maroc de plein fouet, engendrant dans sa course une chute brutale de la demande et du prix de l’immobilier. Période marquée d’ailleurs par des déboires irréversibles de beaucoup de promoteurs.
Ainsi le foncier (zone immeuble R+5 contre ville Casablanca par exemple) est passé de 12.000 à 6.500 DH le m². Le prix du bâti a enregistré quant à lui des baisses de 15 à 20%, voire plus dans certains cas. On relève également un stock important de logements. En revanche, eu égard à une offre insuffisante et à un déficit important, le logement social n’a pas réellement été touché.

- 1996-2000, la période de relance: période qui vient renouer avec la croissance économique, par une reprise de la confiance et par le lancement d’importants programmes immobiliers sociaux initiés par les organismes sous tutelles (Erac, CGI, Sonadac, ANHI…) mais également par des professionnels privés (Addoha, Anassi, Panorma…).
Dans la foulée, les prix (hors habitation à bon marché) sont rapidement montés, surtout pour le foncier et le logement moyen et haut standing. Le prix du même terrain double pendant cette période alors que le prix des appartements connaît une hausse moyenne annuelle de 20 à 25% voire plus selon le type de standing, le quartier…
Ainsi un terrain villa de 300 m2 à Casablanca passe de 900 à 3.000 DH/m² alors que celui d’un appartement de moyen standing est écoulé à 6.500 DH contre 5.000 DH/m² auparavant. Les prix au m2 de terrains R+2 (pour maisons marocaines) dans certains quartiers dits populaires passent de 2.000 à 4.500 DH (Sidi Maârouf, Sidi Othman…).

L’euphorie…
- 2001-2007, la période euphorique: face à un important déficit en logements et des mesures incitatives de la puissance publique (art. 19 de la Loi de Finances 2000), on enregistre très rapidement un intérêt grandissant pour le secteur de l’immobilier et en particulier pour le logement social. Celui-ci explose, l’offre de financement devient de plus en plus alléchante et les actions de promotions et de sensibilisation sont fréquentes. Quoi de mieux pour inciter à l’investissement et à l’acquisition?

Cependant, la rareté du foncier, l’évolution rapide de la demande et la progression exponentielle des ressources de financement (nationales et étrangères) contribuent dès début 2005 au dérèglement du processus pour engendrer une période euphorique sans précédent. L’évolution des coûts des matériaux y contribuera également de façon assez significative : le sac de ciment (CPJ 45) passera de 40 à 55 DH, alors que le prix à la tonne du rond à béton (T14) monte de 5.000 à 8.000 DH, soit 60% d’augmentation!

Ainsi pour retenir l’exemple précédent, le terrain en zone R+5 passe de 12.000 à 20.000 DH/m² en moins de 2 ans, alors que celui de l’appartement moyen standing grimpe de 6.500 à 10.000 DH/m². A Marrakech il faudra débourser pour cet appartement pas moins de 12.000 DH/m2.

Certaines zones balnéaires haut standing (Bouznika Bay) ont dépassé la barre des 20.000 DH/m²! Le terrain, quant à lui détrône toutes les catégories: un hectare à quelques km de Marrakech est passé en 2 ans de 350.000 DH à 3.000.000 DH et plus! Un phénomène qui n’a pas tardé à toucher rapidement d’autres villes du Royaume.

Londres reste la plus chère au monde!
A Londres comme à Monaco, c’est l’élite financière qui rend une ville plus chère qu’une autre ! C’est en tout cas ce qui ressort du rapport sur la richesse (2007) établi par le groupe immobilier Knight Frank et Citi Private Bank. Certes, ce classement ne prend en compte que les quartiers les plus chics des villes concernées, mais ça nous donne une idée sur l’évolution des prix immobiliers dans le monde et les facteurs qui les déterminent. Mis à part le classement des villes, cette étude démontre que les prix des propriétés de luxe a augmenté de 14% en moyenne l’année dernière contre 9% sur le marché classique.
La capitale britannique décroche la palme de ce classement. Avec un mètre carré qui peut atteindre 36.800 euros, Londres a vu ses prix multipliés par dix en 10 ans. Les rémunérations exceptionnelles des salariés de la City y sont pour quelque chose.

Autre lieu de rencontre privilégié des grandes fortunes, Monaco. La Principauté s’impose comme la deuxième ville prisée par l’élite financière internationale. Le mètre carré vaut de l’or. A Monte-Carlo par exemple, il peut grimper jusqu’à 35.000 euros.

New-York se réserve la troisième place. Ce pôle américain majeur de la côte-est attire une population très aisée. Le mètre carré peut aller jusqu’à 25.600 euros.

La densité de la population peut également expliquer la hausse des prix de certaines villes comme Hong-Kong ou Tokyo. Avec 30.000 habitants au kilomètre carré, le prix du mètre carré dans cette ville peut se négocier jusqu’à 19.700 euros. La ville fait face à un sérieux problème de répartition immobilière. D’ailleurs, les plus grandes fortunes se sont constituées à partir de l’immobilier.
La même remarque s’observe à Tokyo. L’espace y est rare, et donc cher. La densité y atteint 15.000 habitants au kilomètre carré dans les quartiers du centre de la capitale japonaise. Le mètre carré peut atteindre 17.600 euros.

Paris vient en neuvième position au niveau mondial et troisième ville en France derrière Cannes (15.000 euros le mètre carré) et Saint-Tropez (14.900 euros). Cependant, si la tendance reste à la hausse, elle amorce en ce moment un ralentissement!

Saïd Mabrouk
L'Economiste

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