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MrsDalloway a écrit:
Bonsoir chers Yabis,
Je ne suis pas marocaine, je suis née en France, y ai grandi. J'ai 22 ans, et voilà bien quelques années que je vous lis avec plaisir, sans pour autant prendre part aux conversations. J'ai souvent ri aux éclats à la lecture de certains posts, parfois j'ai été triste pour certains d'entre vous, et bien des fois j'ai fermé les fenêtres déconcertée par tant de stupidités.
Mais toujours, je me suis sentie complètement déconnectée de votre monde, de votre rubrique "relations sentimentales".
D'une fratrie de 3 enfants (je suis l'ainée, ma soeur a aujourd'hui 18 ans et mon frère 14 ans), nous avons été élevés par ma mère (algérienne arrivée en France quand elle avait deux ans, pour ne jamais en repartir) et par elle seule, après son divorce d'avec mon père, depuis inscrit aux abonnés absents.
J'avais 15 ans quand ils ont divorcé, ma mère a du reprendre le travail pour subvenir à nos besoins. Alors j'ai pris en main ma petite famille et tous ensemble soudés, nous avons remonté la pente. Chacun prenant soin de l'autre, nous n'avons jamais eu besoin de personne. Les moments de galère, on les a connus, mais jamais ils n'ont été douloureux. L'essentiel pour nous étant de nous contenter de ce que l'on avait : l'amour inconditionnel de notre mère. Puisse Dieu nous la laisser le plus longtemps possible...
Pour faire honneur à ses nombreux sacrifices, on a fait de nos études notre priorité. Moi la première...
J'ai toujours grandi au milieu des livres, nourriture de l'esprit, source d'enseignement, ouverture sur le monde. Passionnée de théologie, de philosophie et de langues orientales (arabe, hébreu, persan), j'ai passé le plus clair de mon temps le nez plongé dans des traités, des essais ou des livres de grammaire. Tout ce que je sais à ce jour, je l'ai reçu de trois sources principales : ma mère, mes livres, mes profs...
Avec les années, si ma famille a su se reconstruire et sortir de notre autarcie, moi je n'ai su que m'enfermer davantage dans ma bulle : je ne voyais plus que la fac, ma chambre et le trajet qui me menait de l'une à l'autre. Hormis ma mère, ma soeur et mon frère, je ne fréquentais personne : pas d'amie, pas d'ami, pas de petit ami... Et pourtant de nature très sociable, j'aime et chérie chacune de mes rencontres : un enfant dans un parc, une dame dans le train, un grand-père à l'arrêt de bus... Ces petits instants, ces quelques mots échangés, qui toujours m'émerveillent, alors que pour d'autres ils sont insignifiants...
Mon côté sauvage et casanier m'a fait perdre beaucoup de personnes qui me sont chères : ma meilleure amie, 20 ans d'amitié et ma cousine. Chacune des deux a pris ses distances, elles étouffaient... Et elles ont eu raison.
Et paradoxalement, l'effet inverse de celui escompté s'est produit : je me suis refermée, bien plus que je ne l'étais déjà.
Voilà sans doute la raison qui me pousse à apprécier seulement les rencontres éphémères, et non celles qui pourraient aboutir à une relation quelconque qui me pousserait à m'attacher à une personne... Trop de craintes, que cette personne s'en aille et que je doive la laisser s'en aller. Parce si avant ma philosophie de petite fille voulait que je fasse dix pas vers la personne qui en faisait un seul vers moi, aujourd'hui la tendance est inversée, je fais dix pas loin de celui ou celle qui souhaite en faire un loin de moi... Ainsi, ai-je accepté que 3 des meilleurs relations de toute ma vie s'en aillent : mon père, ma meilleure amie et ma cousine... Aussi n'ai-je opposé aucune résistance à leur départ, leur éloignement... Jamais je n'ai tenté de les retenir, d'essayer de sauver quoi que ce soit. C'est à la fois une évidence et une histoire qui se répète sans cesse : on m'aime, on m'adore, on me porte sur un piédestal et d'un coup au moment où je m'y attends le moins, on s'en va... J'ai pas encore percé le secret en moi qui les pousse à agir de la sorte... Et mon comportement à la suite, leur donne raison et leur évite bien des regrets : pourquoi regretter d'avoir laissé tomber une personne qui vous a poussé à le faire, et qui en plus ne fait montre d'aucune tristesse ?
La vie est ainsi faite : telle un quai de gare, les gens viennent, d'autres partent, certains se retrouvent, d'autres se séparent, mais personne ne reste, si ce n'est les rails du chemin de fer. Ma vie est ainsi faite, seuls ma mère, mon frère et ma soeur restent, tous les autres sont voués à quitter le quai, d'autant qu'il est de moins en moins près à les accueillir...
Ne vous m'éprenez pas, les choses ainsi faites me conviennent parfaitement, loin de moi l'idée de me plaindre. Wa al-hamdu-Llah...
Et pourtant, si lucide sur les faits, me voilà en train de poster sur Amour et Relations... Je ne l'aurais jamais fait s'IL n'était pas entré dans ma vie, pour essayer de tout chambouler...
Il y a un mois, lors d'un examen, je revois un type qui a cours deux fois par semaine avec moi. Souvent je lui ai prêté mes cours, répondu à quelques messages dans lesquels il me demandait le numéro de la salle, les devoirs à faire... Sans jamais lui prêter grande attention.
A la sortie de l'examen, on se retrouve sur les bancs de la fac, on échange quelques mots. Et la conversation prend un tout autre tournant : il m'avoue qu'il cherche une relation sérieuse, le tout accompagné d'un grand sourire. Je lui dis alors que les filles sérieuses ce n'est pas ce qu'il manque, qu'elles sont justes discrètes, ne se font pas remarquer, et qu'il faut observer attentivement pour les voir apparaître. Je m'excuse de n'avoir de copine à lui présenter. Je ne sais comment j'en viens à lui dire que je suis sauvage et solitaire, et que mon coeur ne s'est jamais emballé, que je n'ai jamais eu ou ne serait-ce envisagé d'aimer un homme ou de me laisser aimer. Que seuls ma famille et mes études priment et que je n'ai pas de temps à perdre avec les hommes, que je suis bien trop jeune pour construire un futur à deux... Que... que... et encore que...
Il m'écoute, puis me parle de lui.
Marocain, il a 28 ans, un appart, même deux ou trois, un boulot, poursuit en même temps ses études... Littéralement, il se vend, et sa manière de procéder m'agace : exposer ses biens alors qu'il ne me connaît pas me fait penser que pour lui toutes les filles sont vénales (tema3a).
Exaspérée, je m'en vais le laissant planté là et lui fais remarquer ce que la vie et mes livres m'ont toujours appris : il n'y a de richesse que l'esprit, et toute pauvreté n'est autre que pauvreté de l'esprit.
Le soir même, il m’envoie un message, les jours suivants également, tous aussi innocents les uns que les autres : il m'explique qu'il n'a eu qu'une femme dans sa vie et que suite à la déception qui s'ensuit, il a privilégié sa carrière. Il comprend ma position, même s'il souhaite me voir changer parce que trop radicale et trop ancrée dans mes certitudes. "Je suis prêt à relever le défi... pas toi ? ". Ce message me fais voir rouge, je me dis qu'il a juste envie de s'amuser, je ne suis qu'un défi. Ai-je eu tord de lui révéler mon "non"-passé ?
Reprennent les cours, on se voit deux fois par semaines et avant chacun des cours il tient à ce qu'on aille boire un café, on déjeune parfois ensemble, il m'écrit tous les jours. Je laisse faire, attendant patiemment qu'il se lasse... Je me montre telle que je suis, sauvage et taciturne et ne fais même pas l'effort de lui plaire. Tôt ou tard, il cèdera...
Je doute de lui, ne prends pas au sérieux un traître mot. Et lui de son côté s'évertue à me prouver son honnêteté. Il m'appelle un jour, un quart d'heure au téléphone. Je me rends compte au fil de la conversation qu'il me parle, sa mère et sa soeur à ses côtés: il ne se cache pas, ne fait pas semblant... Un soir je revenais de Lyon, j'ignore toujours comment il s'est débrouillé pour avoir les horaires. Alors que je sortais du train retour, je l'ai trouvé devant moi, sur le quai. Il avait juste envie de me voir...
J'apprends à le connaître petit à petit, et vois bien que je l'ai trop vite jugé (sans doute à cause de sa façon trop directe de se présenter)... Il a l'air droit, cool, ouvert d'esprit, et très respectueux... Un vrai gentleman... Cet après-midi encore, il m'a proposé d'appeler sa belle soeur (la femme de son frère) pour qu'elle nous rejoigne... Il semble sincère...
Quel est le problème me direz-vous ?
Je me sens bien avec lui, il me fait rire, on partage plein de choses, j'en apprends et lui en apprend. Une grande complicité s'est installée entre nous, telle celle entre deux vieux amis. Il ne s'est passé qu'un mois, mais j'ai l'impression qu'une année entière s'est écoulée. Il me parle beaucoup de sa famille, de ses frères mariés à des Algériennes. Il partage ses sentiments, et est très sensible. Il a l'air tellement bien et si parfait que j'ai du mal à comprendre ce qu'il me trouve : on est trop différent, et si pour moi la différence est une richesse, je ne suis pas sûre que de son côté c'en soit une. Il est sociable, côtoie du monde, sportif, beaucoup d'humour... Je ne côtoie que mes livres et chérie ma solitude à laquelle je tiens...
Dès le premier message j'en ai parlé à ma mère, on ne s'est jamais rien caché. Elle trouve que c'est une bonne chose d'apprendre à le connaître, et que je ferai mieux de m'ouvrir au monde, de me faire des amis afin d'éviter de m'enliser davantage dans mon marasme sentimental, affectueux, social... (liste non exhaustive )
Je vais être honnête avec vous, parce que je ne me leurre pas : j'ai la trouille tout simplement. La trouille de faire connaissance, de devoir dévoiler ce que je suis, de devoir m'expliquer, de devoir revoir mes points de vue, de devoir changer, de devoir accepter qu'on m'aime et qu'on ait des sentiments à mon égard, de devoir avoir des sentiments et aimer à mon tour, de devoir être heureuse... Pour qu'une nouvelle fois, tout s'écroule, tout s'étale par terre, pour qu'on s'en aille et que je laisse s'en aller, pour que je me renferme sur moi-même, que je doive une énième fois tirer des leçons de mes expériences... Déprimes, remises en question, fragilité, oublis, cicatrices, manque de regrets, anormalité... Et devoir recommencer...
L'amour est un jeu qu'on joue à deux. Et un jour on se retrouve à jouer seul. L'autre retire ses billes, reprend ses cartes, et vous restez là, comme un con, devant une partie inachevée... Puis vous relancez les dés parce que vous n'avez plus de carte à jouer. Moi à tous les coups je perds !
J'ai le tournis rien que d'y penser ! Et chaque fois que j'y pense, me vient soudain l'envie de fuir et d'hiberner ! En me réveillant, je retrouverais alors les choses telles que je les ai laissées...
J'ai le sentiment profond que la même histoire va se répéter : il en prend tous les traits. Il aime ma façon de penser, ma culture et mes idées, ma personnalité... Mais dans quelques temps il en aura vite fait le tour, et je deviendrai banale, triviale, insipide, froide, coincée et autre noms d'oiseaux... Il trouve déjà que je suis trop méfiante, détachée de tout, je-m'en-foutiste et avare de sentiments de surcroît.
Il mérite mieux... Des filles jolies, instruites, avec un bon fond et de l'amour à donner, il y en a à la pelle. Moi je n'aime que ma famille, mes livres, et les rencontres éphémères qui n'aboutissent à rien... Et paradoxalement toujours, j'aime la vie que Dieu m'a offerte : je n'ai rien à y ajouter, rien à y retrancher... Pas de regret, pas de remords. Al-hamdu-Llâh, je rends grâce à Dieu pour les bonheurs qu'Il m'a apportés, je rends grâce à Dieu pour les malheurs que j'ai connus, je rends grâce à Dieu en toute occasion... Chacun ses aspirations, les miennes sont de mener une vie tranquille, au milieu de ma mère, mon frère et ma soeur, et de toujours conserver cette curiosité pour la connaissance. Je veux juste rester telle que je suis, ni reculer, ni avancer vers l'inconnu... Paradoxe.
Je me relis, et fais le constat que mon post s'apparente plus à un mise en ordre de mes idées qu'autre chose. Mais vos avis sont les bienvenus...
Puisqu'il me faut une question, alors je vous en pose plusieurs et je vous le demande chers yabis :
Quel livre m'enseignera la confiance en moi, en les autres ? Quel livre saura m'expliquer et me faire comprendre que la vie ne se résume pas à des lignes qu'on consigne sur papier, mais bien à des expériences qu'on vit avec autrui ?
Quel livre me portera la preuve de mon erreur ? Quel livre saura remédier à mon handicap sentimental ? Quel livre pour me révéler les clés de la réussite en amour, en amitié, en relations ?
Quels livres oui, car je n'apprends et ne comprends que dans les livres ! Ces mêmes livres qui m'ont appris à parler diverses langues, à comprendre les civilisations passées, à théoriser sur de grandes questions... mais qui ne m'ont jamais enseigné comment vivre mes sentiment !
Ps : bon courage et surtout merci à ceux qui arriveront à suivre le cours de ma pensée sinueuse !