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Respectez-vous les lois françaises ou bien les principes du Coran ?
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19 juin 2005 14:33
salam, bonjour, smiling smiley

[www.maison-islam.com]

Respectez-vous les lois françaises ou bien les principes du Coran ?


Réponse :

Nous musulmans faisons dans le même temps les deux choses : nous sommes respectueux des lois du pays dans lequel nous vivons et nous nous référons (tahkîm) à nos sources – Coran et Sunna.
En tant que citoyens ou résidents étrangers d'un pays donné, les musulmans sont liés à un contrat avec ce pays. Or l'islam enseigne au musulman de respecter le contrat qu'il a conclu. Ainsi, le Prophète avait conclu des traités inter-nationaux, des traités qu'il avait conclus avec d'autres Etats-cités de l'Arabie d'alors : le Coran parle de "peuples avec qui vous avez conclu un traité" (Coran 4/90) ; le Prophète avait conclu un traité de dix ans avec la Mecque, en vertu duquel les musulmans de La Mecque ayant émigré à Médine seraient renvoyés à La Mecque ; il respecta les clauses du traité et fit retourner Abû Jandal, un musulman venu de la Mecque (rapporté par Al-Bukhârî). D'une façon générale, le Coran demande de respecter les engagements pris : "Et remplissez l'engagement ; car l'engagement sera l'objet de comptes [à rendre auprès de Dieu]" (Coran 17/34). En venant s'installer dans un pays (que ce soit définitivement en ce qui concerne les citoyens ou temporairement en ce qui concerne les résidents étrangers), les musulmans ont conclu un contrat avec les autorités du pays et ont reconnu en quelque sorte le caractère contraignant des lois de ce pays. Ici il ne s'agit pas d'un traité (mu'âhada) entre deux Etats mais d'un contrat (mu'âhada) entre un Etat et les personnes qui y résident. Cf. Fatâwâ mu'âsira, tome 3 pp. 642-644.
D'un autre côté, ces musulmans ne nient absolument pas chercher dans le Coran et la Sunna des principes pour vivre fidèlement à leur foi et leur conscience. Les enseignements du Coran et de la Sunna sont globaux et ils veulent en extraire des orientations et des limites pour les différents aspects de leur vie.

"Alors, demande-t-on aux musulmans, à quoi donnez-vous préférence : aux lois du pays ou aux principes de l'islam ?"
La réponse est qu'en fait nous posons le débat en termes d'"organisation". Nous avons conclu un contrat avec le pays dont nous sommes citoyens et respectons donc sa constitution, ses lois et ses règlements. Et en même temps nous voulons être fidèles à notre conscience, nourrie aux sources de la révélation. Comment respectons-nous l'un sans manquer de fidélité à l'autre ? En fait plusieurs situations se présentent.

A) Le droit de notre pays présente plusieurs formules juridiques :

Nous musulmans allons donc choisir la formule qui d'un côté est présente dans la législation de notre pays et qui d'un autre côté ne contredit aucun des principes de nos sources ; et ce même si cette formule n'existe pas dans nos sources, puisque dans les affaires de la vie quotidiennes (al-'âdât), d'autres formes que celles pratiquées par le Prophète peuvent être adoptées par les musulmans, à condition qu'elles soient intégrées au cadre des orientations (wâjibât et mustahabbât) et des interdits (muharramât et mak’rûhât) offert par le Coran et la Sunna (voir les pages de ce site consacrées respectivement aux 'âdât et à l'ijtihâd).
Un exemple : le besoin de posséder un bien sans pouvoir en payer immédiatement le prix a entraîné dans la législation française la mise en place de diverses possibilités juridiques : a) l'achat à crédit basé sur un contrat de confiance avec le commerçant ; b) l'achat par emprunt bancaire avec intérêt ; c) la location-vente ; d) la location assortie d'une promesse de vente ; e) la location-accession ; f) le crédit-bail ou leasing. Il est clair que la possibilité a ne contredit aucun principe mais est, dans les faits, difficile à obtenir d'un commerçant ; il est tout aussi clair que la possibilité b contrevient au principe musulman concernant le ribâ ; par contre, pour les possibilités c, d, e et f il faudra que les muftis et ulémas habitant dans le pays fassent des recherches approfondies pour établir lesquelles de ces possibilités ne contredisent aucun principe de l'islam : les musulmans auront donc recours à ces possibilités-là offertes par la législation de leur pays et, dans le même temps, respecteront donc les sources de l'islam.


Cool Le droit de notre pays ne présente qu'une seule solution :

Dans cette seconde situation, plusieurs cas apparaissent :

B.1) Le droit de notre pays dit la même chose que nos sources. Ainsi, la drogue est interdite de vente aussi bien par la loi française que par les principes musulmans. Il en est de même du vol, de l'assassinat, du viol, etc. Nous musulmans entendons donc respecter dans le même temps loi française et principes musulmans.

B.2) Le droit de notre pays permet quelque chose alors qu'en notre conscience (nourrie par les enseignements de nos sources) nous nous l'interdisons formellement. Ainsi, la consommation d'alcool ou de porc est autorisée par la législation française, mais en notre conscience nous nous l'interdisons formellement. Nous ne consommons donc pas d'alcool ni de porc, et ce faisant, nous n'entrons aucunement en contradiction avec les lois françaises : celles-ci ne faisant qu'en autoriser et non rendre obligatoire la consommation, ne pas en consommer ne constitue nullement un manquement dans notre respect des lois du pays.
Certaines personnes reprochent parfois à leurs concitoyens musulmans de s'interdire en leur conscience des choses de ce genre, comme par exemple le mariage avec des personnes non musulmanes. Or nous ne voyons absolument pas ce qu'il y aurait là de contraire aux lois républicaines, puisque celles-ci permettent seulement un tel mariage ; nous avons le droit de ne pas y avoir recours, puisque chaque citoyen a le droit de s'interdire en son âme et conscience ce qu'il juge bon, du moment que cela ne porte pas atteinte aux libertés des autres ; en effet, "nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n'ordonne pas" et "nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses". De nombreux citoyens catholiques continuent à considérer le divorce interdit en leur conscience, bien que la loi autorise celui-ci et qu'elle le fasse justement en se démarquant de ce qui se passait sous l'Ancien Régime. De même, de nombreux citoyens juifs s'interdisent en leur conscience le mariage avec des personnes non juives, bien que la loi autorise celui-ci. Pourquoi les choses devraient-elles être différentes en ce qui concerne les citoyens musulmans ?

B.3) Le droit de notre pays rend quelque chose obligatoire alors que nos sources ne font que le permettre (mubâh). Ainsi, conduire à droite est aussi permis en islam que conduire à gauche, mais les lois françaises obligent de conduire à droite. Nous nous conformons donc aux lois du pays, et, ce faisant, nous n'entrons nullement en contradiction avec notre conscience puisque celle-ci ne fait que nous autoriser cette chose, et non pas nous la rendre obligatoire.

B.4) Le droit de notre pays interdit quelque chose alors que nos sources ne font que le permettre (mubâh). Nous appliquons ici la même solution qu'en B.3.

B.5) Le droit de notre pays indique un certain nombre de conditions pour une transaction qui relève du cas du permis. Ainsi, quand deux musulmans français font un contrat selon lequel l'un embauche l'autre, cela sous-entend que tous deux respecteront les conditions assorties à l'emploi de toute personne : par exemple que celle-ci aura droit à cinq semaines de congés payés suite à un an de travail. Cela constitue une condition mise implicitement lors de la conclusion du contrat, ce qui est tout à fait possible en islam (voir mon article concernant les conditions édictées lors d'une transaction).

Certains musulmans pourraient dire : un verset du Coran (Coran 9/31) et le commentaire que le Prophète en a fait (rapporté par At-Tirmidhî, n° 3095) nous enseignent que considérer interdit ce que Dieu a dit être permis, c'est faire de l'associationnisme avec Dieu (shirk). Bien sûr. Mais ce n'est pas "considérer interdit ce que Dieu a dit être permis" (tahrîm ul-halâl) que d'avoir recours à la nécessaire réglementation du permis (tanzîm al-mubâh), comme par exemple interdire de rouler à gauche, instaurer des normes de sécurité pour les bâtiments, des normes liées à la solidarité nationale (règles pour l'usage des eaux), etc. Du point de vue de l'islam, cette réglementation est liée à la notion de la qiyâs al-maslaha et repose sur les principes généraux de l'islam ("Lâ dharar wa lâ dhirâr"winking smiley. Voir Du'ât lâ qudhât, Al-Hudhaybî, pp. 104-106. Voir aussi Islâm aur jadîd mu'âsharatî massâ'ïl, Khâlid Saïfullâh, p. 43.

Ces cinq cas de figure ne constituent pas réellement des occasions où il y aurait une sorte de dilemme entre ce que disent les lois du pays et ce que dicte à un citoyen musulman sa conscience. En effet, dans ces cinq cas on agit conformément à celle-ci sans manquer à celle-là, et conformément à celle-là sans manquer à celle-ci.
Par contre, deux cas existent où la question se pose effectivement :

B.6) Le droit de notre pays rend quelque chose obligatoire alors que nos sources nous l'interdisent formellement. Ainsi, certains types d'assurance sont interdits, et pourtant la loi de certains pays les rendent obligatoires pour des choses dont on ne peut pas se passer (location d'un toit, etc.). Dans ce cas nous ferons cette chose en gardant à l'esprit qu'il y a contrainte (ik'râh), et en nous limitant au degré minimal rendu obligatoire par la loi (adh-dharûra tataqaddaru bi qad'r idh-dharûra). Les musulmans auront donc recours à ces assurances – dans leur degré minimal – en considérant qu'il y a contrainte.

B.7) Le droit de notre pays interdit formellement quelque chose alors que nos sources nous la rendent formellement obligatoire. Nous considérerons, pour ces cas également, qu'il y a contrainte et agirons en fonction.

Ici encore, certains musulmans pourraient invoquer le verset (Coran 9/31) et le Hadîth rapporté par At-Tirmidhî (n° 3095), qui enseignent que considérer permis ce que des hommes ont permis alors que Dieu l'a interdit, c'est faire de l'associationnisme avec Dieu (shirk). Ils pourraient dire que dans le cas d'une loi qui rend permis ce que Dieu a strictement interdit, le seul fait qu'un musulman s'y conforme au niveau de ses actes suffit pour qu'il quitte l'islam, sans considération pour ce qu'il considère en son âme et conscience ('aqîda).
A ces musulmans-là, Al-Hudhaybî dit ceci : "tout dépend de la croyance et non de l'acte qui n'est pas accompagné par la croyance" (Du'ât lâ qudhât, pp. 166-167). Al-Hudhaybî cite Ibn Taymiyya, qui, commentant ce verset 9/31, a écrit qu'il existe en fait deux cas : il y a d'une part le cas où, malgré leur connaissance de ce qu'est la réglementation de Dieu, des musulmans se mettent à croire – suivant en cela ce que d'autres hommes ont dit – que tel acte que Dieu a strictement interdit est devenu permis et que tel autre acte que Dieu a permis est devenu interdit. Et puis il y a le cas où la croyance de ces musulmans reste ce qu'elle doit être à propos de ces actes que Dieu a strictement interdit ou permis, mais où, malgré cette croyance correcte, ces musulmans suivent au niveau de leurs actes ce que ces hommes-là ont dit, désobéissant alors par leurs actions à Dieu ; Ibn Taymiyya écrit : "Ceux-là sont dans le même cas que les musulmans faisant un péché" (Kitâb ul-îmân, pp. 64-65) et il ne s'agit donc pas d'un acte d'incroyance. Al-Hudhaybî cite aussi Ibn ul-Arabî, qui a écrit la même chose en faisant la différence entre les deux cas (Tafsîr Al-Qurtubî, cité dans Du'ât lâ qudhât, p. 171). Bref, obéir à une personne qui a déclaré permis ce que Dieu a strictement interdit remet en cause la foi musulmane si on considère en sa conscience ("ya'taqid"winking smiley que cela est devenu réellement permis à cause de ce qu'a dit cette personne (sans que cela signifie que concrètement, on dira de tout musulman étant ainsi qu'il est devenu incroyant : en effet, il faut que les conditions soient toutes réunies : 'admu mawâni' it-takfîr). Par contre, obéir par son acte à ce qu'a dit cette personne mais le faire en sachant en sa conscience que cela est bien interdit, cela n'est, comme l'ont écrit Ibn Taymiyya et Ibn ul-Arabî, pas de l'incroyance mais un péché.

Or, dans un cas de contrainte (ik'râh), il devient autorisé de faire ce qui, hors du cas de contrainte, aurait constitué un péché par rapport aux droits de Dieu. Al-Hudhaybî cite Ibn Hazm, selon l'avis de qui tout cas de contrainte rend autorisé ce qui constitue normalement un péché par rapport à ses devoirs vis-à-vis de Dieu : recevoir (de la part d'une personne dont on n'est pas certain qu'elle ne mettra pas sa menace à exécution) la menace d'être tué, ou d'être frappé, ou d'être emprisonné, ou de voir ses biens détruits ; de même, s'entendre dire que ces menaces – tuer, frapper, emprisonner, détruire des biens – seront exécutées sur un musulman autre que soi-même, ou sur quelqu'un d'autre (Al-Muhallâh, règles n° 1403, 1404, 1409 ; Al-Hudhaybî le cite en Du'ât lâ qudhât, p. 118). Dès lors, quand on vit dans un pays, on est sous la contrainte de ce que la loi du pays déclare strictement obligatoire ou strictement interdit, car on risque l'emprisonnement, etc. C'est pourquoi, dans les cas B.6 et B.7 cités plus haut (ce sont les deux seuls cas où la question se pose), le musulman se conformera à ce que dit la législation du pays où il vit, considérant qu'il y a contrainte ; il le fera au degré minimal ("adh-dharûra tataqaddar bi qad'r idh-dharûra"winking smiley ; et surtout il le fera en gardant la considération voulue en son âme et conscience.

Les cas de contrainte, écrit aussi Ibn Hazm, sont pris en considération en ce qui concerne les paroles et les actes qui deviennent permis en cas de nécessité absolue ("dharûra"winking smiley. D'autres actes sont tels que même s'il était l'objet d'un de ces cas de contrainte, le musulman ne pourrait les faire : imaginez par exemple que quelqu'un contraigne un musulman à tuer un innocent, en le menaçant d'être tué lui-même s'il n'obéit pas. Ici la contrainte n'est pas à prendre en considération, car "aucun texte ne permet au musulman de repousser l'injustice dont il peut être victime en se rendant coupable d'une injustice sur une tierce personne, laquelle ne lui a rien fait (…). Dans ce cas il ne reste à ce musulman qu'à (…) faire preuve de patience devant ce qui lui arrivera et qui était d'ailleurs prédestiné" (Al-Muhallâ, règle n° 1403, cité par Al-Hudhaybî, Op. cit., pp. 117-118). Al-Qurtubî a relaté le consensus des savants sur cette question de ne pas avoir le droit, même sous la contrainte, de tuer quelqu'un d'autre (cité par Al-Hudhaybî, op. cit., p. 116). Al-Qâdhî 'Iyâdh a aussi relevé ce consensus (Shar'h Muslim, commentaire du Hadîth n° 2887). Bref, si quelqu'un contraint un musulman à tuer un innocent, le musulman ne peut, ici, obéir.
Ceci nous amène à aborder la situation suivante.


C) L'exécutif mobilise les citoyens pour aller au combat :

Imaginez que les citoyens d'un pays donné soient mobilisés pour aller combattre des habitants d'un autre pays et qu'il soit établi que cette guerre est injuste et n'est motivée que par des objectifs purement stratégiques. En vertu des limites au cas de contrainte que nous venons de voir, les musulmans ne pourront pas participer à ce combat. Mais attention, ce n'est pas le fait de voir si en face il y a des musulmans qui est seulement à prendre en considération : des innocents sont des innocents, musulmans ou pas. Ainsi, lors de l'affaire Banû Ubayriq à Médine au temps du Prophète (sur lui la paix), les voleurs (des musulmans hypocrites) avaient accusé un juif (selon un des deux commentaires) d'être à l'origine du vol. Dieu, dans le Coran, vint révéler au Prophète que celui qu'on accuse est innocent et que c'est le musulman qui est coupable : voir Coran 4 /105-113. Ne pouvant pas participer à ce genre de guerre contre des innocents, les citoyens musulmans se mettront-ils alors hors la loi ? Non pas : ils feront jouer la clause d'objection de conscience, prévue par le droit du pays dont ils sont les citoyens et qui, d'ailleurs, a été et est invoquée également par d'autres citoyens qu'eux.
Par contre, dans le cas où le combat que leur pays entend mener n'est pas injuste mais est entièrement justifié à la lumière de ce que leur souffle leur conscience nourrie par leurs sources, les musulmans pourront y participer : Cheikh Khâlid Saïfullâh l'a écrit, se fondant sur le fait que les musulmans établis en Abyssinie (une "Dâr al-'ahd"winking smiley à l'époque du Prophète s'étaient mobilisés aux côtés du roi abyssinien contre un oppresseur (pour la règle écrite par Khâlid Saïfullâh, voir Islâm aur jadîd ma'âshî massâ'ïl, p. 80 ; pour l'événement historique, voir Le Prophète de l'islam, sa vie son œuvre, Muhammad Hamidullah, tome 1 p. 279).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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