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Livre : Youssouf Amine Elalamy passe à la darija

C'est la première fois que Youssouf Amine Elalamy publie en darija. Il avait bien composé des textes de chansons à partir de "Paris mon bled", pour faire la "bande originale du livre". Mais "Tqarqib Nnab" est sa première œuvre littéraire dans cette langue, transcrite en caractères arabes vocalisés.

Le livre, édité par Khbar Bladna (à qui on doit l'hebdomadaire gratuit en darija du même nom), est une réécriture de son dernier ouvrage, "Miniatures". On y retrouve le goût pour de petits textes brefs accompagnés d'illustrations maison, réalisées cette fois-ci à partir des cartes. Dhab, khal, kupas et spada s'assemblent pour composer des personnages dont les postures souvent incongrues répondent aux histoires. Et les histoires, c'est un pur délice. Dans la veine qu'on lui connaît, Youssouf Amine Elalamy brosse de brefs portraits, intelligents, ironiques et venimeux. Bref, ça croustille.
Comme l'indique le titre d'ailleurs : « Tqarqib Nnab, c'est une onomatopée, c'est le bruit des canines qui s'entrechoquent quand on véhicule des ragots ». Le ragot érigé au rang de genre littéraire en quelque sorte.

Mais un ragot autocritique, plein d'amour-haine pour la société qui le produit en surabondance. Le héros type, s'il faut en choisir un parmi les trente du livre, ce serait sans doute Larbi qui se rince l'œil depuis sa terrasse de café à regarder passer les filles et à les classifier. Après tout, l'auteur fait la même chose avec ces trente prénoms : Hafsa, mariée à son cousin impuissant, Abdelhaq le chômeur, Houcine le policier d'Azemmour, Itto la petite bonne…ils défilent de page en page sous l'œil amusé du narrateur. Et à l'oreille hilare du lecteur.

Car s'il y a bien un livre à ne pas lire à voix basse, c'est celui-là. Le style est vif et imagé, un vrai hommage à la richesse de la darija. Les portraits sont rédigés dans une prose rythmée et rimée, très piquante. Elle regorge d'expressions que l'auteur prend un malin plaisir à détourner, de jeux de mots, d'allusions, de courts-circuits entre les sens propres et figurés, de métaphores qui vous conduisent tout droit à une chute inattendue, tantôt cocasse, tantôt amère, tantôt cynique… Bref, "Tqarqib Nnab" est un livre savoureux, riche et surtout qui ne cède pas à la facilité de l'exercice de style. Les trente figures sont autant de photos de la société marocaine d'aujourd'hui, et en évoquent les problèmes, les contradictions, mais aussi les coutumes, les manies, les croyances… Avec une percutante légèreté. Et nous, on tient à s'appesantir sur le prix du livre : 10 dirhams…

Kenza Sefriou
Source : Le Journal Hebdomadaire

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