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France : Vigon, le "soul man" marocain sorti de l'oubli 40 ans après

Il fut vendeur de légumes au Maroc avant de découvrir la soul dans les bases américaines puis de devenir une petite vedette dans le Paris des années 60: à la faveur d'une réédition, Vigon, chanteur à la voix stupéfiante, connaît aujourd'hui une deuxième jeunesse, 40 ans après.

"Ce qui arrive maintenant, c'est ce qui aurait dû arriver il y a 40 ans", s'émerveille ce sexagénaire affable, enchanté qu'un nouveau public découvre sa musique.

Le label Barclay (Universal) a réédité début septembre un album de ses chansons, "The end of Vigon", dans les collections de vinyles "Back to black" et de CD vintage "Vinyl Replica".

La critique s'est vite emballée pour ses reprises formidables de morceaux soul/rhythm'n'blues de Bob & Earl, Ray Charles ou Bo Diddley, découvrant, stupéfaite, que la France possédait dans les "sixties" un chanteur capable de rivaliser avec les maîtres noirs-américains du genre.

Elle a couvert d'éloges la voix veloutée de Vigon et les arrangements des morceaux, cordes suaves et cuivres brûlants dignes de la Motown ou de Stax mais pourtant "made in France".

"Même quand c'est sorti il y a 40 ans, il n'y avait pas autant d'enthousiasme!", sourit le Marocain, lunettes noires, costume élégant et faux airs du chanteur noir-américain Sam Cooke.

Vigon tire ce pseudonyme de son enfance, lorsqu'il avait déformé la prononciation du mot "wagon" à l'école.

Il est né Abdelghafour Mouhsine en 1945 à Rabat. D'abord marchand de légumes avec son père, il tombe fou amoureux du rhythm'n'blues dans les bases militaires américaines de Kenitra ou Sidi Slimane et apprend les standards en phonétique, puisqu'il ne maîtrise pas l'anglais.

"J'allais faire danser les troufions tous les samedis et là-bas, on achetait les disques qui arrivaient d'Amérique dans la semaine de leur sortie", se souvient-il. "+Twist and shout+ des Isley Brothers, on l'a chantée au Maroc avant que les Beatles la reprennent!".

En 1964, il est en vacances à Paris et va au Golf Drouot, la Mecque du rock. Il monte sur scène, bluffe le public puis rejoint les Lemons, avec aux claviers un autre tout jeune homme nommé Michel Jonasz.

Le groupe écume les scènes, Golf Drouot ou Bus Palladium, assied sa réputation et fait les premières parties de Stevie Wonder, Otis Redding, Wilson Pickett, Little Richard, des Who ou des Rolling Stones.

"Fin septembre, je suis allé voir Stevie Wonder à Bercy: quand je pense qu'à l'époque on passait dans des night clubs et que c'était la folie!", s'exclame Vigon, qui chantera samedi et dimanche au Cidisc (Convention des disques de collection) à Paris, puis le 15 octobre au Petit Journal Montparnasse.

L'un de ses morceaux en solo, "It's all over", est paru en 1968 sur le label américain Atlantic. L'année précédente, il avait sorti sa seule chanson en français, "Un petit ange noir".

Il rentre au Maroc au milieu des années 70, pour deux semaines. "J'y suis resté 23 ans!", s'amuse-t-il en expliquant qu'il y était chanteur dans un hôtel d'Agadir.

En 2000, retour en France, où les années 60 -"La mode des vieux!"- ont à nouveau la cote. Vigon la bête de scène se produit régulièrement dans des soirées privées et a pour fans d'autres artistes originaires du Maroc, les humoristes Gad Elmaleh et Jamel Debbouze, au mariage duquel il a chanté.

"On me demande parfois si l'Amérique ne m'a pas tenté. Mais je n'aurais jamais imaginé partir du Maroc, alors c'est déjà pas mal!", assure-t-il. "Gamin, je dormais sur une peau de mouton. Maintenant, dans les hôtels, on me dit: +Est-ce que la chambre vous plaît?+. Ca me fait rire!".

Paul RICARD
Source : AFP

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