Al-bid’aa , du point de vue de sa terminologie, c'est tout ce qui a été innové sans chose semblable qui l'ait précédée. Au niveau la Loi, al-bid’aa, l'innovation, se partage entre l’ innovation de bonne guidée (bid’atou hasanah) et entre l’ innovation d'égarement (bid’atou dalalah).
As-Shafi’i (que Dieu l’agrée) a dit : « toute chose innovée qui contredit le Livre, la Sounna, le Consensus des savants ou un athar (information traditionnelle, en l’occurrence, ce qui est rapporté des compagnons du Prophète ou à leurs successeurs), est une innovation qui se perd dans l’errance. Par contre toute chose qui est innovée en matière de bien et qui ne les contredit en rien, est une innovation louable. »
Il a dit également : « il existe deux types d’innovations : les innovations réprouvées et les innovations autorisées. Les innovations conformes à la Sounna sont autorisées, mais celles qui la contredisent sont réprouvées ». Il appuya son dire sur la parole de Omar : « quelle bonne innovation ! ».
On en déduit qu’il y a deux types d’innovations : A. Les innovations louables :
Il existe des actes et des faits nouveaux qui ne contredisent pas les règles de la législation islamiques, bien au contraire, ils sont louables voire obligatoires.
Dieu -exalté soit-Il- dit : « Faites le bien puissiez-vous réussir ». [sourat Al-Hajj / 77]
Le Prophète (Paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit:« Celui qui apporte une bonne tradition (Sounnah Hassana) en Islam en aura sa récompense et la récompense de celui qui la met en pratique après lui, sans qu'aucun ne soit lésé dans sa récompense. Et celui qui apporte une mauvaise tradition (Sounnah Sayi-a) en portera le fardeau et celui de ceux qui la mettent en pratique après lui, sans qu'aucun d'eux ne soient déchargés de leur fardeau» (Rapporté par Mouslim, chapitre de la Zakât) .
Donc celui qui instaure dans l'Islam une bonne tradition (un acte de bien qui respecte l’esprit de l’islam et ses percepts généraux) en aura la récompense et la récompense de ceux qui œuvreront après lui . Les compagnons et ceux qui sont venus après eux ont innové de nombreuses choses dans la religion qui ont été bien accueilli et adopté par la communauté puisqu’elles étaient bénéfiques pour elle.
Pour plus de clarté, donnons quelques exemples : Le Coran a été rassemblé en un opuscule à l’époque de Abou Bakr. Othman rassembla le coran dans un seul ouvrage et en envoya plusieurs exemplaires aux différentes contrées.
Omar Ibn Khattab a institué la prière collective de Tarawih pendant le mois de ramadan. Puis lorsqu’il vit les musulmans accomplir cette prière il s’ exclama : « quelle bonne innovation ! ». Oubayy Ibn ka’ab dit alors à Omar que cette pratique n’existait pas auparavant. Omar répliqua qu’il le savait, mais que c’était une bonne chose.
Il y a aussi la rédaction de différents ouvrages relatifs à différentes sciences comme la science des hadiths, la grammaire, les mathématiques…
La mise en place de "Mihrab" dans les mosquées afin d'indiquer la direction de la Qibla.
La vocalisation du Coran et la science du Tajwid.
L’approbation des savants reconnus de certaines œuvres est un signe de sa légitimé. Il devient moubah (autorisé), car la communauté ne s'unit pas dans l'erreur. Ibn Massoud que Dieu l'agrée dit : " tout ce que les musulmans considèrent comme bien est effectivement bien, et ce qu'ils considèrent comme mal, cela est effectivement mal". Rapporté par l'Imam Ahmed dans son livre de La Sunnah.
Il importe quand même de noter que, les pratiques en rapport avec la religion, qui trouvent une justification ou un fondement dans les références de la législation islamique, ne sont pas considérées comme "Bid'ah".
C’est dans ce même ordre d’idée que l’on pourra comprendre la tradition suivante :
Amr Ibn 'Aouf a rapporté que le Prophète (Paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit un jour à Bilal Ibn Al-Hârith: «Apprends, ô Bilal!» Il dit: «Et qu'est-ce que j'apprends, ô Messager de Dieu ?» Il dit: «Sache que celui qui fait revivre une des sunnas, morte après moi, obtiendra la même rétribution que ceux qui la pratiqueront, sans que cela amoindrisse leur récompense, en rien. Et celui qui introduit une innovation d'égarement, qui n'est pas agréée par Dieu ni par Son Messager, aura à sa charge les péchés de ceux qui l'auront adoptée, sans que cela réduise en rien les fardeaux des gens.»
(Mentionné par Tirmidhi et Ibn Madjah, et Tirmidhi a précisé: «Bon Hadith»).
B. Les innovations blâmables ou à rejeter :
On a déjà précité la compréhension de as-Safi’i sur la mauvaise innovation. Toute action qui ne se conforme pas aux commandements de Dieu -exalté soit-Il- et à ceux de Son Envoyé est irrecevable.
Dieu -exalté soit-Il- a dit: "Dis : « Si vous aimez réellement Dieu, Suivez moi et Dieu vous aimera et vous pardonnera vos péchés »" [Coran S3 V31]
Aïcha a rapporté que le Messager de Dieu a dit : « Celui qui apporte dans notre religion –ci une innovation qui est étrangère, on doit rejeter tout ce qu’il dit ». (rapporté par Al-Boukari et Mouslim). Dans une autre version de Mouslim : « celui qui fait une chose en désaccord avec notre religion, on doit rejeter tout ce qu’il fait. »
Le hadith tire sa substance de nombreux versets qui édictent que le succès et le salut sont dans la conformité des actes avec le Coran et la Sounna, sans exagération ni rigorisme. L’islam est contre l’exagération des extrémistes et l’altération des manipulateurs.
Le hadith signifie que celui qui innove, en matière de religion, celui qui va à l’encontre de la législation islamique, en supporte le péché, son œuvre est rejetée et il mérite le châtiment.
Le Prophète (Paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit : « … En réalité, celui d'entre vous qui vivra après moi verra une divergence de vues. Restez donc attachés à ma Sounnah, à celle des califes bien guidés après moi. Mordez-y à pleine dents ( lit : par vos molaires). Evitez les pratiques innovées car toute innovation (en islam) constitue un égarement ». (Rapporté par Ahmad, Abou Dawoud et at-Tirmidhi qui le déclare : bon et authentique).
L’Imam Malik avait coutume de dire : « La Sunna est à l’image de l’arche de Noé. Quiconque y prend place obtient le salut et quiconque manque à son appel se noie. »
La mauvaise innovation peut être détestable ou illicite, et c’est l’innovation citée dans le hadith de Aïcha épouse du Prophète (Paix et bénédiction de Dieu sur lui). Elle peut même conduire à l’égarement ou/et au polythéisme.
A ce sujet, on rapporte qu’en marchant à Hounayn, les compagnons passèrent devant un jujubier que les associateurs vénéraient et suspendaient leurs armes à ses branches. Quelques nouveaux convertis dirent alors : « O envoyé de Dieu ! désigne nous un arbre de bénédictions comme les associateurs en ont un. » Le Messager de Dieu leur dit : « Dieu est grand, vous venez de demander ce que les peuples de Moïse lui avait demandé : Fais nous un dieu de même qu’ils ont des divinités (coran S7/138) Puis il dit : « vous êtes un peuples se comportant suivant l’ignorance païenne. Vous allez cheminer suivant les voies de ceux qui vous ont précédé »
Parmi les causes qui ont favorisé l’apparition des innovations, on trouve :
- l’ignorance
- l’imitation sans fondement (attaqlid)
- taasoub al a’ma ()
- Les passions (hawa)
- Les Hadiths forgés ou inventés (Mawdou’) ou sans origine (sans Isnad).
- Des efforts émis par certains groupes pour attaquer l’islam et les musulmans.
- Des habitudes (‘Adat) et des légendes (Khourafat) qui n’ont aucune source dans la religion.
C. Les catégories des innovations blâmables :
Les innovations blâmables sont de plusieurs degrés. Certaines font parties du polythéisme, d’autres de la mécréance et d’autres des péchés. En général, il en existe deux sortes :
les innovations en matière du Crédo islamique (Al-‘Aquida) : Ces innovations ont pour vocation d'améliorer les dogmes et les croyances ou encore la production d'un nouveau crédo qui n’a pas été institué par les références islamiques authentiques.
A titre d’exemple, citons le fait de suivre en matière de credo, la doctrine incriminée par les groupes égarés tels que : Al Batiniyah, Al Murjiaah, Al Khawarij, Al kadariyya,Al jahamiyya,Ar-Rawafids …En effet, Dès lors que la dissension et la discorde a pris de l'ampleur parmi les musulmans et dès lors que des groupes égarés ont fait leur apparition, partant de leurs fausses interprétations de textes, en mettant l'accent sur des sujets très subtils du domaine de la croyance et du dogme, dont seul Dieu ou les savants enracinés dans la science peuvent y répondre, c’est ainsi que plusieurs hérésies se sont manifestées. La recherche de la compréhension de ces sujets n'a de résultat que l'égarement. C'est pour ces raisons que les anciens pieux de cette communauté ont délaissé les paroles inutiles et vides d'intérêts, se sont éloignés des disputes et ont pris la marche des sujets simples, de la Sounna claire.
L'innovation dans les cultes et les adorations (Al-‘ibadat): Une adoration qui ne trouve aucune justification ni fondement, ni dans le Coran, ni dans les Hadiths, ni dans la pratique du Messager Mohamed (Paix et bénédiction de Dieu sur lui) est une mauvaise innovation. Quelle que soit la façon, qu’il s’agisse d'une nouvelle adoration ou d'une adoration incorporant une nouveauté qui n'a pas été prescrite, est interdite, Cette interdiction est notée dans le verset où Dieu exalté soit-Il dit : « Ou bien auraient-ils des associés (à Allah) qui auraient établi pour eux des lois religieuses que Dieu n'a jamais permises ? » [Coran, Sourate 42/21]. C’est le cas de l’homme qui au temps du Prophète (Paix et bénédiction de Dieu sur lui) avait fait le vœu de rester continuellement debout sous le soleil et de ne jamais s’asseoir et de jeûner sans arrêt. Le Messager de Dieu lui ordonna de s’asseoir, de se mettre à l’ombre et de terminer son jeune jusqu’à la fin de la journée.
Pour illustrer ce passage, voici quelques exemples
*rajouter une cinquième rak’aa dans la prière.
*Faire le pèlerinage (Hajj) sans parler.
*faire la circumambulation tawaf autour d’une tombe.
*Prier en direction de la tombe du Prophète (Paix et bénédiction de Dieu sur lui).
D. La recherche de l’équilibre :
À la lecture de tout ce qui s’écrit au sujet de l’innovation, on a l’impression que tout devient une bid’aa blâmable. Il convient donc au musulman, de se conformer aux règles de la législation islamique et de se renseigner auprès des savants les plus éclairés.
L'une des manifestations de la grâce divine accordée à cette Oumma réside dans l’existence, à chaque époque, d'Ulamas imbus de science qui se dressent devant toute innovation visant à défigurer la religion, à altérer sa pureté et à chercher à se substituer à la Sounnah après l'avoir éradiquée. En fait, c’ est Dieu qui est Protecteur de Sa religion et de Sa Loi, c’ est une promesse qu’ Il –exalté soit-Il – a exprimé dans Sa Parole : En vérité c'est Nous qui avons fait descendre le Dhikr ( Coran ), et c'est Nous qui en sommes gardien [Sourate Al Hijr 15:9]
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la compréhension de l’Islam a toujours fait l’objet d’une adaptation au contexte et à l’environnement. Tout en ne remettant jamais en cause les acquis théologiques et tout en manifestant pleinement sa foi, La compréhension de l’islam passe toujours par un véritable effort intellectuel pour en retrouver le sens originel. Les savants de l’islam ont prôné une appartenance consciente, intelligente et équilibrée.
Les arguments relevant du dogme et de la religion, en général, évoqués par certains courants, opposants à cet effort de réflexion sont complètement non fondés. Si on suit leur logique, on considérerait comme innovation détestable « Bid’aa » le moindre geste ou mouvement des organes ou un murmure pieux, interprété en tant que dévotion non conforme. Il s’agit d’une nouvelle manière de confisquer et de s’accaparer le monopole de l’orthodoxie et de jeter les autres en enfer.
Il est donc important de noter l’extrême rigidité doctrinale de ce mouvement superficiel, qui aspirait à l’origine à dépasser la distinction des écoles juridique, est devenue une nouvelle école, dont la particularité est d’être plus rigide que les autres. Ce n’est certainement pas le Texte qui est ici mis en cause, mais plutôt les comportements des uns et des autres qui prétendent parler au nom du Texte et qui desservent à la fois son message et son esprit !
Selon Abou Hourayra, le Prophète (Paix et bénédiction de Dieu sur lui) a dit : « La religion est aisance et facilité. Jamais quelqu’un ne cherchera à rivaliser de force avec la religion sans que la religion ne l’écrase. Suivez plutôt la voie sage du juste milieu, rapprochez-vous en douceur de la perfection et soyez optimistes. Aidez-vous en cela par vos allées et venues à la mosquée le matin, le soir et aux dernières heures de la nuit. » (rapporté par Al-Boukhari).
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