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Lecture: "Œdipe sur la route"
P
14 décembre 2018 11:09
Salam, bonjour tous les Yabis Bye

pour ceux qui aiment la littérature, la mythologie et la psychologie, voici une lecture (très personnelle) du roman d'Henry Bauchau, "Oedipe sur la route". Dans le même esprit, Bauchau a aussi écrit "Diotime et les lions" et [i"]Antigone"[/i]...
Ecrit derrière le livre: "Une éblouissante relecture d'un mythe fondateur, qui trouve ici une nouvelle façon de nous parler du destin et de la force des passions."


C'était important pour moi de faire ce travail, et une motivation de le partager. Donc, voilà, je vous partage mon ressentis quant à ce roman... bien qu'il y ait encore beaucoup de choses à en dire, mais ça serait trop long .

Bonne lecture smiling smiley
P
14 décembre 2018 11:10
Lecture :

[b]« Œdipe sur la route »
Henry Bauchau[/b]

Le voyage d'Oedipe, accompagné d'Antigone, sur les routes de Grèce, entre Thèbes, l'ancienne, et Athènes, la nouvelle, épopée parsemée d'aventures, de rencontres superbes et d'enseignements essentiels...
La route d'Oedipe, roi déchu et pourtant naturellement souverain ; aveugle mais clairvoyant...
La route d'Oedipe n'est autre que l'accomplissement du chemin initiatique de la psyché humaine, symbolisée par l'histoire même de ce personnage majestueux et mythique...
Ainsi, Oedipe, arrivé au terme du voyage initiatique, dépouillé des affaires de ce monde et riche de son expérience sur cette terre, l'accomplissement ne peut que s'achever sur la fusion de l'homme avec son environnement et l'entrée de l'âme immuable dans la lumière magnifique où se confondent les lumières de ce monde et de l'autre.

Et plus encore, dans la formidable histoire d'Oedipe, les personnages et les improbables liens qui les unissent, et qui ne sont autres que les conflits inextricables de la psyché humaine.
Ici, Oedipe est le centre de l'histoire, le centre de la psyché, l'homme comme l'humain en puissance. Oedipe qui prend toute la place, l'homme par excellence. Oedipe, dont le parricide envoie Laös, le père, dans les affres de l'oubli, qui prend sa place aux côté de la mère, Jocaste, et sur le trône de Thèbes. Ainsi s'accomplit l'inexorable destin, et ce malgré les efforts accomplis par tous pour les déjoués.
Oeidipe, roi sauveur-destructeur de la cité de Thèbes, la cité intérieure, et roi spirituel de la cité nouvelle, Athènes, celle qui, encore aujourd'hui illumine notre civilisation vieillissante.
Oedipe, qui incarne à la fois le fils, l'époux, le père et le frère.
Oeidpe, force admirable de la nature, endurance et sagesse de celui qui accepte et accomplit son destin coûte que coûte.
Oedipe, l'artiste aveugle, dont la sensibilité des mains sculptent la pierre avec l’œil du cœur et de l'expérience ; dont le chant profond raconte l'histoire de l'humanité, des peuples de la Grèce, sa propre histoire aussi... poésie superbes sorties tout droit des profondeurs et touche directement l'inconscient.
Jocaste, la mère et l'épouse. Celle dont la beauté et la souveraineté l'élève au rang de déesse inaccessible, inatteignable et que tous rêvent de rejoindre. Celle qu'on ose à peine nommer, celle qui n'a pas supporté les détours du destin et s'est donné la mort... celle qui hante les mémoires et la cité de Thèbes, à jamais...
Antigone, bien sûr, la sœur et la fille... surtout la fille ici. La fille qui accompagne et soigne le père aveugle, celle qui nourrit aussi, comme le ferait une mère pour son enfant... mais se laisse guider par le père et suis ses instructions, même douloureuses. Antigone, dont la beauté extérieure reflète la pureté intérieure incarne sans nul doute l'archétype du féminin : elle est celle qui accompagne, celle qui nourrit, celle qui soigne, celle qui sait aussi. Elle la force intérieure, l'endurance à peine éclose mais qui ne cesse de croître. Elle est l'oeil de l'aveugle, elle est sa voix, elle est son soutient. Elle est aussi un peu la mère, mais surtout l'enfant. Antigone, femme enfant, qui appose les couleurs sur les sculptures du père, qui pose les remèdes sur les malades de Grèce, et trouve réconfort dans la maternité des femmes et amies qu'elle rencontre sur sa route.
Et puis il y a Clios. Clios, l'enfant perdu, orphelin tombé dans désillusion du monde, seul survivant de son peuple, victime de la violence sans nom des hommes et de la sienne. Clios, bandit des chemins craints de tous, Clios, qui représente l'impulsivité, le désarroi, la grâce et la sensibilité de la jeunesse, qui trouvera en Oedipe un guide et un cadre... un père spirituel peut-être... et en Antigone, un amour naissant, profond, inéluctable. Et qui trouvera sur la route, un objectif : prendre soin du maître, Oeidpe, et protéger la fille, Antigone.


Oedipe, sur sa route, nous montre que dans notre développement, il nous faut arriver au bout, au bout de quelque chose, au bout de soi-même, se dépasser, afin de retrouver notre souveraineté intérieure. Et qu'à l'aboutissement, on ne peut qu'être seul, comme on est seul sur la route, bien qu'entouré des siens. Mais aussi, et surtout, que ce dépassement passe par l'acceptation, l'acceptation de l'indéfectible destin, l'acceptation de ce que l'on est, profondément, intérieurement, l'acceptation de la difficulté, de la douleur, de la solitude. L'acceptation aussi de l'aide que nous procure le chemin, les proches et les êtres de passages qui jalonnent la route.
Ainsi, le roi aveugle lâche prise, ne se fie plus qu'à la guidance intérieure, celle qui ne peut égarer car elle vient de plus haut, celle qui est toujours juste, malgré les tours et détours qu'elle nous fait emprunter. Car ce qui compte, ce n'est pas là où l'on arrive, - on y arrivera toujours -, mais les enseignements qui ponctuent notre vie.
 
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