Danse avec les morts, c’est la nouvelle chorégraphie des dauphins de la méditerranée. En maître de cérémonie, un crabe ouvrant la marche funéraire à un banc de sardines transportant le cadavre du dernier clandestin mort noyé lors d’une ultime tentative de passage vers l’eldorado. Comme pour répondre à sa dernière volonté, son corps comme beaucoup d’autres avant lui, sera jeté sur les côtes espagnoles, rarement sur les côtes marocaines. Le dernier noyé a même eut droit à un « One man Show » d’une méduse attristée par le sort des clandestins.
Arrivée sur le rivage, la séparation est dure, les sols pleureurs sont les plus chagrinés mais il faut déjà repartir, d’autres noyés attendent d’être raccompagnés vers leur dernière demeure : la fosse commune de Tarifa. Une fosse commune bien étrange d’ailleurs, on y entend des pleurs, des chuchotements, des bruits de discutions etc. Certains voisins des tombes bien-entretenues voisines s’en plaignent souvent aux fossoyeurs qui répondent par des haussements d’épaules, l’air de dire « les Africains même morts chahutent ! ».
Mais que se passe t-il donc dans les sous-sols de Tarifa ? Certains voisins, bien vivants eux m’ont rapporté que les clandestins dénoncent leur mode d’enterrement, se plaignent que personne ne vienne les pleurer, jetés pêle-mêle les uns sur les autres alors que leur cadavre est facturé 530 euros par la mairie, les femmes dénoncent leur manque d’intimité. Pour certains c’est des discutions à bâtons rompus « Ah, t’es là toi aussi ? », « Tu crois qu’on sait où on est ? », « Je suis fou de colère, je suis parti sans rien dire à personne », « maman, t’aurais pu accoucher de moi avant de te lancer dans cette galère », « tu peux lui lire un verset de coran au dernier arrivé stp ? », « M……, ma famille va devoir rembourser l’argent du voyage » etc. etc.
Dans cette cohue funeste et souterraine, il y’a quand même une organisation, et ces habitants d’outre-tombe ne rateraient pour rien leur cours du soir dispensé par le fils d’un grand marabout africain, on y étudie exclusivement l’art de devenir fantôme en 90 jours. Alors un conseil à toutes les familles qui ont perdu un des leurs, le bkhour est à bannir, il ne vous ramènera ni vos enfants ni leurs fantômes, d’ailleurs ces derniers détestent son odeur. Demandez plutôt au gouvernement ce qu’il est advenu de votre progéniture ? Demandez-lui pourquoi il ferme les yeux sur le charnier de Tarifa ? Demandez-lui s’il a rapatrié un seul corps d’Espagne ? Demandez-lui s’il connaît la niche où sont enterré Myriam, Saïd, Ahmed, Ahlam et son fœtus (ça pour les journalistes) et tous les autres jetés dans un grand trou, sans numéro de dossier administratif ni date d’enterrement ?
Tiens pendant que vous y êtes, demandez-lui d’envoyer d’urgence un Fkih à Tarifa, l’apprenti marabout n’y arrive plus et la mutinerie n’est pas loin, il ne manquerait plus qu’on ait un incident diplomatique avec l’Espagne pour des zombis.
Modifié 1 fois. Dernière modification le 19/12/06 14:29 par Nawal..
[color=#CC6666][b][center]Il y a, dans la création des cieux et de la terre et dans la succession de la nuit et du jour, des signes pour ceux qui sont doués d'intelligence _ sourate 3/verset 190[/center][/color][/b]
C'est très triste en effet. Mais l'auteur de cet article gagnerait à être plus sobre dans son style, au lieu de se laisser aller à cette envolée lyrique qui ne sied absolument pas au tragique de la situation.
Je me relis 5 ans après et je fais ce constat amère, à part que les niche ont dorénavant un N°, on ne rapatrie tjr pas les corps de nos morts et l'apprenti marabout est tjr aussi submergé.
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