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Lettre ouverte à Zineb Chtit, “Petite bonne” du XXIème siècle.
4 novembre 2009 11:19
Par Abdelhak Serhane

Chère Zineb,

J’espère que tu pourras lire cette lettre un jour, toi Zineb, la petite fille sans protection dont l’enfance a été saccagée par des mains criminelles. Je sais que ton destin n’a pas été celui des enfants ordinaires, qui ont une famille normale et des moyens pour les envoyer à l’école. Je sais, tu n’as jamais ouvert un livre ni connu un banc d’école. Ton tort ? Etre née dans un milieu d’indigence et d’ignorance. Je sais et tout le monde sait que ton sort a été celui du calvaire. Je sais et tout le monde sait que ton destin a été tatoué à l’encre du désastre. Ton sort a été celui de l’adversité, de l’épreuve, des coups et des blessures. Tu es l’image même de la servitude à outrance dans un monde qui, dit-on, a aboli l’esclavage. Je sais, l’école obligatoire n’a pas été inventée pour toi, ni pour les centaines de milliers de tes semblables. Mais qui sait ce qui t’attend. Tu iras peut-être à l’école après tout ce que tu as subi dans ton corps et dans ta tête. Et qui sait, dans quinze ou vingt ans, on te trouvera à la place du juge qui a condamné ta tortionnaire à trois ans et demi de prison et 100 000 DH d’amende. J’ose alors espérer que toi tu seras incorruptible et sans pitié pour les assassins de l’enfance1.

Justice pour tous, mais adaptée à chacun

Tu ne me connais pas, Zineb. Je te connais à travers ton malheur. Comme tous les Marocains, je viens d’apprendre par la presse la condamnation de ta tortionnaire. Trois ans et demi d’emprisonnement et
100 000 DH d’amende. Rien à dire. Les procureurs dans ton pays sont libres dans leurs jugements. Intègres et parfaitement autonomes. Surtout quand le mari de ladite tortionnaire est du “milieu”. J’ai entendu deux femmes d’un certain âge parler à ton propos dans un train. L’une a dit à l’autre : “Cette femme mérite la mort car elle a dénaturé l’image que Dieu a donnée à cette fillette !” Cela veut dire que les gens du peuple ne sont pas contents, qu’ils sont même furieux contre cette légère sentence, sans commune mesure avec le degré de férocité que tu as subi et avec lequel tu as été massacrée. Que dire ? Les mots peuvent-ils encore avoir un sens devant tant de cruauté ? D’autres questions restent en suspens : et le mari dans cette histoire ? Même à supposer qu’il n’ait jamais porté la main sur toi, il est, lui aussi, complice de ce crime atroce sur ta personne car il a vu, tous les jours, s’exercer sur toi toutes sortes de violences. Devant la loi2, il est coupable de non-assistance à personne en danger. Son silence fait de lui le complice de ce crime. Il est tout aussi condamnable que son épouse car il n’a rien fait pour arrêter la boucherie dont tu as été régulièrement l’objet dans sa propre demeure. Et tes parents, Zineb ? Le pardon est la plus haute des vertus. Peux-tu jamais leur pardonner un jour de t’avoir livrée à la racaille et d’avoir laissé le malheur s’abattre sur toi ? N’ont-ils jamais rien vu ? Jamais rien entendu ? La pauvreté, l’ignorance… sont les pires ennemis de tes parents. Leurs pires alibis aussi. Et les voisins ? Et les amis de cette famille tortionnaire ? Que de questions auxquelles personne ne voudra répondre. Alors, pour ne pas oublier, continuons à pleurer sur ton sort et sur celui réservé à des centaines de milliers de “petites bonnes” abusées dans “le plus beau pays du monde !”
Cette lettre pour toi n’est rien d’autre qu’un nouveau cri de révolte de ma part pour ce qui nous humilie. Tu ne peux pas savoir l’ampleur de l’indignation qui est la mienne en t’adressant cette lettre car je sais que mes paroles sont vaines et que ton drame dépasse tout entendement. Quelle voix peut effacer l’opprobre ? Quelle sentence peut atténuer la souffrance ? Quel bras vengeur peut réparer l’irréparable ? Tu ne peux pas mesurer l’étendue de la honte que je ressens pour mon pays quand ta photo de fillette martyrisée circule sur le Web. Tu ne peux pas imaginer l’atrocité du déshonneur qui embarrasse ma conscience quand ton histoire passe sur les écrans des télévisions et que les journaux se relaient pour exposer cette abjection sur la place publique. Ton drame est désormais nôtre. Il habite le cœur du pays qui ne sait pas protéger sa progéniture. Ta tragédie nous déshonore tous, nous avilit tous, nous rabaisse tous et nous rend indignes. Tu es une enfant ; l’espoir de demain, que le destin et les fous massacrent !


... A suivre
4 novembre 2009 11:20

Coupables de nous être tous


Nous sommes tous coupables du crime commis sur ta personne, car nous acceptons de vivre dans une société qui ferme les yeux sur l’esclavage des enfants, le martyre des petites filles et l’assassinat de l’innocence, de la jeunesse et de l’intelligence. Nous sommes tous coupables car nous nous accommodons fort bien de la liberté des puissants à notre égard. Nous sommes tous coupables car nous ne crions pas assez fort à la face de l’intolérance. La société dans laquelle nous existons gère ses frustrations et ses contradictions comme elle peut. Elle ne tolère pas le non-jeûneur, mais admet parfaitement qu’une fillette de ton âge soit ébouillantée à l’huile, brûlée au fer à repasser et rouée de coups jusqu'à l’atrophie ! Mais dans quelle société vivons-nous au juste ? Ce qui vient de se produire à Oujda (et qui se produit tous les jours dans toutes les villes du plus beau pays du monde) montre bien que nous vivons encore au siècle des ténèbres. Les juges l’ont bien montré, à maintes reprises, contre la presse indépendante, dans des affaires plus scabreuses les unes que les autres. A chaque procès ubuesque, ils nous renvoient l’image absurde d’un système détraqué et immature. Si le tribunal n’a pas eu le courage d’aller jusqu’au bout de la logique de ton drame, l’opinion publique se charge de le faire, condamnant avec véhémence l’inconséquence des juges. Dans les faits, cela ne pèse pas grand-chose dans la balance du totalitarisme. Mais dans la symbolique de sa représentation et dans l’alimentation de son ras-le-bol, la tyrannie de nos tribunaux est en train de transformer la patience des gens et leur candeur en désastre national. L’image que certains magistrats véhiculent du Maroc est celle des “années de plomb” dont ils sont les dignes héritiers et les exécutants assidus. Ils veulent préserver coûte que coûte cette chape de plomb au-dessus de nos têtes car il y va de leur survie. Les décideurs, malheureusement, ne comprennent pas que l’engrenage dans lequel ils nous enferment aujourd’hui risque de leur exploser à la figure demain. Dostoïevski disait juste : “Nous sommes tous coupables de tout et de tous, devant tous les autres, et moi plus que tous les autres”
Tu es toujours sur ton lit d’hôpital, Zineb. Le monde entier a vu ta photo. Le monde entier est au courant de ton drame. Et le monde entier doit se demander de quelle démocratie ton pays peut-il s’enorgueillir si ses enfants sont exploités, battus, violés, martyrisés, brûlés vifs… De quelle modernité peut-il se glorifier si l’abjection du travail des petites bonnes frappe à la porte de quelques 90000 foyers ? Quelle identité peut-il célébrer, quelle image de “la nouvelle ère” peut-il offrir si des fillettes de ton âge sont victimes d’exactions monstrueuses au quotidien ? Quel nom donner à cette société qui ferme désormais les yeux sur l’essentiel, se bouche les oreilles des deux mains et ne dit plus rien quand il s’agit de défendre les libertés fondamentales et les droits de l’homme ? Ils peuvent construire tous les ports qu’ils veulent, tous les tramways qu’ils veulent, tous les TGV qu’ils veulent, toutes les marinas qu’ils veulent, toutes les bibliothèques qu’ils veulent, tous les musées qu’ils veulent… Ils peuvent réaliser tant et tant de travaux herculéens en béton armé, en acier nickelé, en fer galvanisé, en marbre épuré, en verre fumé… la honte restera gravée sur le front du plus beau pays du monde tant qu’un seul enfant est écarté de l’école, tant qu’une seule fillette est livrée encore aux travaux forcés chez des gens qui n’ont aucune compassion pour les gosses des autres.
Ton calvaire servira-t-il au moins à quelque chose ? Toute cette médiatisation aura-t-elle le mérite de mettre fin au calvaire que vous vivez, toi et tes semblables, dans “le plus beau pays du monde” ? Est-ce qu’on va se rendre compte enfin que l’image des petites bonnes ternit celle du pays et interroge la conscience de tous ces étrangers qui viennent s’installer dans de beaux riads dans nos villes impériales. Tu n’es pas un cas isolé Zineb. Des fillettes de ton âge ou moins âgées que toi ont risqué et risquent de subir les pires abus qu’un enfant puisse vivre. Et ils sont nombreux et nombreuses ceux et celles qui crient au scandale, qui disent d’une même voix : “Allahoumma inna hada mounkar !”.

... A suivre
4 novembre 2009 11:21
Non, Zineb, tu n’es pas seule

Au XXIème siècle, le travail des “petites bonnes” ne devrait plus exister dans ce Maroc qui se veut moderne et qui a signé toutes les conventions internationales contre le travail des enfants ! Le massacre des “petites bonnes” doit cesser car c’est un crime qui entache le cœur de chaque citoyen et obscurcit la conscience de chaque responsable ! J’aurais aimé que le pays te découvre autrement, Zineb. Pas comme la petite bonne déchiquetée par l’épouse du juge, mais par un exploit ou un triomphe, si tu avais eu la chance de vivre une vie normale au lieu de faire partie des enfants-martyrs des temps modernes ! Tant pis pour nous. Tant pis pour le pays qui ne sait pas protéger ses enfants. Tant pis pour le destin qui n’offre pas les mêmes chances à tous.
Aujourd’hui, tu n’es plus seule, Zineb. Et si tout le monde ne peut pas venir te rendre visite sur ton lit d’hôpital, sache que tout le monde t’aime car tu es rentrée dans tous les foyers et tu habites désormais le cœur de ceux et celles qui refusent le travail des “petites bonnes”, l’exploitation des “petites bonnes”, la torture des “petites bonnes”, le sacrifice des “petites bonnes”, l’assassinat des “petites bonnes”…

(1) Je rends ici hommage à toutes les associations qui se battent avec les moyens du bord pour protéger l’enfance du malheur qu’elle subit, remplaçant l’Etat défaillant dans ses propres tâches et responsabilités. Je pense particulièrement à Mme Zniber de Meknès dont le travail social auprès d’enfants abandonnés est incommensurable. Il y a quelques années, une cabale abjecte avait été ourdie contre elle par une presse haineuse de bas étage. Jalousie, mesquinerie, bêtise, méchanceté gratuite ont jalonné les colonnes de cette presse de caniveau. “Elle est française”, avaient hurlé les voix repues d’animosité ! Tant mieux pour le Maroc et les petits enfants marocains qu’elle sauve. Elle ira sans doute au paradis bien avant tant de Marocaines parvenues et fortunées qui n’ont qu’une grosse pierre à la place du cœur.

(2) Il est question ici de la vraie justice, celle qui s’exerce dans les pays démocratiques, protégeant le faible et l’impuissant, comme en Hollande par exemple, où Mustapha El Meddioui, ce Maroco-hollandais condamné à 6 ans de prison ferme pour avoir excisé sa fille de 5 ans à l’aide d’une paire de ciseaux!
e
4 novembre 2009 12:02
la femme marocaine pauvre est resumée à une bonne. je suis pour l'interdiction de cette pratique de bonne à tout faire.
il faut interdire le travail des enfants car leurs place est à l'école et non pas à servir des personnes frustrées pour 2 centimes de dhs par mois.
T
4 novembre 2009 16:00
Cette lettre avec ton autorisation Ali_ben_barri doit_être copiée et envoyée à toutes les personnes et organisations humanitaires nationales que nous pourrions joindre .

Elle peut aussi être utilisée pour la collecte des fonds destinés aux organisations qui travaillent dans ce domaine à l'exemple de celle de Mad Zniber ...

Il me semble très important de combattre par tous les moyens ces pratiques inhumaines qui existent encore malheureusement dans notre pays.
m
6 novembre 2009 22:37
Je signe,M.Barri et je souscris aux vérités que tu assènes à notre conscience collective.
 
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