Le projet colossal de Tanger Med commence à prendre forme. APM Terminals Tangier, société attributaire du premier quai à conteneurs, annonce la date de démarrage de ses activités. Ce sera en juillet 2007. Les hostilités seront alors ouvertes...
A la rencontre informelle qu’il a eue avec la presse, mardi 5 décembre, à Casablanca, Etienne Rocher, Directeur Général d’APM Terminals Tangier, est venu serein. Il voulait juste prendre contact avec quelques journalistes, s’entretenir avec eux de sa société qui travaille à rendre opérationnel le 1er terminal à conteneurs de Tanger-Med, soit 800 mètres de linéaire de quai, les tenir informés de l’état d’avancement du projet...
Cela fait partie de la nouvelle démarche qu’il a adoptée en matière de communication et qui l’a conduit à rencontrer les représentants des principaux media, par petits groupes. Le DG de APM Terminals Tangier (APM. T. T.) maîtrise parfaitement le sujet. C’est un homme du métier.
D’origine française, né au Brésil, il est dans le secteur maritime depuis 17 ans (il y est entré harponné par des chasseurs de têtes...). 17 ans dans les liaisons du monde par voie de mer, cela l’a conduit aux quatre coins de la planète. A commencer par Casablanca où, jeune VSNE (volontaire service national entreprises), il a séjourné d’octobre 1989 à février 1991. Mais aussi en Asie, en Afrique, en Europe, sans compter les pays comme l’Afghanistan, le Pakistan..
Il était donc venu parler sereinement... Et le voilà mitraillé de questions sur les tenants et aboutissants de son partenariat avec la société marocaine Akwa, sur un éventuel monopole de son groupe dans le détroit de Gibraltar, sur les clauses secrètes passées avec l’Etat marocain, sur une éventuelle rivalité entre le Maroc et l’Espagne au sujet du trafic maritime dans le bassin méditerranéen...
Pourquoi le partenariat avec Akwa ?
Tenant à apporter quelques précisions sur sa société, Etienne Rocher a d’abord commencé par la présenter. APM Terminals Tangier est, certes, une filiale du groupe A.P. Moller-Maersk. Mais il ne s’agit pas de confondre. Il y a la maison mère, A.P. Moller-Maersk, fondée en 1904, dont le siège est au Danemark, qui emploie 110.000 personnes, est présente dans 125 pays et a réalisé en 2005 un chiffre d’affaires de près de 35 milliards USD. Et puis il y a APM Terminals International qui a été créée en 2001, en tant que structure indépendante au sein du groupe A.P. Moller-Maersk, dont le siège est à la Haye. La maison mère est leader mondial dans le transport maritime, les secteurs de l’énergie, les chantiers navals, la distribution et les industries de construction. APM Terminals International est leader mondial dans la gestion de terminaux à conteneurs. Elle opère dans 40 ports, a généré en 2005 un trafic de 24 millions d’EVP (equivalent 20 pieds) en servant 60 compagnies maritimes.
APM Terminals Tangier est donc une antenne de APM Terminals International, au même titre que APM Terminals Algésiras. Toutes deux remplissent les mêmes tâches, l’une du côté d’Algésiras, l’autre du côté de Tanger (d’où la crainte du monopole..).
APM Terminals Tangier est une société de droit marocain née en mars 2005 dont le capital est détenu par APM Terminals International à hauteur de 90% et par le groupe Akwa de Aziz Akhnouch, à hauteur de 10%. Quand on sait que le groupe danois est un groupe familial dont les seuls membres de la famille détiennent 75% du capital, on se demande pourquoi cette association au Maroc avec Akwa ?
Une condition du gouvernement marocain, ou du cahier des charges, ce qui revient au même ? Non, répond Etienne Rocher. Akwa était déjà dans le circuit. Il est dans les hydrocarbures. Il a en plus exprimé le désir de ce partenariat. Et, pour ne rien gâcher, il a la même structure de groupe familial. Ce qui évite de s’exposer à certains aléas... Pas de clauses secrètes alors avec le gouvernement marocain ?
Si, répond Etienne Rocher, « comme dans tous les cahiers des charges, mais pas en ce qui concerne Akwa ». Et le DG d’APM T. T. d’expliquer ce que tous les opérateurs savent : que l’on reste généralement discret sur ces clauses à cause de la concurrence...
Précautions contre un éventuel monopole
Les journalistes en sauront tout de même un peu plus lorsque sera posée la question d’un possible monopole du groupe danois sur le trafic du détroit de Gibraltar. Un monopole de fait, compte tenu de la présence de APM Terminals Algésiras d’un côté du détroit et de APM Terminals Tangier de l’autre côté. Le monopole n’est pas possible répond Etienne Rocher, ne serait-ce que parce que le Maroc a pris toutes les précautions pour l’éviter. APM T.T. qui est l’attributaire de la première moitié du quai est tenue, par le cahier des charges, de laisser un peu moins du tiers de la capacité commerciale de son terminal à la disposition des autres opérateurs. Beaucoup ? En tout cas pas autant que les quelque 50% que doit laisser l’attributaire de la deuxième moitié du quai (un pool composé de l’opérateur portuaire germano-italien Eurogate-Contship, 2ème compagnie maritime mondiale, du suisse MSC, 3ème compagnie maritime mondiale, du franco-libanais CMA-CGM et de la 1ère compagnie marocaine, la Comanav) !
Rivalité avec l’Espagne ?
Pour Etienne Rocher, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. La guerre du détroit n’aura pas lieu. Même le port d’Algésiras, actuellement saturé, bien qu’ayant engagé des travaux d’extension, se situera plus dans la complémentarité que dans la concurrence avec Tanger-Med... Pourtant, le port d’Algésiras s’est fixé l’objectif, grâce au nouveau chantier, d’être en mesure d’accueillir 6 millions de conteneurs de 20 pieds (les objectifs de Tanger-Med sont de 3 millions et demi). Le détroit de Gibraltar est, de l’avis même d’Etienne Rocher, au croisement des routes maritimes les plus importantes. Il n’y aura peut être pas de guerre du détroit, mais une course impitoyable aux parts de marché, certainement !
APM T.T. qui a investi 150 millions d’Euros dans la construction du 1er quai et emploiera 120 cadres et 750 ouvriers, sera la première à démarrer ses activités (le deuxième attributaire commencera en 2008). Elle ouvrira donc le feu. « Je pense qu’on arrivera à la pleine utilisation du potentiel en 2010 » conclut E. Rocher.
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