«L'Islam est toujours présenté comme un système de règles obsolète qui depuis son âge d'or n'évolue plus» par opposition à une Europe moderne, regrette Susanne Kröhnert-Othman, directrice de l’étude du Georg Eckert Institut. Présentée, hier, jeudi 15 septembre, à Berlin, et rapportée par le Monde, cette étude démontre que les manuels scolaires européens véhiculent des stéréotypes négatifs sur l’islam et les musulmans.
L’étude a portée sur 27 manuels scolaires, utilisés en 2010, dans cinq pays européens : l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et la Grande Bretagne. Aucun ouvrage ne sort du lot, leur vision de l’islam est approximativement la même. «L'islam [est décrit] comme une société patriarcale et autoritaire, composée de paysans et de bergers, qui fait face à d'importants problèmes d'adaptation à la modernité», explique Susanne Kröhnert-Othman. Par voie de conséquence, l’Europe moderne est distinguée de l’Islam, comme si l’un et l’autre étaient incompatibles par essence : les deux ensembles s’excluent mutuellement.
Les musulmans sont identifiés comme étant des non-européens. L’étude explique que le «conflit» est le thème sous lequel les références à l’islam peuvent être résumées. Tout ce qui touche à l'islam et aux musulmans dans le présent y est presque exclusivement associé. «Dans les manuels, [L’islam et les musulmans] apparaissent massivement (seulement) dans le cadre des conflits - les conflits politiques et sociaux dans le contexte de la du terrorisme et de l'intégrisme -, la politique internationale et les textes sur l’immigration.
Pour exemple, cette double page tirée du manuel d’histoire pour les terminales ES, L et S des éditions Hachettes, publié en 2004. Elle met face à face l’Europe et l’islamisme et explique très clairement que l’Europe, enfin débarrassée du communisme avait pensé avoir gagné la paix, mais se découvre bientôt un nouvel ennemi : l’islamisme.
Pour les chercheurs, auteurs de l’étude, ce type de représentations «ne permet pas de lutter contre un populisme islamophobe», souligne Mme Kröhnert-Othman. L’enquête affirme explicitement qu’il participe d’un «racisme culturel». Les chercheurs demandent donc, forts de cette étude, que les chapitres consacrés à la migration soient revus. «Les musulmans ne doivent plus être classés comme un groupe à part composé d'immigrés non-européens dont les traditions empêchent une intégration», estiment les chercheurs.
En France, l’enseignement de l’histoire de l’immigration – voir le dossier de Yabiladi Mag septembre – subit un sort similaire au niveau des programmes scolaires eux-mêmes, déterminés par le ministère de l’Education Nationale. Elle a certes gagné en visibilité depuis 2006, mais elle est encore «partielle et partiale», estime Halima Aït Mehdi, attachée de recherche en histoire à l’université de Picardie. Selon elle, l’enseignement de cette thématique large se concentre avant tout, en pratique, sur l’immigration intra-européenne et en donne aussi une vision misérabiliste.