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Le souffle féminin
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1 mars 2005 21:30
salam, bonsoir, smiling smiley


[www.tariqramadan.com]

Révélation et espoir




Il faut voir la réalité en face. Au-delà des discours d’intention, au-delà des réactions crispées, au-delà de l’esquive et de la fuite. La question de la femme pose un véritable problème aux musulmans aujourd’hui. Non pas seulement parce que c’est devenu le sujet de prédilection de ceux qui veulent s’en prendre à l’islam, mais bien plus profondément parce qu’il existe un fossé immense entre les orientations fondamentales des sources islamiques et ce que pressentent aujourd’hui les sociétés majoritairement musulmanes.
À la vérité, la question des femmes est un formidable révélateur des sérieux manquements qui se sont développés au cœur de la représentation que les musulmans ont de leurs sources et d’eux-mêmes. Confondant les traditions et les coutumes de leur pays respectif ; connaissant peu, ou très mal, ou pas du tout, les textes fondamentaux se référant aux femmes ; négligeant par habitude, par paresse ou par profit, l’exemple du Prophète (PSL), les musulmans éprouvent toutes les peines du monde à se faire une idée claire sur la question. Pire, leur connaissance très relative en la matière de même que le poids des coutumes les mènent à développer une représentation de la femme et un discours plus « anti-occidental » en son orientation que réellement islamique en son essence.
La pensée devient superficielle, dangereusement binaire, avec une logique du type : « Si l’Occident est si libre et si permissif, donc moins de liberté et plus d’interdit, c’est plus d’islam. » Pensée simple... et gravement simpliste. Attitude intellectuelle révélatrice d’une situation très périlleuse : incapables de penser leurs références de l’intérieur, avec clarté et confiance, les musulmans développent une réflexion frileuse, recroquevillée, réactive, élaborée à partir du miroir négatif de l’Occident.
Ils sont attachés à des coutumes, craintifs quant à leur environnement, en constant repli, et leurs références ne sont plus une source vive où ils vont puiser et trouver la force de l’initiative et de la réforme ; non pas... elles deviennent des prisons, des bastions à protéger... jusqu’à l’étouffement.
S’il est un domaine où ce phénomène est patent, c’est bien celui des femmes. Au lieu de revenir à nos sources et à ce qu’elles contiennent d’enseignements fondamentaux et essentiels, on se crispe sur le détail à la lumière de certains textes réducteurs, interprétés littéralement et souvent hors contexte, pour mieux limiter, pour mieux se défendre.
Le mot est lâché : dans l’esprit de beaucoup de musulmans, parler de la femme en islam se fait avec l’intention, formulée ou non, de défendre l’islam. C’est la preuve, en soi, qu’ils ont déjà été colonisés par la logique de « l’autre », celui qu’ils ressentent comme un potentiel détracteur et qui, ainsi, leur impose son cadre de réflexion et le choix de ses priorités. Impossible alors d’élaborer une représentation harmonieuse et un discours propre sur la question de la femme en islam... D’emblée, on est mené à considérer ce qui fait problème pour l’autre, à lui répondre au coup par coup, et maladroitement... forcément. N’ayant pas pris le temps de méditer, de penser et de dire l’être de la femme en islam, on développe un discours négatif, et obscur, sur ce que la femme n’est pas, le foulard n’est pas, la polygamie n’est pas, la répudiation n’est pas, et tout à l’avenant. Entrés, par négation, dans la logique de l’autre, comment peut-on espérer se faire une idée confiante de nos propres références ? Comment peut-on espérer faire comprendre à cet autre le sens de notre conception alors que nous-mêmes y sommes étrangers et l’observons de l’extérieur. Mission impossible.

Réappropriation




Il est rare de lire aujourd’hui un texte sur la femme qui ne commence pas par rappeler sa situation déplorable en tant que nouveau-né avant l’islam ou par s’étendre sur son statut très respecté de « mère » aux pieds de qui se trouve le Paradis des enfants. Toutes les réflexions faites en ce sens sont intéressantes, vraies et légitimes. Force est de constater cependant que l’on passe insensiblement de l’enfant à la mère, d’une fonction à l’autre, sans avoir pris le temps de considérer l’être de la femme, son identité, le sens de son cheminement sur Terre. Tout se passe comme si cela tenait de l’évidence et pourtant, à considérer l’état de nos sociétés, de nos communautés et de nos familles, rien n’est moins sûr. Nous sommes bien loin de penser avec profondeur à la dimension de l’être féminin devant Dieu, parmi les hommes.
Sans doute est-ce le premier domaine sur lequel un travail conséquent est à mener : dire la foi, parler de la spiritualité, penser la priorité et l’exigence de l’intime par rapport à la dictature de l’apparence. La femme musulmane doit se réapproprier la dimension de son être : loin du discours trompeur de la seule esthétique et du bien-être, mais également loin du propos littéraliste et frileux, il faut qu’elle puisse retrouver le chemin libérateur du souffle de la Révélation : être parmi les êtres, dans une égalité de tous les instants... sa dignité est en son cœur et en cet effort profond, constant et exigeant de chercher la lumière et la proximité. Vivre ce qu’elle est pour se libérer de la seule apparence... proche du Créateur pour se libérer des images-prisons des créatures. C’est le chemin du cœur et de toutes les spiritualités.

Des femmes et des hommes



Nous l’avons dit, nous sommes loin d’appliquer comme il se doit les enseignements de l’islam en ce qui concerne les droits et le rôle des femmes dans nos sociétés. Les discriminations sont légion et dans tous les domaines : éducation, mariage, travail, etc. Une véritable réforme ne saurait aboutir, nous l’avons dit, si nous ne passons pas d’abord par cette première étape de rétablissement de l’image de l’identité de la femme. Cela suppose une prise de conscience et, au risque de nous répéter, l’élaboration d’un discours profond et fidèle aux sources islamiques.
Encore faut-il dire que le processus de réforme qui est exigé de nous ne saurait être le fait des seules femmes. Il ne s’agit pas d’engager une libération sur le mode du conflit hommes-femmes tel qu’il a été vécu dans pratiquement toutes les sociétés industrialisées. Ce qu’il faut promouvoir aujourd’hui est une véritable mobilisation des hommes et des femmes non pas les uns contre les autres, mais ensemble et au nom des principes fondamentaux de l’islam, et ce afin de lutter contre les discriminations entretenues, les coutumes faussement islamiques et les alibis culturels.
Si le discours sur l’être et la spiritualité est fondamental, il doit être accompagné d’un travail conséquent d’éducation et de formation aux principes islamiques, pour les femmes comme pour les hommes. Il s’agit de promouvoir une éducation positive, harmonieuse et confiante : non pas par opposition à l’Occident mais en vertu des orientations essentielles de notre religion. Remettre de l’ordre dans nos références, l’essentiel redevenant l’essentiel et le détail détail, s’opposer aux discours réducteurs et refuser l’instrumentalisation de l’islam pour couvrir des discriminations manifestées. Notre silence, aux femmes comme aux hommes, serait une complicité... notre silence est une trahison.

Dérives et espoir




Nous le savons et il faut le dire. Dans de nombreuses familles en Occident, des jeunes filles sont encore privées d’une véritable éducation et l’on décide parfois tout pour elles, jusqu’au choix de leur conjoint et de la dot. Certaines se voient imposer le port du foulard, d’autres sont privées de la moindre autonomie, d’autres encore sont privées d’accès aux études et au travail... Mariées, elles sont nombreuses à subir des traitements indignes et inhumains : la négligence, les insultes et la violence sont des réalités quotidiennes. Triste tableau. Quand ce n’est pas à l’intérieur, les écueils se multiplient à l’extérieur avec les innombrables problèmes que l’on sait pour les pratiquantes, en ce qui concerne l’intégration scolaire, la discrimination à l’embauche et la très difficile, voire impossible, participation sociale. Plus généralement l’intégration citoyenne des musulmanes est en panne d’initiative, et il nous manque clairement une vision constructive de l’avenir. Les discours de bonnes intentions n’y changeront rien et les étapes d’un réel engagement communautaire pour réformer l’état des choses se dessinent assez clairement :

- Élaborer une réflexion sur la femme à partir d’une lecture positive de nos sources, et non contre l’Occident ;


- Fonder ladite réflexion à partir de l’être de la femme et non pas des seules fonctions d’enfant, d’épouse ou de mère ;


- Promouvoir une éducation généralisée touchant les hommes et les femmes quant à leurs références et à la façon de les vivre ; à chaque étape, faire la part des choses entre les coutumes d’un pays et les enseignements proprement islamiques ; faire face à la réalité des discriminations et s’engager, femmes et hommes ensemble, à une profonde réforme des mentalités et des comportements. Vaste programme, cela va sans dire, qui nous renvoie à nos responsabilités : toute une communauté qui doit se mobiliser ensemble pour rendre ses droits à la moitié de la communauté... aux femmes. Non pas par crainte des critiques extérieures ou pour défendre l’islam, mais parce que nous sommes habités par la conscience d’un devoir et d’une exigence devant Dieu. Rien ne saurait justifier notre paresse et notre démission.



De partout des voix se font entendre... Des femmes et des hommes, au nom de l’islam, disent les chemins prochains de la libération. C’est notre espoir.


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