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Il faut sauver le goumier Saïd, c'est un devoir de mémoire

Il est temps. Non pas le temps de la revanche, mais de la reconnaissance. Celle des goumiers de la Deuxième Guerre mondiale ayant donné leur vie au nom de la France. Oui, il faut sauver tous les goumiers Saïd de l'oubli, grâce à un réalisateur obstiné, grâce à quatre stars du cinéma français issues de l'immigration et réunies pour la première fois dans un même film, coproduction mêlant la France, le Maroc, l'Algérie et, à 10 %, la Belgique à travers Versus Production. Budget global : 14 millions d'euros. Sortie prévue en 2006.

Jamel Debbouze, Sami Naceri, Roschdy Zem et Sami Bouajila sont les héros d'« Indigènes », un projet que Rachid Bouchared (« Cheb », « Poussières de vie », « Little Senegal ») porte en lui depuis plus de dix ans et qui s'intéresse à une page de l'histoire française concernant l'armée d'Afrique pendant la guerre 40-45 (lire ci-dessous).

Piste vers les oasis dès le petit matin. La poussière enveloppe la camionnette qui se prend pour un 4 × 4. Nous venons de quitter Ouarzazate pour rejoindre le plateau d'« Indigènes ». On avait oublié qu'en avril il ne faut pas se dénuder d'un fil. Dans le désert aride du Sud marocain, le temps est très frais, malgré le soleil. Il y a quelques jours, la neige a même tapissé le paysage au point de perturber le tournage.

Trois cents figurants,

en sandales et djellabas

L'équipe de Rachid Bouchared se camoufle dans des doudounes. Un homme en habit local sert le thé à la menthe. A l'arrière, les femmes préparent le couscous de midi. Sur la colline d'en face, le camp de base, avec camions militaires pour les troupes et les armes. Dans les pierres et la poussière, quatre caméras. Trois cents figurants, en sandales et djellabas, doivent sortir des gorges et escalader la colline. Les généraux regardent de loin. Plan d'ensemble sur ce qui doit représenter la bataille italienne de Monte Cassino.

Après ce mois et demi au Maroc, toute l'équipe ira dans les Vosges, en Alsace, puis à Marseille. Le challenge du réalisateur ? Que l'Etat français paie sa dette vis-à-vis de ces anciens combattants. En 2002, il a été condamné à assumer les pensions de ces soldats indigènes dont certains reçoivent la moitié d'un soldat français, d'autres rien du tout. Et d'ajouter : L'équipe de France, à 70 % composée d'enfants issus de l'immigration, gagne la Coupe du monde de football, on affiche le portrait de Zidane sur l'Arc de Triomphe le soir de la victoire. Mais ça change quoi ? Quelque temps plus tard, le Front national fait des scores effrayants. Il y a toujours le racisme.

En ce jour d'avril, les stars du film ne tournent pas, mais elles doivent se retrouver dans le décor pour une photo qui servira peut-être à l'affiche du film. En attendant leur venue, Roger, le photographe, nous raconte : Dès que Jamel arrive sur le plateau, il détend l'atmosphère. Les vannes fusent. Personne ne sait lui tenir tête. Il a toujours le dernier mot. Quand il joue, c'est dans l'immédiat. Il joue, il est bon. Il n'est pas homme à rejouer plusieurs fois la scène, ni à rester toute une journée sur le plateau.

Roschdy Zem et Sami Bouajila attendent au soleil. Et s'énervent un peu : Jamel, coproducteur du film à 50 %, est en rendez-vous avec Luc Besson, fraîchement débarqué pour soutenir le film, mais aussi pour parler d'autres projets, comme les studios au Maroc. Sami Naceri dort encore...

Dans le film, Jamel Debbouze, l'acteur le mieux payé de France qui joue ici pour le minimum syndical, est Saïd, un berger analphabète qui s'enrôle dans l'armée pour changer de vie. Sami Naceri, héros de « Taxi », campe un goumier marocain cynique qui entre dans l'armée pour des raisons pécuniaires. Roschdy Zem joue le beau gosse oranais dont le rêve est de rejoindre la métropole pour échapper à son statut d'indigène. Quant à Sami Bouajila, remarqué depuis « Bye-bye », il incarne la naissance du nationalisme algérien en campant un soldat militant, politisé, maîtrisant la langue française et les lois de la République.

Sur le plateau, la pose de midi approche, mais Rachid Bouchared continue à mettre en boîte des scènes de bataille, d'explosion, de corps qui tombent. Les cascadeurs s'affairent. Olivier Hespel, preneur de son belge ayant travaillé avec Bouli Lanners, fait tout pour que le son soit réaliste, même si son approche est subjective afin d'amplifier l'effet de guerre.

Pour écrire son scénario, Rachid Bouchared n'avait quasiment pas d'archives, pas d'images de cette réalité de guerre. Il a donc été à la rencontre des survivants, a récolté bon nombre de témoignages. Il nous confiera : J'espère que mon film fera comprendre aux jeunes beurs qu'ils sont légitimes en France, car ils sont français, car leurs parents, grands-parents ou arrière-grands-parents ont donné leur vie pour la France, de l'Italie à Berlin. Le début de notre histoire avec la France n'a pas commencé en balayant les rues de Paris !

A quelques kilomètres du tournage, la production a élu domicile à l'Atlas Corporation Studio où restent de beaux vestiges du tournage de « Kundun ». Sur la porte du bureau de production, une affiche où l'on peut lire : « Il faut sauver le goumier Saïd », un film de Steven Bouchared. Ou encore : « The good, the bad and the ugly », by Rachid Leone.

Source : LeGuide.be

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