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mariage divorce façon macdo
M
13 septembre 2014 13:17

De plus en plus de jeunes mariés jettent l'éponge au bout de quelques mois d'union. Entre l'individualisme ambiant et la pression familiale ou culturelle, les raisons sont multiples. Mais les histoires personnelles souvent amères. Par Nadia Moulaï



‘‘Je recevais encore des félicitations pour mon mariage que mon cou-I pie battait déjà de l'aile", confie Hajer (1), jeune trentenaire d'origine tunisienne mariée un temps à Hatem, 55 ans. Pour elle, le conte de fées fut bref, très bref, même. En quelques semaines, elle passe du statut de jeune mariée pleine d'illusion à celui de divorcée désenchantée. "Nous avons mené deux mois de vie de couple. Mais très vite, j'ai vu que cela n'allait plus. "

Selon France Prioux, directrice de recherches à l'Institut national d'études démographiques (Ined), "le divorce est moins ostracisé que dans les années 70. Ce n'est pas un hasard si la proportion des unions rompues durant les cinq premières années a augmenté. En cause, des modes de vie qui changent et surtout un rapport à l'engagement moins fort que du temps de nos parents. Pas étonnant qu'un couple sur trois divorce en France".

Et quand le mariage est récent, divorcer, c'est paradoxalement plus simple. Selon Me Hinde Kalaï, avocate au barreau de Marseille, "quand il n'y a ni enfant, ni patrimoine, le divorce est facilité". Et avec la réforme de la loi entrée en vigueur en 2005 qui assouplit les conditions de la séparation, beaucoup de couples ont sauté le pas, près de 153000 cette année-là. La plupart avaient en effet lancé la procédure avant le vote de la loi. Pour autant, le chiffre est tout de même en hausse constante depuis 1996 (2).



Une procédure facilitée

Autre facteur aidant: une seule séance de conciliation et non plus deux. "Les démarches sont simplifiées, du coup les couples n'hésitent plus à passer le cap", note France Prioux. Mais, cela ne suffit pas à expliquer que de moins en moins de couples passent la première année de mariage. "On ne fréquente pas assez la personne avant de se marier. Alors au bout de six mois de mariage, on se rend compte que l'on connaissait mal son partenaire...", ajoute Hinde Kalaï.

C'est un peu ce qui s'est passé pour Hajer. "C'est mon oncle, dont je suis très proche, qui m'a présenté Hatem. Au bout de deux ou trois rencontres, on s'est lancé dans le mariage." Avec le résultat que l'on connaît. Myriam Lakhda (3), conseillère conjugale et formatrice en développement personnel à Cergy (95), souligne que "la culture maghrébine pousse les gens à s'engager assez rapidement. Il faut éviter les tentations aux dépens de la connaissance de l'autre". Pressé par les codes culturels ou la pression du groupe, "le couple s'unit, mais passe à côté de l'essentiel, justifiant ainsi des divorces rapides".

Des mots qui résonnent dans la tête de Kader. En juin 2001, il épouse Safia, âgée comme lui de 25 ans. Trois cents invités, un décor des mille et une nuits, un mariage de rêve, en somme. En apparence. La réalité sera tout autre, puisqu'ils se sépareront dès septembre de la même année et divorceront un mois plus tard. "Avec le recul, je sais que Sa­fia s'est laissée embarquer dans ce mariage sans conviction. Je remplissais tous les critères... pour ma belle-mère qui craignait que sa fille reste célibataire", lance-t-il, amer.

Safia, qui avait en effet été soumise à la pression maternelle, envoie tout balader au bout de trois semaines. "Un jour, en rentrant à la maison, je l'ai trouvée en train défaire ses valises. Sa décision était déjà prise. Pour elle, le mariage, ce n'était pas l'amour, mais une alternative au qu'en-dira-t-on!" confie-il. Un avis que partage maître Kalaï. "Dans les quartiers, on observe une forte pression du groupe social. On stigmatise les femmes célibataires. 'Regarde, elle n'est même pas mariée...' Nous avons tous entendu cette phrase, un jour." Du coup, certains se marient à la va-vite, sans prendre le temps de se poser les bonnes questions. Mais le temps a horreur de ce qui se fait sans lui.



Mariage jetable

Cette maxime, Myriam Lakhdar l'a placée au cœur de sa méthode de travail. "Dans les mariages courts, je remarque l'absence d'un pacte fondateur." Pour cette spécialiste du couple, dont la clientèle est majoritairement musulmane, "je consomme et, quand j'ai fini, je jette. Du coup, on passe souvent à côté des bonnes questions". Elle a donc concocté une série de soixante questions pour permettre aux couples qu'elle reçoit de sauver leur union. "Si l'on ne sait pas communiquer sur ses besoins, difficile de cerner ceux du partenaire", explique-t-elle.

Visiblement, la méthode fonctionne. Plusieurs couples se sont déjà rabibochés grâce à elle. Mais pas tous. "Il y en a qui souhaitent vraiment raccrocher au bout d'un mois de vie commune!" Ce sont souvent les hommes : "Ils représentent 70 % des postulants au divorce contre 30 % pour les femmes. Mais en général, ils font tout pour que cela vienne de l'épouse."

Ce fut le cas pour Hajer. Avant de prendre le large, elle a subi les virées nocturnes du jeune marié, ses accès de violence aussi. "Il n'y avait plus de vie de couple entre nous. " Peu à peu, le fossé se creuse entre elle et Hatem, incapable de faire des concessions. Une attitude symptomatique des unions courtes. "Les sociétés occidentales sont marquées par l'individualisme et le refus des sacrifices. Le conjoint estime que toutes ses attentes doivent être contentées, qu'elles soient légitimes ou pas", remarque Myriam Lakhdar. Le clash est inévitable.

Samira, une Franco-Marocaine de 45 ans, en sait quelque chose. Depuis son divorce avec Mohammed, 44 ans, le célibat, elle en a fait "une ligne de conduite". Mariés en juillet 2004, ils se séparent en décembre de la même année. "Il pensait pouvoir installer sa mère en France dans notre appartement et l'a fait venir contre vents et marées. Son arrivée a correspondu à mon départ."Trois mois de vie commune, ni plus ni moins.



Divorce par texto

Le phénomène du mariage Kleenex préoccupe Myriam Lakhdar, qui se trouve confrontée à des cas de séparation de plus en plus farfelus. Comme le divorce par texto, par exemple. Mode ou nouveau type de relation, cette pratique est courante, surtout lors­qu'il y a eu uniquement un mariage religieux car il n'existe pas de preuve officielle du mariage. "C'est plus facile de se défaire de la personne par un simple SMS. " Et difficile de faire plus rapide.

"Face à l'augmentation des mariages éclairs, certains représentants musulmans tirent la sonnette d'alarme, confie Myriam Lakhdar. La communauté maghrébine n'est pas à l'abri de l'augmentation des divorces. Un mariage sur deux qui se solde ainsi en Ile-de-France, et un sur trois en France. Le divorce touche tout le monde. "



Un business prometteur

L'enjeu de société est donc réel, la niche aussi. Certains ont d'ailleurs flairé le business. Dans sa base de données, Djamila, fondatrice du site de rencontres Maghreb-ln, compte "300 000 inscrits dont 30% de divorcés!" Un marché qui n'en est qu'à ses débuts. En novembre dernier, Clotilde Bouqhery, 40 ans, et Brigitte Gonnet, 53 ans, organisaient le premier Salon du divorce et du nouveau départ, à Paris. Un succès. Soixante stands, 4000 entrées. Qui a dit que le divorce était une fatalité ?

(1)Les prénoms ont été modifiés.

(2)Source: Insee, ministère de la Justice. L'évolution démographique récente en France. Population n° 3, 2008.

(3) Myriam Lakhdar est l'auteur de différents ouvrages sur le couple, dont Ils se marièrent et eurent beaucoup de surprises, Hedilina. avril 2007, et Ps: Retour à l'E-sens-ciel. Hedilina, mars 2009.
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