Comme vous avez pu le voir au mois d’août, un chien harrag avait traversé le Détroit pour porter la rage en Gironde. Les autorités sanitaires françaises ont mis rapidement en place une kyrielle de parades instinctuelles. Cela allait de la publication de l’arrêté ministériel à l’euthanasie de tout carnivore domestique SDF, en passant par un numéro vert pour toute personne léchée par une langue enragée. Entre chien et loup, les autorités avaient un mal de chien pour trouver le renard douteux. Les furets se faisaient plus albinos qu’albinos et ne chassaient plus aucun lapin de Garenne. Les chiens écrasés aboyaient bon train dans les journaux européens et se la fermaient dans les nôtres. Les chats de gouttières se faisaient «euthanasier » même quand ils miaulaient français, tandis que l’angora bourgeois se terrait dans le soyeux de ses poils sous les caresses de mémé maîtresse. L’Europe a été mise sens dessus dessous pour une histoire de chiot. Le propriétaire du coffre objet du délit de l’hébergement du harraga est poursuivi en justice. Durant tout cet hallali, nos autorités sanitaires ont observé une retenue de circonstance. C’est juste une petite rage. De toute façon, sans rage déjà, nous avons notre dose quotidienne d’enragé(e)s. C’est vrai que tout mon charabia valait pour le mois d’août. Depuis, bien de l’eau a coulé sous les ponts. Je n’avais à priori aucune raison de discourir de la sorte sur une histoire de chiennes « rabiquement » léchées. Il se trouve que la Communauté européenne a harmonisé ses règles par rapport aux mouvements de chiens, de chats et de furets. A partir du 1er octobre 2004, le règlement 998/CE va exiger de toutes les bestioles qui voudraient errer en Europe un passeport en bonne et due forme. La Belgique pousse le bouchon plus que les autres. Ses agents pourraient demander une pièce d’identité à la fois à Brahim et au pitbull de clébard qui déambule avec lui sur le boulevard. Je sens qu’à la rue de Brabant, à Bruxelles, les clebs seront plus contrôlés qu’ailleurs. Dans cette rue à senteurs arabes, il y a un risque de trouver plus de matous avec des signes ostentatoires. Ne croyez pas qu’il vous suffira d’attifer votre clebs d’un « boubi » de rigueur pour vous en sortir. Le passeport doit mentionner l’identité complète du toutou. Cette identité est la même que celle qui se trouve dans un transpondeur électronique implanté en sous cutané. Votre chien aura donc en prime une puce électronique (microchip) insérée sous sa peau. Contrairement aux vraies puces, celle-ci résistera aux « secouages » et aux grattages. En plus de l’identité de l’animal, il aura sa photo, le nom de son propriétaire, l’adresse où il squatte et une description complète de sa physionomie. Pour le moment, la liberté de culte s’oppose à la mention de la religion de son propriétaire. Ne perdons pas espoir, au rythme où vont les choses, on verra bientôt pleins de nouveautés « anti-n’importe-quoi ». On pourrait peut-être admirer le travail de précision des « services » pour la capture du chat de Ben Laden et sa conduite sous haute surveillance à Guantanamo. En l’absence de passeport, le règlement spécifie qu’il faudrait mettre le contrevenant en quarantaine et le renvoyer à son pays d’origine. Une occasion pour faire du charter de molosses sans papiers. Ainsi tous les animaux sans papiers qui braillent magrébin, arabe ou africain reviendront au bled tête baissée et queue basse. Une version volante de L’Arche de Noé, mais cette fois-ci c’est pour noyer les hommes et les animaux dans le déluge du tout économique.
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