C'était un secret de polichinelle, c'est désormais officiel : Roger Lemerre est depuis ce mardi le nouveau sélectionneur de l'équipe nationale du Maroc. Il prendra ses fonctions le 1er Juillet. Ce choix a été établi après une mûre réflexion comme l'a indiqué la Fédération Royale Marocaine de Football, "Il a été établi que toutes les conditions sont actuellement réunies pour que M. Lemerre prenne en charge la responsabilité des équipes nationales à compter du 1er juillet".
Cette nomination du technicien français aura été très longue à se concrétiser. En effet, il aura fallu attendre un peu plus de 3 mois après le limogeage de son compatriote Henri Michel, consécutif à la débâcle de l'équipe nationale lors de la Coupe d'Afrique des Nations au Ghana. C'est dire si ce choix était très attendu. Il met fin à un feuilleton qui a connu pas mal de rebondissements, notamment l'épisode du vrai-faux retour de Badou Zaki, les tergiversations de fond des cadres fédéraux, longtemps partagés entre la solution locale et l'option étrangère, et l'annonce "imminente" sans cesse ajournée. Il était temps...
Roger Lemerre, né le 18 juin 1941 à Bricquebec (Manche) a connu une honorable carrière de joueur au poste d'arrière central ; il a notamment joué au FC Nantes, à l'AS Nancy-Lorraine et au RC Lens. Durant cette carrière, il aura obtenu par trois fois l'étoile d'or France Football (1966, 1968, 1969), joué deux finales de Coupe de France (1965 avec Sedan, 1970 avec Nantes), ainsi qu'une finale de la Coupe Drago en 1963.
En tant qu’entraîneur, il a dirigé le Red Star, le RC Lens, le Paris FC, le RC Strasbourg, l'Espérance de Tunis et l'Équipe de France militaire, qu'il mène au titre mondial en 1995 ; il devient en 1996 l'adjoint d'Aimé Jacquet en équipe de France A, avec lequel il remporte la coupe du monde 1998. Il prend alors les rênes des Bleus qui remporteront l'Euro 2000 et la Coupe des Confédérations en 2001 sous ses ordres.
Le tournant de sa carrière de sélectionneur se produit en 2002 ; impuissant face à la bérézina des Bleus au mondial asiatique (favoris annoncés de la compétition, ils devaient finalement en sortir par la petite porte dès le premier tour sans parvenir à marquer le moindre but), il en paye les pots cassés et se retrouve excommunié du jour au lendemain par ses pairs du football français. Il rebondira sur l'autre rive de la Méditerranée, en Tunisie, où la sélection locale se cherche un nouveau souffle.
Il importe en terres tunisiennes sa méthode faite de poigne, de rigueur tactique et d'une manie du détail. Il inculque à ses protégés le goût de la gagne, et fait d'une sélection chancelante un groupe solidaire et hargneux. En 2004, la quête du Graal africain débouche sur un triomphe, en finale de la CAN à domicile. Le Stade de Radès et la Tunisie toute entière découvrent les délices de la victoire... malgré la pauvreté du jeu proposé, lui reprochent déjà ses détracteurs. Car dans sa quête de succès, Lemerre ne s'embarrasse pas de considérations esthétiques. Peu importe le style, seul le résultat compte. Et il ne s'arrête pas en si bon chemin puisque dans la foulée, la Tunisie fait une participation remarquée à la Coupe des Confédérations 2005, puis se qualifie au mondial 2006, où elle échouera de peu au premier tour, après un troisième match très controversé face à l'Ukraine. En Coupe d'Afrique des Nations, il ne parviendra pas à reproduire l'exploit de Radès, mais atteindra par deux fois les quarts de finale, éliminé les deux fois d'extrême justesse, après des rencontres d'anthologie (défaite aux tirs aux buts face au Nigeria en 2006, puis face au Cameroun en 2008 à l'issue de prolongations).
Après six ans à la tête des Aigles de Carthage, Lemerre a estimé qu'il était tant de refermer la page. Usé par les critiques d'une presse sportive tunisienne sans cesse plus exigeante, Roger l'Africain n'a pas souhaité prolonger son odyssée carthaginoise, et lèvera donc les voiles vers Rabat dès cet été. Il quitte Tunis avec à son actif une prouesse unique en son genre : il est en effet à ce jour le seul sélectionneur à avoir conquis deux titres continentaux sur deux continents différents.
Pour l'anecdote, Lemerre était déjà pressenti en 2002 au poste de sélectionneur du Maroc, mais la FRMF avait été mal inspirée en le laissant filer chez le rival maghrébin : Lemerre a en effet croisé à plusieurs reprises le Maroc en tant que sélectionneur des Aigles de Carthage, avec une réussite maximale, puisqu'il a privé les Lions de l'Atlas d'une victoire en CAN en 2004, avant d'arracher in extremis la qualification au mondial deux ans plus tard. Invaincue en cinq rencontres sous sa férule, la Tunisie était devenue la véritable bête noire du Maroc.
Alors que Lemerre passera dans l'autre camp pour préparer l'échéance 2010 avec les Lions de l'Atlas, on ne peut qu'espérer que les méthodes éprouvées en Tunisie s'acclimateront aux exigences et aux spécificités du contexte marocain. Lemerre le militaire ne sera pas particulièrement dépaysé dans le sérail de la FRMF, relèveront certains. Pour réussir sa nouvelle mission, le technicien normand sera affublé d'un adjoint local de haut niveau qui devrait être Fathi Jamal (actuel sélectionneur par intérim), ainsi que de Jean-Louis Morland, qui remplira les fonctions de DTN.
Hier bourreau de la sélection marocaine, Roger Lemerre deviendra-t-il son homme providentiel ? A deux ans d'une coupe du monde que le Maroc ne peut pas se permettre de rater une nouvelle fois, il est assurément conscient de l'ampleur et de la gravité de la tâche qui l'attend.
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