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Nuit tragique à Paris
17 octobre 2021 10:05
Sept ans après la « Toussaint rouge », trois ans après l'arrivée du général de Gaulle au pouvoir, l'indépendance de l'Algérie apparaît inéluctable. Pourtant, la France est plus perturbée que jamais par cette décolonisation qui n'en finit pas. La guerre s'est même transportée en métropole. Il n'y a pas de jour sans que des travailleurs algériens soient assassinés par des militants de factions rivales, pas de semaine sans que des policiers soient également assassinés.

La tension entre policiers français et indépendantistes algériens culmine avec la manifestation nocturne du FLN, mardi 17 octobre 1961, à deux pas de l'Élysée. Son bilan humain demeure incertain. Deux à trois morts attestées de Nord-Africains dans cette nuit tragique ; plus de 300 selon la rumeur ; de 30 à 50 selon les enquêtes les plus sérieuses.

Aujourd'hui, le FLN (Front de Libération nationale), mouvement politico-militaire fondé en 1954, s'attribue le mérite d'avoir décolonisé l'Algérie. Mais dans les faits, le combat pour l'indépendance a été aussi mené dès avant la Seconde Guerre mondiale par le populaire Messali Hadj. Très vite, son parti, le MNA (Mouvement national algérien) entre en conflit avec le FLN. Il s'ensuit une guerre fratricide très meurtrière dans les trois départements algériens mais aussi en métropole, où chacun tente de rançonner pour son compte les 400 000 travailleurs algériens. Rien qu'en métropole, cette guerre se solde par une dizaine de milliers d'attentats et au bas mot six mille morts parmi les travailleurs algériens (égorgements, noyades dans la Seine ou la Marne...). En 1959, pour infiltrer et traquer les militants et les tueurs du FLN, la Préfecture de police de Paris constitue une Force de police auxiliaire (FPA) avec environ 800 auxiliaires recrutés parmi les Algériens du bled ou de la métropole. Ils seront surnommés les « Calots bleus »

En attendant, à l'Élysée, le général de Gaulle est depuis longtemps convaincu de l'intérêt d'abandonner l'Algérie. Il souhaite seulement que l'indépendance se fasse à moindre prix. Le 8 janvier 1961, par référendum, les Français votent massivement pour l'autodétermination des Algériens et des négociations secrètes s'engagent au plus haut niveau avec le FLN à Lucerne (Suisse). La pierre d'achoppement est le statut du Sahara où l'on vient de découvrir d'immenses gisements de gaz. Les Français souhaitent qu'il soit décidé par l'ensemble des États riverains et la France tandis que le FLN exige qu'il ne soit pas dissocié de l'Algérie.

Le 11 février 1961, désespérés par la tournure des événements, des partisans de l'Algérie française fondent à Madrid l'OAS (Organisation de l'Armée secrète) en vue de combattre le général de Gaulle qu'ils accusent de trahison. Cela n'empêche pas le gouvernement français et le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) d'annoncer officiellement le 30 mars 1961 l'ouverture de pourparlers à Évian avec le FLN. Le lendemain, le ministre d'État chargé de l'Algérie, Louis Joxe, annonce l'ouverture parallèle de négociations avec le MNA, à la suite de quoi le FLN menace de ne pas aller à Évian.

Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, à Alger, quatre généraux tentent de soulever les militaires et les pieds-noirs. Ce putsch d'Alger échoue piteusement en quatre jours. Mais, pressé d'en finir, de Gaulle renonce à inviter le MNA aux négociations. Les pourparlers avec le FLN peuvent enfin s'ouvrir à Évian le 20 mai 1961. Mais le 26 juillet 1961, dans l'émotion causée par l'affrontement meurtrier entre l'armée tunisienne et l'armée française autour de la base militaire de Bizerte, la délégation algérienne prend une nouvelle fois l'initiative de la rupture sur le prétexte du Sahara.

Si l'indépendance de l'Algérie apparaît à tous inéluctable, ses modalités et notamment le sort du Sahara dépendent du rapport de force entre les négociateurs. Le gouvernement français accentue la pression sur le FLN. Le garde des Sceaux Edmond Michelet, jugé trop conciliant, est démis le 24 août. Du côté du FLN, une réunion à Tripoli (Libye) aboutit à l'éviction de Ferhat Abbas de la présidence du GPRA. Il est jugé trop modéré. N'a-t-il pas décidé de surseoir aux attentats contre les forces de l'ordre dès l'ouverture des négociations pour l'indépendance ?
17 octobre 2021 10:07
En région parisienne, dès la fin de la réunion de Tripoli, les attentats contre les policiers reprennent. Le 29 août, un policier est visé à Bezons, un autre est blessé à Saint-Denis, un autre est tué à Petit-Colombes... Au total, de la fin août au début octobre 1961, 11 policiers seront tués, plus d'un par semaine, ainsi que 17 blessés. Dans l'ensemble de la France, c'est un total de 22 policiers qui tombent sous les balles des commandos du FLN. Dans le même temps, pour ne rien arranger, alors que le pays vit sous l'état d'urgence (article 16 de la Constitution), l'OAS multiplie les attentats à l'explosif, quinze dans la seule nuit du 23 août, provoquant des blessés.
De son côté, la police, sous les ordres du préfet Maurice Papon, multiplie les perquisitions et les rafles avec pour objectif d'assécher les circuits de financement du FLN. Le 5 septembre 1961, en accord avec le ministre de l'Intérieur Roger Frey, le préfet de police de Paris Maurice Papon annonce que les Algériens pris dans des rafles à la suite d'un attentat seront renvoyés dans « leurs douars d'origine ». Dès les jours et les semaines suivantes, plusieurs milliers sont internés dans des camps de fortune et quelques centaines renvoyés en Algérie.
Mais les syndicats de policiers réclament davantage de fermeté. Le 5 octobre 1961, Maurice Papon diffuse un communiqué : « En vue de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes algériens, des mesures nouvelles viennent d'être décidées par la préfecture de police. En vue d'en faciliter l'exécution, il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs musulmans algériens de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement de 20h30 à 5h30 du matin ». L'objectif est double : entraver les collectes de fonds du FLN auprès des travailleurs algériens, dans les cafés et les meublés ; rassurer la police qui n'en peut plus des attentats, jusqu'à être obligée de dresser des barricades devant les commissariats. 
La Fédération de France du FLN proteste contre ce couvre-feu discriminatoire qui, fait aggravant, conduit la police à interpeller les contrevenants en se fiant à leur apparence physique qui les désigne comme étant des Nord-Africains. La presse elle-même dénonce ce « contrôle au faciès », contraire aux droits de l'Homme et source de nombreux malentendus.
Dans le plus grand secret, la Fédération de France du FLN appelle donc les 150 000 Algériens de la région parisienne à braver le couvre-feu en manifestant pacifiquement sur les Champs-Élysées et dans les beaux quartiers parisiens, en famille et sans armes, le  mardi 17 octobre, à 20h30. Les Algériens qui refusent de s'associer à la manifestation se voient menacer de diverses façons... Une manifestation nocturne à deux pas du palais de l'Élysée et de l'Assemblée nationale, avec une police chauffée à blanc par les attentats dont elle a été victime, c'est le drame assuré ! Le FLN veut user de cette provocation pour prendre le dessus sur le MNA. Il ne lui déplaîrait pas non plus que la France soit mise en accusation sur la scène internationale.

Le général de Gaulle donne carte blanche à Maurice Papon pour interdire la manifestation et la disperser par tous les moyens. Le préfet peut dire à ses hommes : « Désormais, vous êtes couverts ! » Les policiers ne se le font pas dire deux fois...
Malgré l'interdiction, les Algériens des banlieues ouvrières, généralement de pauvres gens, convergent vers le centre de la capitale, poussés par les militants du FLN. Les cadres du parti se gardent quant à eux de participer à la manifestation. Le drame survient comme prévu. Prises de court, les forces de l'ordre, au nombre de 1658 hommes très précisément,  interpellent sans trop de ménagement les manifestants à la sortie des métros et les embarquent dans des cars vers les commissariats. La plupart des FMA (« Français musulmans d'Algérie » selon la phraséologie de l'époque) se laissent appréhender sans protester. Il ne s'en produit pas moins des violences des deux côtés. Elles frappent de stupeur les témoins et les journalistes.
Le bilan officiel de la nuit du 17 octobre est de trois morts (dont un Français métropolitain tué pour des raisons inconnues près du cinéma Rex) et de 64 blessés. Mais très vite les organisateurs de la manifestation, relayés par les opposants à la guerre, évoquent des « pendaisons dans le Bois de Vincennes et une Seine remplie de cadavres » (Omar Boudaoud). Rien ne vient cependant corroborer ces assertions. Bien plus tard, en 1998, la mission Mandelkern constituée par le Premier ministre Lionel Jospin concluera à un total de 25 corps de Nord-Africains déposés à la morgue dans les semaines qui ont suivi mais dont deux ou trois seulement auraient pu périr dans la nuit du 17 octobre.
17 octobre 2021 10:08
La différence entre les enquêtes de terrain et la rumeur (on dirait aujourd'hui fake news) tient à l'imprécision des témoignages, à des exagérations (on a cru voir des corps qui auraient dérivé sur la Seine jusqu'aux écluses) et aux insuffisances des enquêtes (on a assimilé à des victimes des personnes qui ont préféré disparaître dans la nature), etc.

La presse du lendemain, à de rares exceptions (Libération), préfère mettre à la Une l'appel à la grève des cheminots, gaziers et électriciens en vue d'obtenir des augmentations de salaires. Jacques Fauvet, chef du service politique du quotidien Le Monde (centre-gauche), traduit le sentiment général en écrivant : « Le FLN ne manquera pas d'exploiter les sanglants indicents de Paris [...]. Pourtant, il en porte la responsabilité puisqu'ici et là c'est le terrorisme musulman qui est à l'origine de ces drames [...]. Les lâches attentats commis au hasard contre les agents de police ont amené à prendre des mesures, qui sont peut-être critiquables, mais qui visent à assurer autant la sécurité des musulmans que celle des agents en évitant aux premiers d'être victimes, comme cela est arrivé, de mitraillades la nuit ».

C'est seulement dans les jours qui suivent que la presse en vient à s'interroger sur la violence des affrontements. L'Humanité, quotidien du Parti communiste, est saisie pour avoir dénoncé la répression. Le Figaro lui-même, bien que proche du pouvoir gaulliste, dénonce des atteintes inadmissibles aux Droits de l'Homme. Néanmoins, tout cela laisse de marbre les syndicats et les partis de gauche comme de droite.

La gauche, revenue de ses errances colonistes, va s'emparer de l'affaire dans les mois et les années qui suivent. Le cinéaste et ancien résistant Jacques Panijel tournera dans la clandestinité une reconstitution engagée des événements. Il en tirera le film Octobre à Paris, qui obtiendra son visa de censure en 1973, douze ans plus tard, mais c'est seulement en 2011 que l'on s'avisera de le projeter en public.

En 1991, Jean-Luc Einaudi relance le débat avec un livre plutôt bien enlevé, La Bataille de Paris, 17 octobre 1961. Ce militant s'est auparavant illustré dans L'Humanité rouge (journal maoïste) avec des plaidoyers en faveur des Khmers rouges. Dans son livre, il chiffre à 393 le nombre de victimes de la répression mais sans vérifier ses sources ni faire la part des affrontements entre FLN et MNA.

Soucieux de clore le débat, le Premier ministre socialiste Lionel Jospin nomme en 1998 une mission d'enquête présidée par Dieudonné Mandelkern, président de section au Conseil d'Un historien scrupuleux, Jean-Paul Brunet, agrégé d'Histoire, ENS et professeur émérite à la Sorbonne, fera litière de ce chiffrage dans son propre ouvrage, Police contre FLN, le drame d'octobre 1961, en 1999.

Le souvenir de la nuit tragique du 17 octobre s'inscrit dans la longue suite de drames et de malentendus dont sont tissées les relations entre l'Algérie et la France depuis la conquête. Drames et malentendus dans lesquels gouvernants français et meneurs indépendantistes portent chacun une part de responsabilité.

Dans les mois qui ont suivi la manifestation, les tensions se sont aggravées au sein du peuple français. Le 8 février 1962, dans l'Est parisien, une manifestation des partis de gauche contre la guerre d'Algérie et les attentats de l'OAS se termine par la charge de la police et la mort tragique de 7 manifestants au métro Charonne.

Attentats, répression et manifestations n'empêcheront toutefois pas les négociations de se poursuivre à Évian. Elles aboutiront au cessez-le-feu du 19 mars 1962 et à l'indépendance de l'Algérie, effective le 3 juillet de la même année (sa proclamation officielle intervient le 5 juillet 1962).
B
17 octobre 2021 10:15
Quelles sont les sources de ce pavé?
S
17 octobre 2021 10:38
Ce que je ne comprends pas c'est
Pourquoi sont ils venus dans le pays qui leur a déclaré la guerre?
Pourquoi ne sont-ils pas restés pour défendre leur terres de l'envahisseur.
Ces morts la ne sont que la continuité de ce qui se passe là bas, dans un pays en guerre.
B
17 octobre 2021 11:13
De qui parles tu exactement et de quelle période parles tu?
Citation
Just Ice a écrit:
Ce que je ne comprends pas c'est
Pourquoi sont ils venus dans le pays qui leur a déclaré la guerre?
Pourquoi ne sont-ils pas restés pour défendre leur terres de l'envahisseur.
Ces morts la ne sont que la continuité de ce qui se passe là bas, dans un pays en guerre.
P
17 octobre 2021 11:38
Merci Pierre belmard
S
17 octobre 2021 11:47
Des algériens, de la guerre d'Algérie et du 17 octobre 1961.
Citation
Ben_barek a écrit:
De qui parles tu exactement et de quelle période parles tu?
B
17 octobre 2021 11:58
En 1961, ils étaient citoyens français, on les appelaient musulmans français, ils étaient donc chez eux.
Citation
Just Ice a écrit:
Des algériens, de la guerre d'Algérie et du 17 octobre 1961.
C
17 octobre 2021 12:10
Allah yraham chouhada
17 octobre 2021 12:14
Je prend ça comme un compliment
Citation
Elif69 a écrit:
Merci Pierre belmard
17 octobre 2021 12:32
Alban dignat
Citation
Ben_barek a écrit:
Quelles sont les sources de ce pavé?
B
17 octobre 2021 13:20
Bellemare je crois. Bellemare ne s’occupait pas d’histoire proprement dit. Si tu le connais, tu dois être un ancien.
Citation
Elif69 a écrit:
Merci Pierre belmard
B
17 octobre 2021 13:21
Merci. Pourquoi tu ne l’as pas fait?
Citation
MrSoso a écrit:
Alban dignat
 
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