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Les indigènes : Il faut sauver le soldat Abdelkader

Après Marie-Antoinette, c'est une autre page -moins connue- de l'Histoire de France qui a été évoquée jeudi au Festival de Cannes: la participation des soldats africains aux combats de l'armée française pendant la Seconde Guerre mondiale.

Très attendu, le film «Indigènes» qui leur rend hommage, du réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb, a été ovationné à l'issue de la première projection du matin, avant un autre triomphe attendu le soir à la montée des marches pour ses quatre acteurs principaux: Jamel Debbouze, Samy Nacéri, Roschdy Zem et Sami Bouajila.

L'autre film de la journée en compétition, «L'ami de la famille», du jeune réalisateur italien Paolo Sorrentino, a déclenché moins d'enthousiasme mais a étonné par l'originalité de sa mise en scène.

Trente et un ans après «Chronique des années de braise» de Mohamed Lakhdar Hamina, «Indigènes» est en compétition pour ce qui serait la deuxième Palme d'or algérienne. C'est en effet sous cette nationalité que les organisateurs ont classé le film, coproduction financée par le Maroc, l'Algérie, la Belgique et la France.

Pourtant «je suis d'origine algérienne, mais je me sens profondément Français», a expliqué Rachid Bouchareb, né en France en 1959 de parents algériens et réalisateur depuis 1985 de «Bâton rouge», «Cheb», «Poussières de vie» et «Little Sénégal».

Il a voulu, dans «Indigènes», rendre hommage aux dizaines de milliers de soldats des colonies françaises (Afrique du Nord, mais aussi Afrique noire ou Indochine) qui ont combattu le nazisme et donné leur vie pour «la mère patrie» mais n'ont toujours pas, 60 ans plus tard, la place qu'ils méritent dans les livres d'histoire.

Saïd, Yassir, Messaoud, Abdelkader: on suit le parcours de quatre personnages partis de leur terre natale en 1943 et débarquant, via l'Italie, sur le sol français qu'ils ne connaissaient pas. L'intégration à l'Armée d'Afrique les conduira, en novembre 1944, sous la neige, à une mission de libération d'un village d'Alsace.

«Ce n'est pas revanchard, ce n'est pas politique», a souligné l'un des acteurs, Samy Nacéri. Et le film évite effectivement tout manichéisme, règlement de comptes ou allusions aux questions politiques du moment (immigration et racisme, polémique sur la colonisation, conflits armés).

Film de guerre, de construction classique et accessible au grand public (sortie prévue le 27 septembre), ce «Il faut sauver le soldat Abdelkader» se termine simplement par le rappel que la question des pensions et retraites militaires des anciens combattants d'Afrique n'est toujours pas réglée.

Et c'est sans militantisme affiché, par petites touches, que le réalisateur décrit la discrimination dont étaient déjà victimes à l'époque ceux qu'un capitaine veut appeler, dans le film, «les indigènes» ou «les musulmans». Un sergent pied-noir, proche de ses troupes, le lui déconseille. Comment les appeler, alors? Réponse du sergent: «Les hommes, mon capitaine, les hommes».

Changement de décor pour «L'ami de la famille», deuxième film en compétition de l'Italien Paolo Sorrentino, après «Les conséquences de l'amour» il y a deux ans. Là, il s'agit de thèmes universels comme la beauté (physique ou morale) ou les rapports entre argent et amour.

Un acteur comique de théâtre peu connu, Giacomo Rizzo, y a la lourde tâche (Prix d'interprétation en vue?) d'y interpréter un septuagénaire non seulement affreux, sale et méchant mais aussi radin, cynique, solitaire et odieux avec les femmes.

Vivant de ses rentes et de petits prêts consentis à son entourage, il va se faire piéger par une très belle jeune femme, dans une nouvelle version de «La Belle et la Bête» à la construction parfois déroutante. «Je veux me convaincre que la beauté réside dans le sordide et le désagréable», dit le réalisateur qui fait se succéder parfois des scènes sans lien entre elles, mais où passent plusieurs créatures de rêve, en contrepoids à la laideur du personnage principal.

Vendredi, Gérard Depardieu et Cécile de France monteront les marches pour le troisième et dernier film français en compétition, «Quand j'étais chanteur», de Xavier Giannoli. L'autre candidat à la Palme d'or de dimanche soir sera «En avant, jeunesse!», du réalisateur portugais Pedro Costa.

Source : Le Matin

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