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Milamber a écrit:
Les photos de cette première initiative font sensation sur les réseaux sociaux. L’enseignant du rural décide ensuite de s’occuper des tables de sa classe, vieilles d’au moins 25 ans, noires et toutes égratignées. Il les repeint en couleurs vives et les réorganise en forme de U, avant de s’attaquer aux murs avec ses collègues. Les images de cette opération font le tour d’internet, et des enseignants de plusieurs régions décident de suivre son exemple.
Hicham s’inspire des expériences nées dans d’autres pays. A l’image des écoles japonaises et coréennes, il achète à ses élèves des brosses à dent et du dentifrice, qu’il accroche sur un mur de sa classe. De cette manière, il les incite à se laver les dents durant les récréations et les sensibilise à l’hygiène corporelle. L’enseignant s’improvise même en coiffeur. Durant ses après-midis libres, muni d’une tondeuse, il coupe les cheveux de ses élèves.
«Maintenant, même leurs parents viennent solliciter mes services», lance-t-il, amusé. Dans le douar, il n’y a pas de coiffeur. Les habitants sont obligés de se déplacer au souk hebdomadaire de Khmiss Ajdir à Taza. La coupe y coûte 15 DH. Une somme qui peut paraître modique, mais à leurs yeux, elle reste non négligeable.
A 12 ans, certains n’ont jamais quitté leur douar…
«Evoluant dans des conditions précaires, les enfants sont souvent mal habillés et leurs chaussures sont usées. Je fais mon possible pour les aider», relève Hicham avec regret.
En partenariat avec des associations, il leur a offert des vêtements chauds, des bonnets, des gants et des bottes durant l’hiver. Grâce aux dons de bienfaiteurs, et au transport scolaire prêté par la commune, il leur a organisé de petites fêtes et des sorties dans la région, afin de participer à des animations avec DJ, clowns et activités diverses. Pour eux, ce fut de grandes premières. Certains, même à 12 ans, n’ont jamais quitté leur douar.
Avec toutes ces activités, le jeune enseignant a ouvert pour ses élèves une fenêtre sur le monde.
Au retour de ses week-ends chez lui à Bni Bouayach (à 23 km d’Al Hoceïma), il leur ramène souvent des friandises qu’ils ont rarement l’occasion de déguster.
Un psy pour rencontrer les élèves
Dernièrement, le jeune enseignant a organisé un déjeuner en faveur des élèves et de leurs parents. Il a lui-même acheté (grâce au don d’un bienfaiteur), égorgé et cuisiné deux chèvres pour l’occasion, et acheté des fruits et limonades. Il a également invité par la suite un psychologue pour rencontrer les élèves, enseignants et habitants.
Une première dans une école rurale reculée. Pour les faire sortir du douar, il a essayé d’organiser une visite d’un aéroport, afin de réaliser leur rêve de monter à bord d’un avion. Mais le projet n’a malheureusement pas abouti.
Pour lui, tous les moyens sont bons pour leur faire aimer l’école et les garder le plus longtemps possible dans le système. Il ne s’amuserait pas, par exemple, à les gronder s’ils n’ont pas fait leurs devoirs. Un enfant du rural, au retour de l’école, n’a pas vraiment de répit.
Il doit aider ses parents, aller chercher de l’eau, du fourrage, ou encore, donner à manger au bétail… Hicham en a conscience. Les devoirs sont souvent faits en classe. Le prof leur traduit aussi, à chaque fois que nécessaire, les cours en amazigh, leur langue maternelle, afin de faciliter leur apprentissage.
Avant leur départ pour les vacances, il les salue de manière originale «casual», à l’image de celle rendue célèbre dernièrement par les réseaux sociaux.
«Ils sont intelligents, travailleurs et disciplinés. Il faut simplement se mobiliser pour les aider à persévérer, les motiver, les inspirer et essayer d’innover. Nous ne pouvons garder des approches classiques», souligne l’enseignant.
Hicham Elfaquih, qui a cette année le statut de détaché, sera certainement redéployé à la prochaine rentrée. Cela lui fera mal au cœur de quitter ses élèves et le douar qui l’a accueilli pendant des mois. Mais il ne refuserait pas non plus de bénéficier de conditions moins rudes.
Dernièrement, des pluies torrentielles ont eu raison du réfrigérateur, de la connexion internet par satellite et de la télévision. «Nous sommes presque coupés du monde, nous avons l’impression de vivre dans les années 60», regrette le jeune prof. S’identifiant aux soldats des frontières, il continue de garder foi en sa mission. Après son départ, les enfants de Tafsast auront-il droit à des enseignants aussi engagés…
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