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Grand Angle

«Violeur de Tinder» : Salim Berrada devant le tribunal

A la cour criminelle du Palais de justice de Paris, le procès dit du «violeur de Tinder» arrive à son dénouement, jeudi 28 mars, avec le réquisitoire de l’avocat général, Philippe Courroye. Dans le cadre de cette affaire, le photographe casablancais Salim Berrada est jugé pour 13 viols et 4 agressions sexuelles. Il risque 20 ans de réclusion.

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Photo d'illustration / DR.
Temps de lecture: 4'

Mercredi 27 mars au Palais de justice de Paris, le photographe Salim Berrada a été entendu pour la dernière fois. Jeudi, la huitième et dernière journée de ce procès a été marquée par le réquisitoire de l’avocat général. Philippe Courroye a mis en avant le caractère récurrent et systématique des méthodes du mis en cause, à qui la justice reproche 13 viols et 4 agressions sexuelles. Les faits, entre 2014 et 2016, se seraient tous déroulés au studio parisien de l’homme âgé de 38 ans, lors de séances de shooting à l’issue desquelles il aurait drogué les plaignantes pour abuser d’elles.

La prise de contacts avec les victimes commence sur une application de rencontres ou sur un réseau social. S’ensuit une séance photo, payante ou offerte, une consommation de plusieurs verres d’alcool, une suspicion de soumission chimique, puis un rapport sexuel non consenti, souvent violent. «Le ministère public que je représente n’est pas là pour porter une accusation systématique. Parce que je suis le défenseur de l’intérêt général. Et monsieur, si je vous croyais innocent, mon devoir serait de le dire et de requérir un acquittement», a lancé l’avocat général, lors de cette dernière audience.

«A la date des faits, Salim Berrada est un photographe d’une certaine notoriété et dont les photos ont pu convaincre les plaignantes de son talent. On peut se demander si la photographie de mode n’était pas un moyen d’assouvir son addiction au sexe.»

Philippe Courroye

Dans ses récits, Salim Berrada «a insisté pour faire boire [ses victimes] avant le shooting : de l’alcool fort. Après les verres, elles décrivent un état anormal qui fait penser à de la soumission chimique», requiert encore l’avocat général.

S’adressant à l’accusé, l’avocat général a évoqué une «descente aux enfers» pour les plaignantes, objet de «déni, honte, troubles de la vie affective, perte de poids, problèmes de concentration...». S’adressant cette fois-ci à la cour, il a requis la condamnation sévère de Salim Berrada pour l’ensemble des 17 plaintes, qui révèlent un même mode opératoire. Faisant référence aux précédentes mises en examen du photographe, Philippe Courroye a estimé que celui-ci était un individu «dangereux», au vu de sa récidive. «Il est remis en liberté le 27 mai 2019 et qu’est-ce qu’il fait? Il réitère», rappelle-t-il.

L’avocat général a estimé que les 17 plaintes examinées restent cependant «la face émergée de l’iceberg». «Combien d’autres qui restent tapies dans le silence, leur honte, le déni et qui ont vécu la même chose ?», s’est-il interrogé.

Salim Berrada rejette tout en bloc

Depuis sa première mise en examen, le 13 octobre 2016, jusqu’à sa dernière audience, Salim Berrada a nié l’ensemble des éléments à sa charge. «Je n’ai jamais drogué personne. Je n’ai jamais eu de mode opératoire pour violer personne. Qu’on le comprenne», a-t-il insisté.

Pourtant, les récits des 17 plaignantes montrent un déroulement identique des faits incriminés. «J’ai écouté avec attention chaque témoignage. Pour comprendre, car je veux réellement comprendre, saisir pleinement ce qu’elles disent avoir subi, ce qu’elles prétendent avoir enduré», a déclaré l’accusé, à la veille du requisitoire.

«Il y a des personnes ici dont je suis convaincu du mal-être, de leur croyance que je suis un violeur, que je les ai drogué. D’autres mentent, je le sais, j’en suis persuadé. Mais elles pensent réellement dire la vérité et servir une cause qui est noble et que ça vaut la peine de mentir», détaille encore le photographe.

«Il y a des personnes qui ont couché avec moi pour faire bonne figure alors qu’elles n’en avaient pas réellement envie. Il y en a qui ont couché avec moi pour avoir leurs photos et quand elles ne les ont pas eues, elles ont dit avoir subi un abus.»

Salim Berrada

Au cours de la procédure, les analyses ont montré des traces de drogue ou d’antihistaminiques dans les cheveux de la moitié des plaignantes. Mais pour Salim Berrada, ces molécules se retrouvent aussi dans des médicaments en vente libre.

Un risque de récidive

Mercredi, deux psychiatres et une psychologue se sont succédés à la barre en donnant une lecture similaire du mis en cause. Ils décrivent une personnalité «narcissique», «autocentrée», «peu empathique» et «manipulatrice».

«Lui-même reconnaît que dans le cadre de relations sentimentales et sexuelles, il peut être manipulateur, rechercher l’emprise sur l’autre et réussir par le jeu de son charme et de sa sociabilité. Obtenir in fine le consentement de l’autre pour assouvir ses besoins personnels», détaille David Touitou, expert psychiatre rencontré par Salim Berrada en 2017.

«Il explique qu’il n’a pas hésité à les manipuler pour les rencontrer, qu’il faisait tout ce qu’il jugeait utile pour arriver au consentement de ces jeunes femmes, qu’il a manœuvré», décrit pour sa part la psychologue Elisabeth Cedile. Selon les trois spécialistes, le photographe a plutôt un cheminement pour assouvir ses besoins.

Pour la spécialiste, «le sexe est un outil pour obtenir ce qu’il veut, c’est-à-dire posséder pour rejeter ensuite». «Tout est bon pour lui pour obtenir un consentement - superficiel -, coûte que coûte», analyse quant à lui David Touitou.

Pour sa part, le docteur Vincent Mahe, expert psychiatre, a estimé que Salim Berrada était dans «une forme de donjuanisme», à travers une sorte de «collectionnisme, une séduction tous azimuts». «Est-ce qu’on n’est pas plutôt dans de la prédation que dans la séduction?», a demandé l’avocat général. «Il y a la séduction classique et il y a la séduction telle que Salim Berrada se la représente. Pour lui, c’est réussir à obtenir ce que l’on veut», a explique Dr. Mahe.

Pour le spécialiste, le risque que Salim Berrada récidive est «très important». «Ce qui est inquiétant, c’est le nombre de victimes et la récidive, alors qu’il était sous contrôle judiciaire», explique-t-il. Le verdict a été rendu, ce vendredi 29 mars au soir, condamnant le photographe à 18 ans de réclusion et à une interdiction définitive du territoire français.

Article modifié le 30/03/2024 à 17h10

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