La dernière image de Zidane le footballeur hantera longtemps les adorateurs du mythe "Zizou": le leader de la génération dorée du football français, vainqueur du Mondial-1998 et de l'Euro-2000, est sorti par une porte dérobée après un coup de tête asséné dans la poitrine de l'Italien Marco Materazzi. Un geste inexcusable qui a choqué le monde entier, même si ce coup de folie a sans doute répondu à une provocation verbale.
Et même si, lundi, Zidane est redevenu le temps d'un communiqué de la Fédération internationale de football (Fifa) le meilleur joueur de la XVIIIe édition de la Coupe du monde, il a donné, le temps de la finale sur la pelouse du Stade Olympique de Berlin un condensé de sa carrière.
Ange et démon, il avait déjà revisité depuis son arrivée en Allemagne les plus belles mais aussi les plus terribles pages de sa vie de footballeur.
Il aura mis en vacances l'Espagne, son pays d'adoption depuis 2001, qui voulait le mettre en retraite. Il aura ébloui une dernière fois le monde par une prestation magique face au Brésil, pays aux "cinq étoiles" qui lui doit ses deux dernières défaites en Coupe du monde. Il aura réussi un penalty décisif contre le Portugal, comme il y a six ans lors de l'Euro-2000 où il avait alors livré son match le plus complet. Il s'offre même une "panenka" sur son penalty en finale de Coupe du monde contre l'Italie.
Le 12 juillet 1998, Zidane, en propulsant la France vers son premier titre de championne du monde, était pourtant entré dans la catégorie de ceux qui font basculer les grands matches. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est cette année-là qu'il a remporté son seul Ballon d'or.
En Allemagne, jusqu'en finale, il a porté l'équipe de France vers un destin que l'on a cru jusqu'à la fin fabuleux.
Rien ne semblait pourtant prédestiner le timide "Yazid", né d'un père kabyle dans les quartiers nord de Marseille, à un tel destin. S'il manie bien la balle, il n'a pas tout à fait le physique à la hauteur. Son éternel point faible, a-t-il parfois reconnu, d'autant qu'une thalassémie bénigne, une maladie génétique, le fatigue naturellement.
Mais plusieurs hommes vont croire en lui et accompagner son éclosion. Jean Varraud, son "père spirituel", qui le fait venir au centre de formation de Cannes, où il découvre la 1re division à 16 ans, en 1989. Rolland Courbis, son entraîneur à Bordeaux, qui le fait grandir tranquillement.
Aimé Jacquet, ensuite, qui lui offre sa première sélection - et quelle sélection!, avec deux buts face à la République tchèque à Bordeaux le 17 août 1994 - et décide de reconstruire les Bleus autour de lui. A l'Euro-1996, Zidane est déjà le meneur de jeu alors que Cantona reste à la maison.
La "Juve" découvre un joueur de classe mais Zidane reste encore un magnifique perdant, battu en finale de Ligue des champions en 1997 et en 1998.
La finale du Mondial-98 va tout changer. Sous ce maillot de l'équipe de France où il confesse avoir vécu ses plus beaux moments, le N.10 marque deux fois en première période. Un million de personnes scandent "Zizou, président!" sur les Champs-Elysées et le visage de Zidane devient un emblème, pour la ville de Marseille comme pour une France qui se voit multiculturelle.
Zidane est devenu "Zizou" pour toujours: un symbole pour les politiques, un Français idéal pour les sondages, une icône pour les publicitaires qui raffolent de son image de bon père de famille et de ses yeux clairs.
A l'Euro-2000, le joueur atteint sa plénitude technique et l'équipe de France remporte son deuxième trophée en deux ans.
Mais Zidane ne connaît pas la même réussite à la Juventus, qui le laisse filer vers le Real Madrid en 2001 pour le plus gros transfert de l'histoire du football: 75 millions d'euros!
Madrid l'adopte et Zidane, dès la première saison, peut enfin brandir la "coupe aux grandes oreilles" en réussissant une reprise de volée d'anthologie à Glasgow face au Bayer Leverkusen, en mai 2002. Quelques jours plus tard, il rejoint les Bleus en Asie pour le Mondial et la France ne voit pas comment, avec un tel "Zizou", elle peut ne pas doubler la mise.
Ce fiasco de 2002 laissera longtemps des marques chez "ZZ", qui, après un Euro-2004 sans flamme et l'arrivée d'un encadrement renouvelé sous l'impulsion de Raymond Domenech, dit adieu aux Bleus pour se consacrer au Real Madrid.
En Espagne, il ne prend toutefois plus de plaisir dans un club égaré dans sa politique "galactique" et voit les Bleus menacés de rater le Mondial. Alors Zidane, à l'été 2005, revient tel Zorro avec Makélélé et Thuram pour finir une histoire.
Le pari est osé, mais, comme guidé par une force mystique, il y croit: non seulement il qualifie les Bleus, mais il décide, quelques semaines avant le tournoi, de faire du Mondial sa tournée d'adieu.
C'était risqué. Zidane a failli réussir. Aux yeux des journalistes chargés de décerner le titre de meilleur joueur du Mondial-2006, il a incontestablement réussi sa dernière Coupe du monde.
Jusqu'à dix minutes de la fin de la prolongation d'une finale de Coupe du monde et un dernier coup de sang plutôt que de génie.