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Les dommages collatéraux de la grève des transports au Maroc

Perturbation du trafic, risque de paralysie de l’économie, pénurie de produits de base… Alors que routiers et chauffeurs de taxis poursuivent leur grève, les dommages collatéraux n’en finissent pas.

Et tout le monde paye, du gros industriel, en passant par le transitaire et jusqu’à la ménagère. Les prix des fruits et légumes ont flambé, les étalages font grise mine. Et pour cause, il n’y a pas d’arrivages depuis plusieurs jours. Les marchés de gros sont en stand-by. Pour Hamid Louale, président de la Fédération des marchés de gros, la situation est chaotique: «Nous ne savons même pas ce qui se passe. Les chauffeurs annoncent des grèves de 48h qui durent une semaine. Ceux qui veulent travailler sont intimidés, cela frise l’anarchie». Une anarchie qui coûte cher. En effet, le cageot de tomate vendu en moyenne 80 DH en valait 200 hier. A 5 DH donc le kilo chez le grossiste, le kilo de tomate arrive à 10 DH dans le panier de la ménagère dans un marché ordinaire à Casablanca. De même pour les autres légumes: haricot vert à 20 DH, pommes de terres à 8 et oignons à 10. Le prix de la sardine, quant à lui, a atteint les 20 DH. Une difficulté d’approvisionnement qui encourage la spéculation au niveau des détaillants. Le panier de la ménagère s’en ressent et les petites ou même moyennes bourses se retrouvent pénalisées. Il faut dire aussi que les chemins de ravitaillement sont difficiles.

Amendé ou retiré
Entre barrages improvisés, intimidations et jets de pierres, les chauffeurs les plus téméraires doivent passer par des chemins de traverse et autres pistes pour les contourner. Résultat: les prix de transport montent en flèche. 60 centimes au lieu de 10 pour un Agadir/Casablanca et jusqu’à 2 DH pour atteindre Fès. Le marché de gros de la capitale du Saïss n’a pas accueilli plus de 10 camions jeudi matin, alors qu’ils sont d’habitude plus de 150. A Casablanca, ils étaient 350 au lieu des 450 habituels. Du coup, les marchés de gros, drainant quelque 3 millions de tonnes quotidiennes (dont 1 million pour Casablanca) se retrouvent avec un trafic en baisse d’environ 80%, précise le président de la Fédération des marchés de gros.

De son côté, Ahmed Abid, président de l’Association du marché de gros des fruits et légumes de Casablanca (AMGC), revient aux origines du problème et se solidarise avec les chauffeurs. Pour Abid, le projet de loi est tout simplement inadéquat et devrait être sérieusement amendé, sinon retiré. Côté commerce, il déplore néanmoins la situation. «Si au niveau de Casablanca on peut plus ou moins gérer la situation avec les stocks disponibles, c’est surtout les régions qui payent le prix fort. A Oued Zem, par exemple, le prix de la pomme de terre a frôlé les 10 DH le kilo chez les grossistes», précise-t-il.

A l’export, les choses vont de mal en pis. Les producteurs exportateurs de fruits et légumes dénoncent «le laxisme du gouvernement» et passent directement aux menaces. Ils demandent en effet, dans un communiqué signé conjointement par l’Apefel, l’Aspam et l’Aspem, «à ce que le gouvernement révise le projet de loi relatif au code de la circulation et entame un dialogue constructif avec les professionnels de ce secteur». Les opérateurs de la filière se disent même prêts à entreprendre toute action de «mobilisation et de protestation» qu’ils jugeront nécessaire.

Le Premier ministre, pour sa part, affirmait hier, lors de la réunion du Conseil de gouvernement, que le dialogue resterait ouvert à toutes les composantes. Il a en outre promis d’apporter des réponses appropriées aux revendications ayant trait aux conditions de vie des chauffeurs professionnels. Une rencontre du Premier ministre est d’ailleurs prévue avec les principaux syndicats, le lundi 9 avril (cf.www.leconomiste.com). En tout cas, au port de Casablanca, les tensions semblaient se relâcher. A l’heure ou nous mettions sous presse, la direction du port parlait d’un arrêt imminent de la grève. Ce que confirmait de son côté le Syndicat national des propriétaires de camions, qui jouait le rôle d’intermédiaire.

A Marrakech, risque de pénurie
A l’instar de l’ensemble des villes, Marrakech aussi a souffert de la grève déclenchée lundi dernier. Le transport était au point mort. Taxis grand et petits, routiers, étaient en arrêt de travail au petit bonheur des «khattafas» et autres transporteurs clandestins.
Les stations d’essence, pour leur part, craignaient une pénurie. Le gouvernement avait pourtant affirmé avoir pris les mesures nécessaires pour assurer l’approvisionnement en carburant et ceci dès l’annonce de la grève. Seulement, Marrakech, en ces temps de vacances, est littéralement assaillie par les touristes nationaux et étrangers.

La pression a fait que les réserves se sont vite amenuisées. Les stations, notamment sur la route de l’Ourika, n’avaient plus de stocks jeudi déjà. En ville, si le carburant est toujours disponible, les pompistes disent ne pas pouvoir tenir longtemps face à la grande demande. «Si la grève dure encore, les réserves dont nous disposons ne suffiront plus», indique un pompiste d’une grande station à Guéliz.

Amine Boushaba
Source: L'Economiste

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