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Les cinémas marocains se vident malgré une production foisonnante

Paradoxe marocain: alors que les films d'auteurs s'améliorent et se multiplient, le royaume ne compte guère plus d'une soixantaine de salles obscures fréquentées par 2,5 millions de spectateurs contre 250 salles et 15 millions d'entrées en 1995.

"C'est singulier, nous constatons une hausse significative de la quantité et de la qualité des films produits et une diminution inquiétante du nombre de salles de cinéma et des sociétés de distribution", déplore le réalisateur marocain Saâd Chraïbi, dont le dernier film, Jawhara (fille de prison), est sorti en 2004.

Depuis le début de l'année, 15 longs métrages et une trentaine de courts métrages ont été réalisés par des artistes marocains. Neuf films marocains ont été primés en 2006 lors des festivals internationaux de cinéma. Mais la possibilité de les voir au Maroc devient de plus en plus improbable.

Autre hiatus relevé par M. Chraïbi: "le Maroc organise près de 30 festivals de cinéma, locaux et internationaux, mais aucun n'a réussi à alerter les autorités sur l'inquiétante baisse de fréquentation des salles obscures".

La parabole, le délabrement des salles et le piratage ont porté des coups presque mortels aux salles de cinéma. "Le multiplexe de Casablanca n'enregistre que 700.000 entrées par an alors qu'il pourrait en espérer le triple", note Ali Hajji, responsable de la programmation de Casa Ciné, un festival qui a drainé en une semaine près de 50.000 spectateurs à Casablanca, la capitale économique du Maroc.

Si à la tête du box-office national figurent des films marocains, leurs entrées ne dépassent pas les 150.000 alors qu'en 1998, "Femmes et Femmes" de Saâd Chraïbi avait attiré 600.000 spectateurs.

"Avec le piratage, le public a deux possibilités: acheter un DVD à 5 dirham (environ 0,50 euro) disponible à tout moment et visible en groupe ou débourser 35 dirhams (3 euros) pour un ticket de cinéma", a-t-il ajouté.

"Nous réfléchissons à la reconversion des salles à l'abandon. Rénovées, elles pourraient devenir des salles d'art et d'essai ou des multiplexes, qui représentent le mode de consommation du futur", a-t-il expliqué à l'AFP.

Près d'une trentaine de villes moyennes n'ont déjà plus de salles de cinéma, alors que le Maroc se distinguait sur ce point de ses voisins maghrébins.

"En Algérie, nous devons avoir au maximum 10 salles de cinéma qui fonctionnent, entre Alger, Oran et Constantine", assure Nadir Moknèche, réalisateur algérien de "Viva Laldjérie" et de "Délice Paloma".

"Le cinéma s'est développé avant l'Indépendance et nous possédons des trésors méconnus de cette époque au Centre cinématographique marocain", confie Khalil Benkirane, réalisateur et responsable de la programmation des documentaires au Festival de Casa Ciné.

Après 1958, le cinéma marocain n'a connu qu'une parenthèse de liberté. "L'image représentait un danger durant les années de plomb", explique Dalila Ennadre, réalisatrice des documentaires "Je voudrais vous raconter" et "El Batalett", faisant allusion à la répression sous le régime du roi Hassan II.

Lors de Casa Ciné, les documentaristes ont fait part des difficultés que rencontre ce genre au Maroc, faute d'institutions et d'aides publiques.

"Notre pays change énormément, nous devrions pouvoir filmer en permanence dans la rue pour en rendre compte", constate Khalil Benkirane, faisant allusion à la modernisation dans laquelle s'est engagé le royaume.

Source: AFP

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