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Les Imams de la Maison prophétique
29 janvier 2012 13:04
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as300 a écrit:
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faqir a écrit:
Assalam alaikoum

On ne peut mettre le problème sur un côté sans l’autre, et si on devrait maudire ceux qui, comme tu dis, ont fait déformé les paroles de Ahl al-Bayt, on devrait de même maudire ceux qui leur ont causé du tort et ont été injustes envers eux, sachant que déformer leurs paroles et leurs attitudes fait partie aussi de ce tort et de cette injustice.

Wa alaikoum assalam

Ce n'est pas parce qu'on est persécutés que l'on doit obligatoirement attribuer des paroles mensongères au Prophète et aux Imams des Ahl Ul Bayt.
Ce sont deux problèmes différents.
Ali, Hassan, et Al Hussein ra ainsi que leur descendance n'a jamais rien inventé quoi que ce soit en religion pour s'opposer aux Omeyyades.

assalam alaikum

défendre les chiite de pres ou de loin est une preuve de la méconnaissance de l'aquida.
les chiite et les soufis se soutien ils ont un faible avec sois disant saint , des cadavres dans la tombe,ils demande leur secours
Ali qu Allah l’agrée ne se reconnaissait pas chez les rafida a son époque, cela prouve l’égarement de ceux qui défend les rafida

Les Shi’ahs font parti des sectes qui sont apparues vers la fin de la période des Sahabahs. Plus précisément à l’époque
de ‘Ali (Allah soit satisfait de lui). Ce qui a commencé par un excès d’amour pour ‘Ali, et une par-tisanerie exagérer, qui alla pour certain jusqu’à la déification et l’adoration, poussa ‘Ali à brûler vivant un groupe d’entre eux ! Il ne trouva aucune autre solution, puisque les réprimandes et les rappels répétitifs n’avaient servis à rien, il récita les vers suivants :

Lorsque je vis que l’affaire était mauvaise. J’allumais mon feu, et fis Qambara (creuser une fosse).
f
29 janvier 2012 14:08
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sheera a écrit:
Assalam alaikoum

Merci Khoya Faqir pour ces partages qui sont des plus instructifs , j'ai beaucoup appris grace à toi que Dieu t'en récompense


Assalam alaikoum

De rien oukhti sheera, la grâce est à Dieu.
f
29 janvier 2012 20:29
Assalam alaikoum



Sarî al-Saqathî


« L'amour n'est parfait entre deux êtres que lorsque l'un appelle l'autre : ô moi ! », disait Sarî al-Saqathî. Et cette mahabba, cet amour réciproque unificateur, il n'hésitait pas à le juger possible, voire métaphysiquement nécessaire, entre l'homme et Dieu.
Sarî passe pour avoir été le premier à enseigner à Bagdad la doctrine et la science du tawhid. Doctrine et science, soit la parfaite « connaissance » libératrice, la théorie métaphysique inséparable de la « réalisation ». Le tawhîd des soufis n'est pas seulement la proclamation de l'unité divine, mais aussi l'affirmation ontologique que ce Dieu est cause, principe, être de tout être, et l'affirmation mystique que tout être retourne à son principe, la pluie à la mer, les créatures au Créateur. En cette métaphysique, ontologie et mystique se trouvent inséparablement unies. Il faut « savoir », mais à quoi sert de savoir si l'on ne « réalise » point ? Amour et connaissance sont également inséparables et nécessaires pour aboutir au terme de la Voie.

Sarî ben Mughallis Aboul-Hasan al-Saqathî mourut à Bagdad au milieu du IIIe siècle de l'hégire. Il fut le disciple de Ma'roûf al-Karkhî et l'oncle maternel ainsi que l'initiateur du célèbre Jounayd. Sa place est donc bien marquée et capitale dans la transmission du soufisme en 'Iraq. Ma'roûf al-Karkhî s'était converti du christianisme à l'islam, dit-on, et avait professé le soufisme, mais de façon plus réservée, moins voyante et moins élaborée que ne devait le faire un peu plus tard Saqathî, Jounayd et les grands « compagnons de la Voie » du IXe siècle.

Sarî al-Saqathî invoquait Dieu « pour l'amour » de son maître. Il vit ce dernier en songe sous le trône d'Allah qui disait à ses anges : « Voici Ma'roûf al-Karkhî ; il a été enivré de Mon amour ; il ne s'est retrouvé que par Ma rencontre. »
Nous n'avons qu'une anecdote pour imaginer quel fut un des aspects principaux de l'enseignement de Ma'roûf à son disciple. Sarî al-Saqathî tenait boutique dans le soûq de Bagdad. Un jour, Ma'roûf vint avec un jeune orphelin et demanda des vêtements pour le garçon. En guise de paiement, il prononça cette incantation : « Puisse Dieu te rendre le monde haïssable et t'accorder le repos de tous les soucis ! »

Un des événements « catalyseurs », comme on en trouve dans la vie de presque tous les mystiques et souvent des poètes, avait « retourné » la vision du monde de Sarî. Un de ces incendies fréquents dans les souqs d'Orient aux échoppes en bois et aux couverts de treillis avait détruit tout le bazar de Bagdad à l'exception de la boutique de Sarî. Quand on lui annonça la chose, il s'écria machinalement : « Alhamdoulillahi. Louange à Dieu ! » Et pendant trente ans il ne cessa de se repentir d'avoir dit une fois de trop « Louange à Dieu », d'avoir pensé à son propre bien plutôt qu'au mal d'autrui.

Dès lors, Sarî, abandonnant son argent aux pauvres, se consacra aux œuvres de l'ascèse et de la piété. Il ne pensait pas pour autant que les dévots dussent vivre de la générosité d'autrui. 'Alî ben Housayn rapporte : « Mon père m'envoya porter un jour à Sarî, qui toussait, des dragées pour la toux. — Quel en est le prix ? me demanda-t-il. — Mon père ne me l'a pas dit. — Sur lui le salut ! Nous enseignons depuis cinquante ans aux gens qu'il ne convient pas de se faire nourrir au nom de la religion. Voudrais-tu que je commence aujourd'hui à le faire ? »

Ce commerçant avait ses idées sur la marge légitime de profit. Ayant acheté pour soixante pièces d'or un lot d'amandes (il vendait à ce moment-là autre chose que des vieux habits), quelqu'un, le cours des amandes ayant brusquement monté, lui proposa d'acheter tout le stock. « Prends-le pour soixante-trois pièces d'or, dit Sarî. — Mais j'allais t'en offrir quatre-vingt-dix. — Non pas, je me suis fait une règle de ne pas revendre plus de dix pièces et demie ce que j'ai acheté dix pièces. »

Il poussait le scrupule à l'extrême, mais se rendait compte qu'il est vain de vouloir être, humainement, parfaitement pur. Un jour qu'il se trouvait dans les montagnes, il mangea de l'herbe et but de l'eau à une source. « Si jamais j'ai mangé quelque chose de légitime, se dit-il, c'est bien cela. » Mais il entendit une voix : « La force, disait-elle, avec laquelle tu es arrivé jusqu'ici, d'où vient-elle ? » Et il se repentit de sa prétention. Aussi déclarait-il, quand on lui demandait la route vers Dieu : « Si tu veux l'adoration, jeûne et veille ; mais si tu veux Dieu lui-même, laisse de côté tout ce qui n'est pas Lui. »

Il appréciait la solitude : « Celui qui veut que sa religion soit sauve, son corps en repos et sa tristesse apaisée, qu'il s'isole, car ce temps est le temps de l'isolement » ; mais, doué pour enseigner, il jugeait, pour sa part, en général préférable de fréquenter les hommes, tout en réservant le temps du recueillement.

Son enseignement avait parfois des conséquences dramatiques. Un jour qu'il prêchait dans une mosquée, un beau jeune homme, luxueusement vêtu, familier, disait-on, du calife, vint assister à la leçon en compagnie de quelques camarades. Sarî parla sur ce thème : comment un faible peut-il désobéir à un fort ? L'homme est la plus faible des créatures et il est le seul à devenir rebelle. Lorsqu'il est bon, il l'est tellement que les anges s'émerveillent ; lorsqu'il est méchant, il l'est au point que les démons eux-mêmes le fuient. C'est par ignorance que l'homme devient pêcheur et révolté.

Le jeune homme changea de couleur et partit. Il revint le lendemain et demanda : « O Sarî, tu as dit telle chose hier ; qu'est-ce que cela signifie ? — Il n'y a pas plus fort que le Maître et plus faible que le serviteur », répondit simplement Sarî. Le lendemain, le jeune homme revint encore, seul cette fois, et vêtu de deux pièces d'étoffe blanche. « O Sarî, dit-il, quelle est la route vers Dieu ? » Et c'est alors que Sarî déclara : « Si tu veux l'adoration, jeûne le jour et veille la nuit ; mais si tu veux Dieu, abandonne tout ce qui n'est pas Lui. Tu arri­veras alors à Lui. — Par Dieu, s'écria le jeune homme, je ne prendrai plus que les chemins difficiles. »
Quelques jours après, les joyeux amis de l'inconnu vinrent trouver Sarî : « Qu'est devenu Ahmad ben Yazîd al-Khatîb ? — Qui est-ce ? Je ne le connais pas. » Ils lui décrivirent le jeune homme, mais il ne put les renseigner.

 Un an plus tard, quelqu'un frappa à la porte de Sarî. C'était le jeune homme. Il avait un linge autour des reins et un autre sur l'épaule, comme les pèlerins de La Mecque, et il portait un sac plein de noix. Il baisa Sarî au front, le saluant en ces termes : « Que Dieu te préserve du feu de l'enfer, ô Sarî. C'est toi qui m'a retiré de l'esclavage du monde. »

Discrètement Sarî fit signe à un de ses compagnons d'aller prévenir la famille du jeune homme. La femme et l'enfant arrivent bientôt. « Tu m'as faite veuve alors que tu es en vie ! gémit l'épouse. Tu as fait ton fils orphelin ! — Tu m'as donc trahi, dit le jeune homme en se retournant vers Sarî. Et aux siens : Vous êtes les chéris de mon cœur. » Puis, enlevant les beaux habits de son fils, malgré les protestations de la mère, il le revêtit du linge qui lui couvrait l'épaule, en disant : « De tes vêtements couvre les corps qui sont nus et réchauffe les foies glacés par la faim. » Et il s'enfuit.

Quelques jours après, une vieille femme vint dire à Sarî qu'un jeune homme le réclamait au cimetière de la Chanousiya. S'y étant rendu, il vit Ahmad étendu par terre qui lui demanda : « O Sarî, crois-tu qu'Il me pardonnera mes péchés ? — Sans doute. — Je suis noyé. — C'est Lui qui sauve les noyés. — J'ai bien des fautes sur la conscience. — Il aime à pardonner. — O Sarî, j'ai amassé quelques sous en cueillant des noix. Les voici. Quand je serai mort, tu achèteras un linceul ; mais n'en parle pas à ma famille qui pourrait me mettre dans un linceul illicite. » Après avoir exprimé ce vœu d'absolue pureté, et prononcé la Chahâda, le jeune homme expira dans les bras de Sarî. Survinrent des inconnus. « Un élu de Dieu vient de mourir, déclarèrent-ils ; nous venons prier sur lui. »

Sarî lui-même n'avait pas conquis sans épreuves cette paix du cœur que lui avait promise son maître Ma'roûf. 'Abdallah ben Fadhil le trouva un jour, l'air joyeux ; pourtant, lisant est mon bien. Celui qui aime le Maître des maîtres et le contente ne commet pas de péché. Bouleversé, Sarî éclata en sanglots.

—    O Sarî, s'écria la belle jâriya, tu pleures pour avoir connu seulement Ses effets. Ah ! si tu L'avais connu d'une connaissance véritable !
Et elle s'évanouit. Ayant repris ses sens, elle chanta ces vers :

 Tu m'as revêtue de l'habit de l'intimité, ô la grande douceur ! Tu es en vérité le Seigneur des mondes et le mien.
Mon cœur était plein de passions dispersées : Ta vue les a rassemblées en faisceau vers Toi.
Celui qui a soif guérit sa soif en buvant de Veau. Que doit faire celui que Veau ne fait qu'altérer davantage ?
Mon cœur s'attriste de mes fautes et mon âme est en moi le plus grand de mes maux.
Le désir est dans ma conscience et dans mon foie, l'amour dans le fond de mon cœur.
A Ta porte je viens en m'excusant : Tu sais ce qu'il y a dans mes entrailles.

—    O jâriya, dit Sarî...

—    Oui, Sarî.

—    Comment me connais-tu ?

—    Je n'ignore pas depuis que je connais. Je n'ai de cesse depuis que je travaille. Je ne suis pas séparée depuis que j'ai été unie. Les gens des degrés mystiques se connaissent les uns les autres.

—    Tu parles d'amour, mais qui aimes-tu ?

—    Celui qui s'est fait connaître par Ses dons. Il est près des cœurs. Il exauce les désirs de ses amants. Il est l'Écouteur, le Merveilleux, le Savant, le Sage, le Généreux, le Clément, le Miséricordieux.

—    Qui t'a emprisonnée ici ?

—    Des jaloux qui se sont concertés.

Et elle poussa un tel cri qu'il la crut morte. Mais elle n'était qu'évanouie et revint bientôt à elle. Sarî obtint du gardien qu'il la laissa se promener librement avec lui.

—   Où veux-tu que j'aille? dit la jeune femme. Le bien-Aimé de mon cœur m'a livrée à certaines de Ses créatures.

En effet, le marchand d'esclaves, propriétaire de la belle jeune fille, ne tarda pas à se présenter à l'entrée du mâristân.

—   Où est Touhfa ? demanda-t-il.

—   Là-bas avec Sarî Saqathî, dit le gardien qui commençait peut-être à avoir des doutes sur la vertu des maîtres soufis.

Le marchand avait acheté, comme il l'expliqua à Sarî, la jeune fille vingt mille dirhems et désirait la revendre avec un sérieux bénéfice, car elle était d'une grande beauté et excellente musicienne. Mais elle s'était mise à refuser de manger et était malade depuis un an, au grand détriment des affaires du brave négociant. Cela lui était venu brusquement, un jour qu'elle chantait, en s'accompagnant du luth, les vers suivants :

 Par ton droit sur moi ! — et quand je fais un serment je le tiens.
—   Je ne troublerai pas notre amitié.
Tu as rempli d'amour mon cœur et ma poitrine. Comment pourrais-je prendre plaisir à quelque chose, me distraire et suivre mon chemin ?
O toi qui es mon maître absolu, vois, tu me laisses esclave au milieu des gens.

Ayant chanté ces paroles, elle éclata en sanglots et brisa son luth en le jetant à terre.

—   Je crus, dit le maître, qu'elle aimait quelqu'un. Je cherchais sans trouver. Je l'interrogeai. Elle ne me répondait qu'en vers. Par exemple, elle disait :

 La Vérité m'a parlé au fond de mon cœur et ce sont mes propres paroles qui m'ont admonestée.
Après l'éloignement, l'approche. Dieu m'a choisie. J'ai répondu à son appel. Mais j'ai peur de mes pêchés.

—    Combien veux-tu d'elle ? dit Sarî au marchand.

—    Es-tu fou ? Tu n'as pas le sou et tu veux l'acheter plus de vingt mille dirhams ?

—    Reste ici, je t'apporterai l'argent.

Or, Sarî n'avait en effet pas un sou sur lui ni chez lui. Il rentra dans sa maison et se mit à prier en pleurant pour la belle jeune fille condamnée à servir malgré elle aux plaisirs des riches. Et voici que quelqu'un frappe à sa porte ; quelqu'un entre qui dit : « J'ai rêvé qu'on me disait d'aller te porter cet argent pour acheter Touhfa. » Et il pose une bourse sur le tapis.

Le marchand attendait toujours. Quand il vit les deux hommes lui offrir une forte somme, il fut saisi au cœur et refusa.

—    Non, dit-il simplement ; elle est libre. Alors la belle musicienne se mit à chanter :

 Je L'ai fui vers Lui. J'ai pleuré par Lui sur Lui. Entre les mains de ce maître, je suis toujours, jusqu'à ce que j'obtienne ce que j'ai désiré de Lui.

Et elle s'enfuit si rapidement qu'on ne put la rejoindre. Sarî, le marchand et sans doute aussi le mystérieux rêveur partirent pour La Mecque où ils retrouvèrent Touhfa qui faisait le thawâf autour de la Ka'ba. Et comme une telle plénitude déborde ce bas-monde, la jâriya et son ancien maître moururent dans une sorte d'extase.

Sarî al-Saqathî voyait dans la poésie, même profane. — mais y a-t-il alors une poésie profane ? — une expérience en quelque sorte parallèle à l'expérience mystique, un adjuvant de celle-ci, un écho des Paroles incréées, une science des rythmes et des nombres capables d'accorder l'âme aux réalités transcendantes et de l'aider dans la voie de la suprême réalisation.
 
Parmi les conseils qu'il donna à Jounayd, celui-ci gardait la mémoire d'une « route très abrégée pour aller au paradis ; ne demande rien à personne, ne prends rien à personne, n'aie rien avec toi qui ne puisse être partagé.

« Être patient, disait-il encore, c'est être comme la terre qui supporte les montagnes, les fils d'Adam, tout ce qui est sur elle et ne se plaint pas. » Et encore : « Ne te fie pas à ce monde ; ton lien avec Dieu serait coupé. Marche doucement sur la terre ; elle sera bientôt ta tombe. »

Il eut voulu — et la chose est à noter — se faire holocauste, « supporter la tristesse de toutes les créatures ». L'essentiel de la vie mystique n'était pas pour lui dans les charismes mais dans l'annihilation du moi. « Si un homme entrait dans un jardin plein de toutes les espèces d'arbres aux branches chargées d'oiseaux, si chaque oiseau lui disait : « Sur toi le salut, ô saint d'Allah ! » et si son âme y éprouvait de la complaisance, il serait le prisonnier de tout cela. »

Ce qu'il ne se sentait pas le courage d'affronter délibérément, c'était la perte du sentiment de la présence divine : « O mon Dieu, disait-il, maltraite-moi de toutes les façons que tu voudras, mais non par l'humiliation du hijâb (l'action de se voiler). »

Sarî demanda un jour à son neveu (Junayd) ce qu'était, selon lui, l'amour, « Les uns disent, répondit Jounayd, que c'est la conformité, les autres que c'est préférer l'aimé à soi-même, etc. » Mais Sarî, l'interrompant, pinça la peau de son bras et essaya en vain de l'étirer : « Par Sa puissance — qu'il soit exalté ! — si je disais que cette peau a durci sur cet os à cause de son amour, je ne mentirais pas. »
 
Malgré ses maladies, Sarî ne mourut qu'à 98 ans. Sa tombe est à la Chanousiya, sur la rive droite du Tigre, à côté de celle de Jounayd, non loin de celle de Ma'roûf.

Ce n'était pas pour rire qu'il avait aimé et il savait qu'il n'y a rien de plus “terrible” que l'Amour :

« Je couchais un jour, raconte Jounayd, chez Sarî al-Saqathî. Au milieu de la nuit, il dit doucement : « O Jounayd, dors-tu ? — Non. — Écoute. Dieu, qu'il soit exalté ! vient de me dire ceci : « O Sarî, J'ai créé les êtres. Tous ont prétendu M'aimer. J'ai créé le bas-monde. Neuf mille sur dix mille s'en sont occupés. Alors J'ai créé le paradis. Sur les mille restants, neuf cents s'en sont occupés. Sur les cent restants, J'ai envoyé les calamités ; quatre-vingt-dix se sont occupés de leur malheur et il en est resté dix. A ceux-là, J'ai dit : « Vous avez dédaigné le monde, vous ne désirez pas l'autre monde, vous ne fuyez pas le malheur. Que voulez-vous donc ? Ils M'ont dit : « Tu sais ce que nous voulons. » Je leur ai dit : « Je vais faire descendre sur vous un malheur que vous ne pourrez endurer et que ne pourraient supporter les plus solides montagnes... » Ils ont dit : « N'es-Tu pas notre Seigneur ? » Alors Je leur ai dit : « Vous êtes Mes véritables serviteurs. »
f
2 février 2012 18:47
Assalam alaikoum



Bayazîd Bisthâmî


Aboû Yazîd Thayfoûr ibn 'Isa ibn Soroshân al-Bisthâmî, connu sous le nom de Bayazîd Bisthâmî, est le grand mystique iranien sunnite du IIIe/IXe siècle.

Il naquit vers l'an 800, à Bisthâm, dans les montagnes du Tabaristân, au sud du Mazenderân et de la mer Caspienne, aux confins du Khorâssân occidental et de l'Iraq 'Ajamî. Il y passa la plus grande partie de ses jours. Ses deux frères, Adam et 'Alî, se vouèrent comme lui à la vie ascétique, mais sans atteindre à son envergure. Le grand-père était mazdéen, adorateur du feu ; le père était musulman, notable de Bis­thâm. Al-'Attâr assure que la vocation de Bayazîd se manifesta dès la vie prénatale : quand sa mère mangeait un aliment qui n'était pas strictement licite, il s'agitait dans son ventre et elle vomissait la nourriture suspecte. Le principe d'économie nous inclinera toutefois à penser que ces accidents de la grossesse pouvaient plus naturellement s'expliquer.
Cette mère semble avoir joué un assez grand rôle dans la vie du saint. Apprenant un jour, à l'école coranique, le verset 13 de la sourate de Loqmân : « Témoigne-Moi ta reconnaissance en Me servant. Témoigne aussi ta reconnaissance à ton père et à ta mère en les servant », l'enfant, très ému, demanda au maître la permission de sortir, courut chez lui et dit à sa mère : « Le Seigneur me commande de te servir et de Le servir. Comment m'acquitter de ce double devoir ? Demande à Dieu de me livrer entièrement à toi ou donne-moi à Lui afin que je me consacre à Son service.

— Soit, dit la mère, je te donne à Dieu, qu'Il soit exalté ! et je te fais remise de mes droits. » Plus tard, Bayazîd se rendit compte que le partage n'était pas impossible, ou plutôt qu'il n'y avait pas en réalité partage, car c'est toujours le même amour. « Ce que j'aurais dû savoir avant tout, disait-il, est précisément ce que je n'ai appris que plus tard : servir ma mère. » Revenant d'une longue absence, il courut à sa maison, colla son oreille à la porte et entendit sa mère qui priait pour « son pauvre exilé ». Il cogna. « Qui est là ? — Ton exilé. » Il trouva une vieille femme devenue aveugle et toute pliée, et se jeta dans ses bras en pleurant. « Ce que je cherchais, disait-il, en me livrant à tant d'exercices, en me mettant au service des autres, en m'exilant loin des miens et de mon pays, voici comment je l'ai trouvé. Une nuit que ma mère me demandait de l'eau, comme il n'y en avait pas dans la cruche, j'allai en puiser au canal. C'était une nuit d'hiver et le froid était très vif. Quand je rentrai, ma mère s'était rendormie. Je me tins donc, la cruche pleine à la main, jusqu'à ce qu'elle se fût réveillée. Elle me demanda alors de l'eau ; mais il se trouva que cette eau s'était congelée et que la cruche était collée à ma main. « Pourquoi, dit ma mère, ne la posais-tu pas à terre ? — Parce que je craignais de n'être pas prêt lorsque tu me demanderais de l'eau. » ... Dans cette même nuit, Dieu m'accorda tout ce que je Lui demandais. »

 Comment Bayazîd fut-il amené à la vie mystique ? Nous n'avons pas de récit de sa conversion. Mais lui-même racontait ce qui peut-être en tient lieu :

« Je dis un jour : Soubhân Allah, gloire à Dieu ! La Vérité (al-Haqq) m'interpella alors dans mon « secret » : « Est-ce qu'il y a en Moi une insuffisance quelconque pour que tu désires Me perfectionner ? — Certes non, ô Maître, » répondis-je. Et Elle dit : « Toi-même, songe donc à te préserver de l'imperfection. » Je m'exerçai à me préserver des bassesses et à chercher la perfection.

Il avait commencé par étudier la religion exotérique et le droit canon selon le rite hanéfite, celui des quatre rites orthodoxes qui domine en Turquie, en Asie Centrale et aux Indes. Il l'enseignait à un ami, Aboû 'Ali al-Sindî, auquel il rendait aussi les services matériels que le disciple doit d'ordinaire à son maître ; car, en échange, Aboû 'Alî al-Sindî lui révélait la science du tawhid(unification) et des haqâïq (réalités), l'aidant à découvrir un ordre de dévotion transcendant toutes les méthodes extérieures.

Mais à vrai dire, Bayazîd était surtout un indépendant qui, sans repousser ce que la tradition transmise par les adeptes peut conférer d'appui, cherchait surtout l'initiation suprême au fond de son propre cœur, de ce cœur humain qui, selon un hadith fameux, contient Celui que le ciel ni la terre ne peuvent contenir.

Tout en affirmant la nécessité d'un maître spirituel, Bayazîd mettait, semble-t-il, l'accent sur l'intuition directe, sur l'effort personnel et sur la grâce divine, plutôt que sur la transmission initiatique. Il opposait d'ailleurs la science ésotérique et mystique reçue du ce Vivant-qui-ne-meurt-pas », à la science religieuse exotérique « reçue d'un mort qui l'a reçue d'un mort ».
Bayazîd reçut un jour la visite du 'alim et du faqih de sa ville natale qui commençaient à suspecter sa doctrine. « O Aboû Yazîd, dit le docteur, cette science que tu prétends avoir, d'où, de qui, d'après qui la tiens-tu ? — Ma science, dit Baya­zîd, est un don de Dieu, je la tiens de Dieu et conformément à cette parole de l'Envoyé de Dieu : « Celui qui agit d'après ce qu'il sait, Dieu le fait hériter une science qu'il ne possédait pas. » Et les questionneurs n'osèrent rien répliquer.

Un conte très significatif illustre comment Bayazîd trouvait dans les occasions les plus diverses et chez les personnes les plus inattendues la direction spirituelle qu'il ne semble pas avoir espérée, intégrale, d'aucun maître en particulier. Comme on lui demandait quel avait été son guide (cheikh mourchîd, pir, ustadh), il répondit : « Un jour, je marchais dans la campagne absorbé entièrement dans le monde de l'amour. Soudain je rencontrai une vieille femme qui me pria de l'aider à porter un sac de farine. Alors, je fis signe à un lion qui s'approcha et que je chargeai du sac. « Quand tu entreras dans la ville, dis-je à la femme, si l'on te demande qui a chargé ce lion pour toi, que diras-tu ? — Je dirai que j'ai rencontré un ustadh qui abuse de son pouvoir. — Et pourquoi ? — O Bayazîd, le Seigneur, qu'Il soit exalté ! a-t-Il jamais commandé qu'on chargeât un lion comme une bête de somme ? — Evidemment non. — Alors tu abuses de ton pouvoir en faisant ce que le Seigneur n'a pas ordonné. Et puis, dans quel but montres-tu des merveilles aux hommes ? » Je rentrai alors en moi-même et me repentis. Et voilà comment les paroles de cette vieille femme ont fait pour moi l'office d'un directeur spirituel. »

 Certaines de ses paroles mal comprises firent, suspecter son orthodoxie. Il avait pourtant pris soin d'affirmer celle-ci : « Quand même vous verriez un homme doué de pouvoirs miraculeux au point de s'élever dans les airs, ne vous laissez pas leurrer, mais examinez s'il observe les préceptes et les interdictions divines, s'il se tient dans les bornes de la religion et s'il accomplit les devoirs qu'elle impose. » Étant allé voir un ascète célèbre et l'ayant vu cracher dans la direction de la qibla, il le quitta sans lui dire au revoir, ne croyant pas à la sainteté de qui n'observe pas la politesse. Pour lui, il ne crachait même pas sur la route qui menait de sa maison à la mosquée. Il proclamait la prééminence du Prophète : « Quel­qu'un peut-il surpasser Mohammed (sur lui la prière et la paix) ?, lui demandait-on un jour. — Quelqu'un peut-il l'égaler ? fut sa réponse. Ce que les hommes peuvent saisir de la noblesse de Mohammed, c'est seulement comme des gouttes d'eau qui suintent d'une outre pleine. »

Ce n'est pas à dire que l'équilibre fût toujours facile à garder entre la Loi et la Voie, la Lettre et l'Esprit. Nous retrouvons chez Bayazîd, comme chez les autres mystiques, le souci d'intérioriser le rite. Dieu est partout et spécialement dans le cœur de l'homme ; on peut Le trouver sans aller à La Mecque et sans tourner autour de la Ka'ba. Il faut tout de même aller à la Ka'ba, puisque Dieu l'ordonne, et que c'est la voie la plus commune sinon la plus directe, le moyen ordinaire sinon le plus parfait, d'entrer en contact sacramentel avec Lui. Sans pour cela s'imaginer que, sans un cœur purifié, le rite puisse valoir par lui-même et avoir une efficacité, sinon pour aider justement à la purification du cœur. Et cela n'est d'ailleurs qu'un des aspects du problème général de l'âme et du corps, du geste et de l'intention, de l'art et de l'esprit. La musique sans âme n'est qu'un vain bruit, mais la musique ne saurait se dissoudre dans la pureté du Silence. La religion simplement formelle est pour les sépulcres blanchis, mais la religion sans rites est impossible aux esprits incarnés.

Al-Bisthâmî dut accomplir le pèlerinage prescrit. Mais on retrouve chez lui le thème du pèlerinage spirituel. On lui fait par exemple rencontrer, au cours d'un voyage, un nègre qui le menace d'un sabre et lui fait rebrousser chemin : « Quoi ! tu laisses Dieu à Bisthâm et tu vas Le chercher à la Mecque ! »

« J'ai fait plusieurs fois le thawâf autour de la Ka'ba, disait, paraît-il, Bayazîd ; mais quand je fus parvenu auprès du Seigneur, ce fut la Ka'ba qui vint faire le thawâf autour de moi. »

« Celui que Dieu aime, disait-il, est généreux comme la mer, bon comme le soleil, humble comme la terre. »

Une voix lui dit un jour : « O Bayazîd ! Notre trésor regorge d'actes d'adoration et de dévotion. Si tu désires Nous posséder, apporte-Nous quelque chose qui ne se trouve pas dans Notre Trésor. — Mais, ô mon Dieu ! que puis-je Vous apporter ? » Et la voix répondit : « Apporte-Nous la détresse, l'humilité, la supplication, la brisure du cœur. » Mais quand est-on vraiment humble ? « Quand on ne se reconnaît aucun mérite et quand on ne voit dans le monde personne qu'on juge pire que soi. »

Il savait que la perfection tant cherchée ne se trouve ni en lisant des livres, ni en faisant de belles phrases sur les états mystiques, ni en s'en remettant à la baraka d'autrui.

En dernière analyse, l'homme est terriblement seul devant Dieu. Ce n'est qu'après avoir réalisé cette solitude, après avoir annihilé sa propre unité devant l'Unité absolue qu'il pourra tout retrouver en Elle. Les récits fragmentaires que nous possédons donnent une idée, incomplète mais saisissante, de ce que fut la « nuit obscure » dans laquelle Bayazîd, intrépide, plongea.
Pendant trente ans, il ne pria pas une fois sans éprouver l'impression qu'il était un mazdéen et qu'il déchirait son zonnâr, la ceinture emblème de paganisme, car sa quête de Dieu lui semblait une perpétuelle conversion toujours à refaire. Et il disait : « Douze ans, j'ai été le forgeron de moi-même, et cinq ans le miroir de mon cœur ; j'ai découvert alors une ceinture d'infidélité(zonnâr) qui me ceignait au-dehors et j'ai mis douze ans à la couper ; puis je me suis découvert une ceinture intérieure que j'ai mis cinq ans à couper ; enfin j'ai eu une illumination, j'ai considéré la création et j'ai vu qu'elle était devenue un cadavre, et j'ai dit sur elle la prière funèbre avec les quatre takbir. »

Il y a plusieurs stations dans la voie, disait-il. « Je me suis trouvé trois jours dans l'ascèse (zohd) et j'en suis sorti le quatrième. Le premier jour j'ai abandonné ce bas-monde, le deuxième jour l'autre monde, le troisième tout sauf Dieu. Le quatrième, il ne me restait plus que Dieu ; j'ai erré et j'ai entendu une voix qui disait : « O Aboû Yazîd ! tu n'es pas fort contre Nous. » J'ai répondu : « C'est justement ce que je veux. » Et il me fut dit alors : « Tu as trouvé. Tu as trouvé. »

Ce qu'il faut éviter, c'est de s'arrêter aux « stations » et de se complaire aux « états ». « Les gens les plus séparés de Dieu sont les ascètes par leur ascèse, les dévots par leur dévotion, les savants par leur science. » Et il conseillait à Yahya al-Râzî :« Si tu acceptes un degré, il deviendra pour toi un voile qui arrêtera ta marche. » « Dieu a comblé Ses serviteurs de bienfaits pour qu'ils reviennent à Lui avec eux (avec les bienfaits). Mais ils se sont occupés de ces bienfaits en dehors de Lui. »

De même qu'on ne peut par soi-même connaître Dieu que négativement ou par reflet, de même aucun acte personnel n'a de surnaturelle valeur à lui seul.

Un jour, Bayazîd assistait au cours d'un juriste qui exposait les règles de l'héritage : un homme est mort, il a laissé tant, son fils aura tant... — O faqîh ! ô faqîh ! s'écria Bayazîd. Que diras-tu d'un homme qui est mort en ne laissant que Dieu ?
Les gens se mirent à pleurer en songeant à la vanité de ce monde.

— L'esclave ne possède rien, reprit-il. Quand il meurt, il ne laisse que son maître. Tel qu'il était à son commencement, sa fin rejoignant son origine, seul avec l'attestation de l'unité. Dieu a dit : « Vous reviendrez à Nous, esseulés, comme Nous vous avons créés la première fois. »

Et voici le grand secret :

« Pendant trente ans, je marchais à la recherche de Dieu, et lorsque j'ai ouvert les yeux au bout de ce temps, j'ai découvert que c'était Lui qui me cherchait. »

Une autre grande thèse bayazidienne est l'universalité de l'amour, et c'est à ce propos, sans doute pour cela, qu'Ibn 'Arabî déclare qu'al-Bisthâmi était « sur les pas de Jésus ». Amour qu'il étendait à tous les hommes et même aux animaux. Passant à Hamadân, il acheta quelques graines pour les semer à Bisthâm ; arrivé chez lui, il s'aperçut qu'il y avait parmi ces graines plusieurs jeunes fourmis, et il revint à Hamadân pour les remettre dans leur nid.

Amour qui a sa source dans le miraculeux amour divin. « Mon amour pour Toi n'est pas étonnant, car je suis Ton serviteur débile. Mais Ton amour pour moi, ô Toi qui es le Roi tout-puissant ?... » Amour divin qui est également le terme de Tout.

J'ai planté l'amour dans mon cœur et ne serai pas distrait jusqu'au jour du Jugement.
Tu as blessé mon cœur en T'approchant de moi. Mon désir augmente et mon amour éclate.
Il m'a versé à boire une gorgée. Il a vivifié mon cœur à la coupe de l'amour remplie à la mer de l'amitié.

Amour inséparable de la Connaissance. Amour qui ne supporte pas de réserve et qui postule la pureté parfaite.

« Les gens, disait Bayazîd, fuient et redoutent la reddition des comptes (hisâb). Moi je supplie Dieu de me demander des comptes. » Et comme on s'étonnait : « Peut-être qu'alors II me dira : « O Mon serviteur ! (ya 'abdi). » Je dirai : « Labbaïka, me voici à Toi. » Sa parole, ya 'abdî, sera plus merveilleuse pour moi que le monde et tout ce qu'il contient. Après, Il fera de moi ce qu'Il voudra. »

Ce qu'il vise est au-delà de la souffrance et de la joie, du monde visible et du monde invisible, des châtiments et des récompenses. « Ce bas-monde est une duperie dans une duperie. L'autre monde est une joie dans une joie. Mais l'amour est une lumière dans une lumière. » « A Dieu, des gens qui, s'ils étaient séparés de Lui le temps d'un clin d'œil et si on leur offrait le paradis (à ce prix) ne l'accepteraient pas. A Dieu des gens qui, s'Il leur enlève sa vue, crieront : au secours ! comme hurlent les gens de la géhenne. »

« Si, en échange de tous les hommes, le Seigneur me précipitait en enfer, mon amour n'en serait pas diminué d'un atome, et s'Il pardonnait aux créatures tous leurs péchés, Sa miséricorde n'en serait pas amoindrie. — Lorsque, ayant pris le monde en aversion, j'ai été auprès du Seigneur, Son amour a tellement rempli mon cœur que j'ai pris en aversion ma propre personne.

— Celui qui met sa confiance dans les actes de piété est plus coupable que celui qui commet le pêché. — Quiconque connaît Dieu n'incline la tête devant aucun des deux mondes. Le cœur dans lequel pénètre l'amour de Dieu rejette tout autre amour.

— Les initiés qui ont donné les deux mondes pour l'amour de Dieu l'ont acquis à bon marché. — Qui ne connaît pas Dieu peut être dévoré par le feu, mais qui a connu Dieu dévorera le feu. — Un seul atome de l'amour de Dieu dans un cœur vaut mieux que cent mille paradis. »

Mais comment cet amour pourrait-il ne pas s'étendre à tout, ne pas absorber l'univers dans sa flamme plus forte que celle de l'enfer ? Bayazîd supportait mal l'idée que des êtres pussent rester en dehors du salut final. « L'enfer est une préparation au paradis. » Et il s'offrait pour le salut de tous. « Fais de moi la rançon des gens de la géhenne. Donne-moi ces Juifs que Tu vas condamner. Qui sont-ils pour que Tu les tortures ? Une poignée d'ossements secs sur lesquels les sanctions ont passé. Pardonne-leur ! »

Nous l'avons vu, au cours d'une conversation avec Ibrâhîm al-Harawî, arriver à la conclusion que la grâce de tous les peuples du monde était peu de chose pour l'immensité de la Miséricorde. A plusieurs reprises, il revient sur cette idée et ose demander à Dieu d'étendre à tous les hommes cette indulgence que Mohammed n'avait demandé que pour les pécheurs de sa communauté. Le Prophète promulgue la loi et doit insister sur les sanctions comme sur les récompenses ; le saint, en son for intérieur, ose espérer au-delà.

Aussi priait-il : « O mon Dieu ! si Tu as prévu dans Ta prescience que Tu tortureras une de Tes créatures dans l'enfer, dilates-y mon être au point qu'il n'y ait plus que moi qui puisse y tenir », « Qu'est-ce que c'est que cet enfer-là ? Certes, je m'approcherai au jour du Jugement, des damnés, et je Te dirai : « Prends-moi pour leur rançon, sinon je m'en vais leur apprendre que Ton paradis n'est qu'un jeu d'enfants. » « O mon Dieu ! Tu as créé ces créatures sans qu'elles le sachent, Tu les as chargées de la foi sans qu'elles le demandent ; si Tu n'es pas généreux envers elles, qui le sera ? »

Il n'avait pas été sans s'effrayer un peu lui-même de cette exigence. Au cours d'une de ses « ascensions », (en état de rêve) il se décida : « Accorde-moi la grâce de tous les hommes. — O Bayazîd, dit une voix, lève les yeux. » Il leva les yeux et vit que le Seigneur, qu'Il soit exalté ! était encore plus porté que lui-même à l'indulgence pour Ses esclaves. Et il s'enhardit : « Mon Dieu ! fais miséricorde aussi à Satan. » La réponse fut évasive : « Satan est de feu ; au feu il faut le feu ; applique-toi à ne pas mériter le feu. »

Après avoir porté au mal les hommes pendant des millénaires, Iblis serait-il sauvé par quelques-uns de ces mêmes hommes purifiés du mal par la sainteté, libérés par l'amour ? Cette perspective grandiose de la « fin de Satan » ne semble pas impossible à certains mystiques musulmans ; et Sahl al-Tostarî pense qu'Iblis sera pardonné, au jour de l'Accomplissement, le mal n'ayant qu'une existence relative, négative et en un sens illusoire.

La mort et le tombeau


Quand Bayazîd, septuagénaire, tomba gravement malade, depuis peu seulement il commençait à voir clair en lui-même. Comme on l'interrogeait sur son âge, il répondit : « J'ai quatre ans : pendant soixante-dix ans, j'ai été enveloppé dans les voiles ; il n'y a que quatre ans que j'en suis débarrassé et que je vois Dieu. » Il savait qu'une mystique et une ascèse simplement naturelles, si loin qu'elles puissent aller, n'auraient pas suffi sans la grâce divine. Dans sa dernière maladie, on l'entendit murmurer : « Je ne T'ai cité qu'après une insouciance et Tu ne m'as pris qu'après une faiblesse. »

Ainsi mourut, avec le nom d'Allah sur les lèvres, un homme qui, par le moyen du plus intégral relativisme, par la négation farouche de tous les faux absolus, s'était efforcé d'atteindre l'Inconditionné.

Plusieurs personnes le virent en songe. Son plus notoire disciple, Aboû Moûsa al-Doubaylî, rêva qu'il portait sur sa tête le Trône divin et courut pour demander à son maître l'explication de ce présage. Il ne trouva qu'un cadavre environné d'une foule respectueuse. Quand on porta le corps en terre, Aboû Moûsa, ne pouvant tenir un des bras du brancard, se glissa dessous et c'est alors qu'il comprit que ce brancard était le "Trône" de son rêve.

A un autre disciple, le mort donnait de suprêmes conseils : « Tous les hommes sont plongés dans l'insouciance, ne te laisse pas submerger par ses flots. — Qu'est-ce que le soufisme ? — C'est renoncer au repos et accepter la souffrance. »



Modifié 1 fois. Dernière modification le 02/02/12 18:48 par faqir.
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6 février 2012 22:30
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 Cheikh  Muhyddîn Abdel Kader El-Jilâni

Cheikh Muhyiddîn Abddel Kader El Jilâni (1077 - 1166) fut le phare de son époque dans les sciences spirituelles et les disciplines relatives à la Loi divine. Sa réputation fut telle dans les sciences du soufisme et de la chari'a (loi divine) qu'il finit par être connu comme le pôle de l'islam et des musulmans.

 Il s'agit du noble Cheikh, le pieux, le modèle dont la lignée est établie de la façon suivante : Abu Muhammad Abddekkader el Djilani Ibn Salah Ibn Mussa Ibn Yahia Ez-Zahed (le dévot) Ibn Muhammad Ibn Daoud Ibn Mussa El Djouzi Ibn Mussa Ibn Abd Allah Al-Mahd Ibn Al-Hasan Al-Muthanna Ibn Al-Hasan Ibn Ali Ibn Abu Talib, que Dieu l'agrée.

Ainsi, sa lignée rejoint-elle du côté paternel la branche florissante de l'Imam Al-Hasan Ibn Ali (gendre et cousin du prohéte Mohamed, que la paix et et salut soit sur lui) Ibn Abu Talib (oncle du prohète), que Dieu les agréés tous deux.
 
Du côté maternel, il est le fils de Umm Al-Khayr Fatima Bent AbuAbd Allah As-Sawmaï. Sa mère fut, selon l'expression même d'Ibn Al-Wardî, dotée d'états spirituels et de prodiges. Quant à son grand-père maternel, Cheikh Abu Abd Allah As-Sawmaï, il est originaire de "Jîl" encore appelé "Kîl" dont il était l'un des plus nobles savants.

Il naquit dans la cité de Jîlân, dans la province nord-est de la Perse, en l'an 1077. A l'âge de dix-huit ans, il partit pour Bagdad à la poursuite de la connaissance et de la guidance divines.

Ses premiers maîtres en Loi divine furent le Cheikh Abu Al-Wafa Ibn Aqil, le Cheikh Muhammad Ibn Al-Hasan Al-Baqlani et Abu Zakariya At-Tabrizi. A l'ombre de ces trois grands, il apprit la science de l'exégèse du Coran, la science du Hadith, la science de la vie du Prophète (sirah), la théologie, la jurisprudence (fiqh), la grammaire, la récitation du Coran et la philologie. Il étudia l'école de jurisprudence hanbalite, mais il donnait aussi des verdicts religieux (fatwa) selon l'école chaféite. Il connaissait le Coran par cœur, et le récitait dans sept lectionnaires.

Après avoir acquis la maîtrise de treize disciplines relatives aux sciences religieuses et des sciences connexes, il se tourna alors vers la voie spirituelle sous la guidance du Cheikh Hammad Ibn Muslim Ad-Dabbas. Il reçut l'initiation dans la voie des chercheurs du Cheikh Al-Mubarak Saïd Ibn Al-Hasan. Le Cheikh Al-Mubarak Saïd fut le Cheikh de la plupart des plus grands chercheurs et maîtres de son temps à Bagdad.

Les oeuvres les plus réputées du cheikh 'Abd Al-Qâdir sont :

Al-Ghunya li Tâlibi Tarîq Al-Haqq (Provisions suffisantes pour ceux qui cherchent la voie du Vrai) : il s'agit d'une des présentations les plus concises qu'on ait jamais écrites de l'école juridique de l'imâm Ibn Hanbal, comprenant les enseignements solides de Ahl As-Sunna sur la 'Aqida et le tasawwuf (soufisme).

Al-Fath Ar-Rabbânî wal-Fayd Ar-Rahmânî (L'Ouverture Seigneuriale et la Manne du miséricordieux), recueil de sermons destinés aux élèves et aux maîtres de la voie soufie et à tous ceux qu'attire la perfection. Fidèle à son titre, ce livre procure à son lecteur un profit et un gain spirituel immenses (traduit en français).

Futûh Al-Ghayb (Ouvertures sur l'invisible), autre recueil de sermons plus avancés que les précédents, et comme eux d'une valeur inestimable.

Sirr Al-Asrâr (Secret des secrets), court traité de pratique soufie que le Cheikh `Abd Al-Qâdir rédigea à l'intention de ses disciples (traduit en français).
 
 Etant donné son statut dans l'école hanbalite, Abd Al-Qâdir jouissait d'un grand respect auprès de Ibn Taymiyyah, au point qu'il fut le seul auquel ce dernier accorda le titre de "notre Cheikh" (Cheikhuna) dans toute sa fatwa, alors qu'il réserva l'appellation "notre imâm" (imâmuna) à l'Imâm des gens de la Sunnah, Ahmad Ibn Hanbal. Il mentionnait fréquemment Jîlânî et son Cheikh Ad-Dabbâs comme les meilleurs exemples de soufis récents.

Sa gnose bien qu'il fut éminent parmi les grands awliyâ' (saints)  et c'est la raison pour laquelle on le surnomma Qutb Al-Islâm, le pôle de l'Islam, Abd Al-Qâdir Al-Jîlânî est aussi un juriste hors pair de l'école hanbalite. On a signalé ses liens avec l'école chaféite et avec l'imâm Abû Hanîfa. Il fut le disciple de awliyâ prestigieux, comme Abû Al-Khayr Hammâd Ibn Muslim Ad-Dabbâs (mort en 525 H.) et Khawaja Abû Yûsuf Al-Hamadhâni (mort en 535 H.), second, après Abû Al-Hasan Al-Kharaqâni (qui fut le Cheikh de Al-Harawi Al-Ansâri dans la chaîne d'autorité primitive de la voie naqshbandiyya).

Qutb Al-Islâm wa Al-Muslimîn, le pôle de l'Islam et des musulmans, est un titre honorifique attribué par des savants à des Imâms qui furent des sommités en sciences religieuses et des modèles de piété et d'observance de Dieu. L'expression Qutb Al-Islâm fut par exemple employée par le célèbre juriste Ahmad Ibn Hajar Al-Haythamî Al-Makkî au sujet du noble Cheikh Abd Al-Qâdir Al-Jilânî (cf. Al-Fatâwâ Al-Hadîthiyyah, p. 149). La personne qui use de ces titres honorifiques doit savoir qu'ils sont attribués à des serviteurs de Dieu, qui furent des hommes bénis, connus pour leur science et leur piété. 

Cheikh Abdel Kader El Jilâni reçut l'Ijâzah (autorisation et certificat d'un savant reconnu) et la direction de la tariqah (désigne en général une confrérie soufie) à l'âge de cinquante ans, de son Cheikh, le Cheikh Al-Mubârak Saïd. Peu de temps après avoir reçu le titre officiel de Cheikh At-Tariqah, on le reconnaissait dans la cité et ses environs comme un grand maître, et comme la source à laquelle tous les coeurs habités d'un désir ardent devaient se tourner pour trouver la guidance et l'illumination propres à diriger les cœurs sur la voie de l'amour divin et de l'inspiration divine.

Abdel Kader raconte : "Au commencement, seules quelques personnes fréquentaient mon groupe. Quand de plus en plus de gens eurent entendu parler de moi, l'école devint surpeuplée. Je pris alors l'habitude de m'installer dans la mosquée de Bab Al-Hilbah, qui finit par être trop petite pour accueillir le grand nombre de gens qui venaient m'écouter. Ils venaient même au milieu de la nuit, portant des lampes et des bougies pour voir. Finalement, le lieu ne pu contenir les foules, et on transporta la haire d'où j'enseignais sur une voie de circulation, puis dans les faubourgs de la ville, dans un endroit qui devint le nouveau lieu de rassemblement. Les gens y venaient à pied, à cheval, à dos de mule, d'âne ou de chameau. On pu voir jusqu'à soixante-dix mille auditeurs assistant à ces rassemblements". Le grand savant indien Cheikh Abu Al-Hasan dit à ce sujet : "Près de soixante-dix mille personnes assistaient à son assemblée. Plus de cinq milles juifs et chrétiens sont rentrés en islam par ses efforts."

Dans ces rassemblements, il conseillait aux gens de faire le bien, et les dissuadait de commettre le mal. Son conseil s'adressait aux ministres, aux gouverneurs, aux juges, à ses disciples et aux gens ordinaires. Selon l'Imam Ibn Kathir, le grand exégète et historien : "Il se tenait debout dans les mosquées et réprimandait publiquement les gouverneurs qui commettaient le mal. Il le faisait en présence de tous, qui pouvaient ainsi en témoigner, dans des interventions publiques. Il évitait toutes les formes de conciliation politique, et ne craignait personne quand il parlait, sinon Dieu le Tout Puissant. Aucun reproche ne l'affectait".

Un jour, comme le calife du monde islamique venait de nommer une personne injuste comme grand juge, Abdel Kader El Jilâni se leva, dans la plus grande mosquée de Bagdad, pour prononcer le sermon du vendredi. Il s'y adressa directement au calife. Il dit : " Tu as désigné le pire des injustes pour juger des affaires des musulmans ! Que répondras-tu demain au Seigneur des mondes, au Plus Miséricordieux des miséricordieux ? " Entendant cela, le calife trembla de peur. Versant des larmes abondantes, il se hâta, après la prière, de démettre ce juge.

Abdel Kader appelait les gens à se corriger eux-mêmes, à purifier leur cœur et à en chasser l'amour excessif de la vie d'ici-bas. Il les pressait de remplir leur cœur de l'amour de Dieu, de Son Messager et de Ses saints. Il les exhortait à suivre le Prophète dans chacun de leurs actes et chacune de leurs pensées, en tout comportement et en toute attitude. Il les exhortait à éviter l'hypocrisie, à chasser de leur cœur l'orgueil, l'auto satisfaction, la haine, l'hostilité, la jalousie, la tyrannie, la tromperie et la rancœur. Il appelait les gens à briser leur attachement à ce monde et à ceux qui en sont les esclaves, et de se tourner de tout leur cœur vers Celui qui nourrit, Dieu le Tout Puissant, cherchant Sa satisfaction, Sa guidance, Sa miséricorde et Son pardon.

A ce sujet, Cheikh Abû Al-Hassan An-Nadwî écrivit : " Cheikh Abd Al-Qâdir Al-Jîlânî ouvrit grande la porte de l'allégeance et du repentir. Des musulmans des quatre coins du globe y entrèrent pour renouveler leur pacte avec Dieu, en s'engageant à ne pas tomber dans le polythéisme ni la mécréance, ni la corruption, ni l'innovation, ni l'injustice et à ne pas rendre licite ce que Dieu interdit, ni délaisser ce qu'Il prescrivit. Ils s'engageaient à ne pas se dépenser dans la recherche de l'ici-bas et à ne pas oublier l'au-delà. Entrèrent par cette porte que Dieu eut ouverte par la main de Cheikh Abd Al-Qâdir Al-Jilânî des gens dont Dieu Seul connaît l'effectif tant ils étaient nombreux : leurs états étaient droits et leur islam fut bon.

Le Cheikh persévéra dans leur éducation et l'évaluation de leurs actes, il supervisa leur état et leur progression si bien que ces disciples spirituels sentirent la responsabilité qui leur incombait près le pacte, le repentir et le renouvellement de la foi".
Dans l'une de ses prêches dont on dit qu'y assistaient plus de quatre cents scribes, il dit : "Les murs de la religion sont tombés et leurs fondations ont craqué. Rassemblons-nous, ô gens de la terre, et reconstruisons ce qui est en ruine, rétablissons ce qui est tombé ! C'est inacceptable. Ô soleil ! Ô lune ! Ô jour ! Venez tous !

 Ô gens, la religion implore aide et assistance, tenant ses mains au-dessus de sa tête en signe de détresse, une détresse due aux débauchés, aux insolents, aux innovateurs, à ceux qui pervertissent la loi divine, aux gens insouciants, aux injustes et aux tyranniques, à ceux qui falsifient la connaissance divine et pourtant la revendiquent, alors qu'en fait elle n'est pas entre leurs mains.

" Ô hommes ! Que vos cœurs sont devenus durs ! Même un chien sert son maître. Il le garde, l'accompagne dans ses marches, chasse pour lui, garde ses troupeaux et veille sur lui avec loyauté dans l'espoir que son maître lui accordera quelques bouchées de son repas ou les lui mettra de côté pour plus tard. Réfléchissez y et comparez à la façon dont vous vous rendez obèses par les bontés de Dieu, la façon dont vous satisfaites grâce à elles vos désirs vils, sans même obéir à Ses commandements ni éviter ce qu'Il a interdit ! Vous ne Lui payez pas ce que vous Lui devez, vous négligez Ses ordres et vous n'observez pas les limites de ce qu'Il vous a ordonné".

Il disait aussi, que Dieu lui fasse miséricorde : "Toute vérité pour laquelle la législation ne témoigne point est zandaqah (mécréance hypocrite). Chemine vers le Vrai (Al-Haqq) en battant des ailes du Coran et de la Sounnah. Et présente-toi devant Lui, main dans la main avec le Messager d'Allâh, paix et bénédiction de Dieu sur lui."

Dans le même sens, il disait à ses disciples : "Délaisser les oeuvres de cultes imposées est une mecréance. Tomber dans l'interdit est un pêché. Nul n'a le droit de délaisser les Ordres [divins] en tout état de cause".
 
Abd Al-Qâdir Al-Jîlânî donna un jour à ses disciples l'ordre suivant : " Tuez un poulet à un endroit où personne ne peut vous voir, puis apportez-le moi. " Certains prirent l'ordre au pied de la lettre et pensèrent qu'il suffisait de garder le secret. Au bout de quelques heures, les disciples revinrent, chacun portant un poulet tué. Au moment de la prière de l'après-midi, l'un d'eux manquait toujours à l'appel. Il ne s'était pas encore montré. Le Cheikh dit : "Où est Untel ?" Personne ne savait. Le moment de la prière de la nuit vint, passa. Le jour suivant arriva et on ignorait toujours ce qui était arrivé au disciple manquant. Dans l'après-midi du lendemain, le disciple revint, un poulet à la main, mais un poulet toujours vivant. Le Cheikh lui demanda : " Où étais-tu tout ce temps ? Chacun a rapporté un poulet tué sauf toi. Pourquoi cela ? " Il répondit : " Ô mon Cheikh, l'ordre que tu m'as donné était de tuer un poulet dans un endroit où personne ne pourrait me voir. J'ai essayé toute la journée d'hier, toute la nuit et toute la matinée, de trouver un endroit où Dieu ne me voit pas, et je n'ai pas pu trouver un tel endroit. Comment aurais-je pu tuer le poulet ? " Cheikh `Abd Al-Qâdir dit : " [...] Mon fils qui est ici est mon successeur, qui vous enseignera le code de conduite correct et sera pour vous un bon exemple à suivre".

Il enseigna à ses disciples l'essence de l'ascétisme (zuhd): "Sors l'ici-bas (dounya) de ton coeur, écrit-il dans Al-Fath Ar-Rabbânî, et dépose-le dans ta main, ainsi il ne te nuiera pas".

 
 


 
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13 février 2012 21:03
Assalam alaikoum



Aboû Madian al-ghawth



Aboû Madian Chou'aïb ben al-Houssayn al-Ançârî naquit dans la région de Séville vers 520/1126, d'une famille d'origine arabe modeste. Orphelin de bonne heure, il fut élevé par des frères aînés, gardant leurs troupeaux avant d'apprendre le métier de tisserand. Quand il voyait quelqu'un lire, il s'approchait de lui et ressentait une angoisse de ne pouvoir en faire autant ; lorsqu'il passait devant une mosquée ou une école, son cœur palpitait. Il s'échappait pour aller au cours des professeurs. Ses frères étaient opposés à cette vocation. L'un d'eux le menaça un jour de son épée ; Chou'aïb para le coup avec son bâton, et le fer se brisa. Interdit, le frère le laissa aller.
 
Le jeune homme rencontra un vieillard presque nu, qui pêchait à la ligne, avec un clou tordu au bout d'une ficelle et qui lui conseilla d'aller étudier à la ville. Chou'aïb traversa le détroit, vécut à Tanger et à Ceuta avec les pêcheurs, se rendit à Marrakech, puis à Fes, où il se fixa un certain temps et finit par trouver ce qu'il cherchait après s'être assis dans maint et maint cercle d'étudiants. C'est d'Aboûl-hassan ibn Harzihim (mort à Fes en 559/1165) qu'il reçut pour la première fois un enseignement vivant, car ce maître touchait l'esprit et le cœur, non seulement les oreilles. Par lui, Chou'aïb prit contact avec les écrits des soufis, spécialement Mouhâsibî, et sans doute aussi Ghazâlî, que le cheikh admirait vivement.
 
Bien qu'il travaillât parfois comme tisserand, le jeune homme devait être l'un des plus pauvres parmi les pauvres tholba (étudiants). Un jour qu'il retirait son manteau au cours du maître, il rougit en apercevant que ses vêtements tombaient en lambeaux. Le cheikh fit une collecte parmi ses élèves et noua en cachette la somme recueillie à une extrémité du manteau de Chou'aïb. Ce soir-là, l’étudiant rentra dormir dans sa grotte du Zalagh qui lui servait de domicile et où il retrouvait d'habitude une gazelle qui dormait près de lui et lui donnait de son lait.
 
Cette fois, Chou'aïb remarqua que des chiens, affectueux à l'ordinaire, aboyaient après lui, et que la gazelle le fuyait. Il se demanda pourquoi, trouva l'argent et se dit : " Cette saleté est sur moi, à mon insu. Voilà pourquoi les bêtes me méprisent. " Il jeta l'argent. La gazelle revint ; les chiens lui firent fête et le lendemain matin, le cheikh, à qui il raconta son aventure, lui dit : " Réjouis-toi, ton destin est fixé. "

C'est alors qu'il entendit un jour parler des miracles qu'un anachorète accomplissait dans la montagne. Il s'agissait d'un homme étrange, sans doute illettré, qui ne parlait même qu'un dialecte berbère, mais dont les sentences équilibrées et les répliques fulgurantes déconcertaient les plus doctes.
 
Aboû Ya'zâ Yâlannoûr (Sidi Bou'zza), ou Alannoûr ben Mîmoûn ben 'Abdallah al-Azmirî, dit parfois Isguet ou Isjet, était né au milieu du XIe siècle de notre ère, en pays Masmouda, chez les Azmira, ou dans la tribu des Beni Sabîh de Haskoura (région de Damnat). Après avoir vécu longtemps dans la solitude ou dans l'errance, il s'était fixé au Jebel Yarouijane, à Tâghia, à deux bonnes journées de marche au sud de Meknès, à l'entrée du pays Zaïan, là où se trouve aujourd'hui son sanctuaire.

C'était un homme fortement bronzé, grand et maigre, vêtu d'une tunique en poils de chèvre ou en feuilles de palmier nain, et d'un burnous noir rapiécé qui lui descendait un peu plus bas que les genoux, coiffé d'une calotte de joncs. Il était d'apparence timide, mais n'en commandait pas moins, disait- on, aux bêtes féroces. Sa nourriture ordinaire consistait en fruits, en racines, en herbes, de préférence celles que personne ne mangeait, auxquelles il ajoutait parfois une farine de glands.
 
Le jeune Aboû Madian partit avec un groupe de foqara pour rendre visite au saint. Celui-ci l'accueillit de façon étrange. Il le laissa trois jours de suite à sa porte sans lui donner à manger, alors qu'il recevait aimablement tous les autres. Il le repoussait même lorsqu'il se levait pour venir prendre sa part de nourriture à la grande écuelle de bois de fabrication européenne dans laquelle Aboû Ya'zâ servait à manger à ses hôtes. Désespéré, le jeune homme se jeta par terre et roula son visage à l'endroit où Aboû Ya'zâ s'était assis. Quand il releva la tête, il était aveugle. Il passa toute la nuit suivante à pleurer. Au matin le cheikh l'appela : " Arrive ici, l'Andalou. " Aboû Madian s'approcha à tâtons. Aboû Ya'zâ lui passa la main sur les yeux, qui furent guéris ; puis sur la poitrine, et tous les soucis s'en allèrent de son cœur. Il ne souffrait même plus de la faim.
 
- Ce garçon est appelé à un grand avenir, dit simplement le cheikh, qui l'admit désormais parmi ses disciples.

Au bout de quelque temps, Aboû Madian demanda l'autorisation de partir. Il désirait continuer ses études, et s'acquitter du pèlerinage à la maison d'Allah.

Le vieux cheikh lui fit ses recommandations : Tu rencontreras un lion. N'aie pas peur. Si pourtant la crainte s'empare de toi, dis lui : " Pour l'amour de Yâlannoûr, je te prie de t'éloigner. " Et il partira. Tu rencontreras aussi trois voleurs sous un arbre. Tu les exhorteras à se convertir. Deux d'entre eux reviendront dans le droit chemin, le troisième continuera sa triste vie et finira ses jours crucifié à cet arbre. Et il en fut ainsi.

Aboû Madian quitta donc pour toujours l'étrange cheikh de la forêt, le laissant à ses fauves dociles et à ses oiseaux familiers. Il n'oublia jamais son maître. C'est de ce rude montagnard berbère qu'il déclarait avoir reçu l'initiation à la voie soufie remontant, par Jounayd de Bagdad, à Sarî al-Saqathî, à Habîb al-'Ajamî et à Hassan al-Baçrî. On cite aussi parmi ses maîtres 'Alî ben Ghâlib (mort en 562 /1166) qui fut surtout un érudit, Aboû'hassan al-Chawi ou Salaoui, et surtout Aboû 'Abdallah al-Daqqaq, de Sijilmassa, mort à Fès, qui semble avoir été plutôt un illuminé qui lui aurait donné le froc soufi (khirqa) et la licence d'enseigner (ijâza). Plusieurs biographes assurent qu'il rencontra à La Mecque le grand Abdelqâder al-Jîlânî et que c'est de lui qu'il reçut la khirqa avec beaucoup de secrets.

Moins probables sont les rapports qu'il aurait eus, en Orient avec Al-Rifâ'î (mort en 578/1182), le fondateur des derviches hurleurs, bien qu'on précise que les deux mystiques échangèrent leurs manteaux et que celui d'Aboû Madian était teint au kermès. Il s'agit plus vraisemblablement, comme le dit Al-Bâdisî, d'une certaine affinité spirituelle. Quoi qu'il en soit, nous voyons qu'Aboû Madian concentra en lui les enseignements initiatiques dérivés d'al-Jîlânî, d'Aboû Ya'zâ et d'al-Ghazâli (par Ibn Harzihim et par Aboû Bakr Ibn al-'Arabî, maître d'Aboû Ya'zâ), toutes silsilas qui dérivent elles-mêmes de Jounayd et de l'école de Bagdad, et qu'il transmit à Abu al-Hassan Ach-Châdhilî, par l'intermédiaire de Moulay 'Abdesselâm ibn Machîch.
 
Après avoir accompli le pèlerinage et un voyage d'études en Orient, Aboû Madian se fixa à Bougie. Il avait pensé se retirer dans la solitude, mais un songe survenu à l'un de ses amis l'avait averti que sa vocation était d'enseigner dans les villes.

Petit port peuplé surtout d'Andalous au milieu du XIe siècle, Bougie (Bijaya en arabe, Begaït en berbère) était devenue la capitale des Beni Hammad, qui s'y maintinrent jusqu'à la conquête almohade en 1152. Elle resta centre intellectuel jusqu'au XVe. En 1184, elle fut occupée quelque temps par les Banou Ghaniya, almoravides venus de Majorque, qui essayèrent en vain d'arracher la Berbérie orientale à la dynastie almohade. Andalou lui-même, aboû Madian trouvait à Bougie des compatriotes nombreux en même temps qu'un milieu intellectuel favorable. L'admirable site de cette petite ville lui semblait disposer favorablement l'âme à jouir des bonheurs licites de ce monde.
 
On passait souvent par Bougie pour se rendre d'Espagne en Orient. Tel fut le cas de Mohyieddîn ibn 'Arabî, qui avait épousé à Séville une pieuse femme, Marîem, issue de la grande famille bougiote des Ibn 'Abdoûn. L'illustre auteur des Fou- toûhât y passa en 597/1200, un peu après la mort d'Aboû Madian. Il y était peut-être venu en 590/1193, allant de Tlemcen à Tunis. Il appelle Aboû Madian " notre cheikh et imâm... le maître des maîtres " et se réfère souvent à lui. Il note l'hostilité des juristes à son égard. La réaction contre les penseurs originaux, philosophes ou soufis, avait commencé dans les dernières années du règne de Ya'qoub al-Mançoûr et c'est peut-être pour cela qu'Ibn 'Arabî quitta le Moghreb pour l'Orient en 1200.
 
Les anecdotes rapportées par les biographes, les recueils des sentences et les poèmes d'Aboû Madian peuvent nous donner une idée de ses méthodes, de ses enseignements et de sa " voie ". Selon lbn 'Arabî, ses " stations " principales étaient le scrupule (wara') et l'humilité ; la véritable humilité consistant à reconnaître la servitude absolue du moi. " La dernière chose dont se libère l'âme des amis sincères de Dieu est l'amour de la souveraineté qui ne peut coexister qu'avec l'ignorance. " Il avait le don d'intuition et de lecture des âmes. Il connait- sait la physiognomonie, le sens profond et les correspondances des formes, des attitudes et des gestes avec l'état présent et futur de l'âme, au point de pouvoir annoncer en voyant un de ses élèves remuer comment il tournerait vingt ans plus tard. 

Un autre de ses élèves s'était disputé avec sa femme et songeait à la répudier. Le maître vit sa colère et son intention écrites sur son burnous ". Le prenant à part à la fin du cours, il lui dit : " garde ta femme et crains Dieu (Coran, XXXIII. 37)... Comment l'un de vous peut-il se laisser aller à la colère au point de casser sa propre vaisselle comme tu l'as fait cette nuit ? Remplace ce que tu as cassé et ne recommence plus ".

Aboû Madian avait eu, comme le lui avait annoncé Aboû Ya'zâ, un fils d'une négresse. Ce fils, nommé Aboû Mohammed 'Addelhaqq, était doué de double vue en présence de son père. Âgé de sept ans, il disait, par exemple : " Je vois sur la mer tels et tels bateaux où il se passe ceci et cela... " Quelques jours après, les navires arrivaient à Bougie.
Si on lui demandait : " Comment vois-tu ces choses ? ", il disait : " Avec mes yeux ", puis il se reprenait : " Non, c'est avec mon cœur ", et aussitôt précisait : " Non, c'est avec mon père, quand il est présent et que je le regarde. Quand il n'est pas là, je ne vois rien ".
 
Pratiquant au plus haut degré l'abandon à la volonté divine (tawakkoul) et l'insouciance du monde, Aboû Madian avait réalisé aussi pleinement que possible la station où l'on sait entendre partout et comme il convient la voix de Dieu.

Il ne se laissait pas aller aux facilités. Il avertissait bien ses novices qu'il ne suffisait pas de faire de belles phrases, que l'effort s'imposait pour trouver le sentier, et que pour suivre ce dernier, il faudrait aller de tourment en tourment. Pour suivre son enseignement, il fallait se présenter pur extérieurement et intérieurement, le corps propre, l'esprit net et disponible. Il semble avoir été plutôt méfiant à l'égard des grandes affusions. Il était, dit Tadilî, à l'aise dans les faveurs et contraint par le scrupule, "mabsoûth bil faïdh, maqboûdh bil mourâqaba".
 
Ses disciples devaient d'ailleurs insister sur cette " nuit de l'étroitesse ", laïl al-qabdh, au sein de laquelle Dieu se révèle mieux que dans les grâces sensibles et les consolations même spirituelles. Les adversités, non seulement mortifient l'amour-propre et répriment les passions, mais encore poussent l'âme à ne chercher refuge qu'en Dieu, inspirent une adhésion à Sa volonté qui vaut mieux que tous les exercices de dévotion. C'est ce que signifie sa sentence : " Le serviteur se lasse de la joie mais non pas de son Seigneur. Ce qui est passé ne peut être rattrapé, car le second "instant " (extatique) n'est pas le même " état ".
 
Ses vers montrent qu'il appréciait la poésie et la musique en tant qu'exercice spirituel. Mais il ne s'en méfiait pas moins de l'abus du concert spirituel. Il préférait, assure-t-on, les litanies purement coraniques. Il se souciait assez peu des critiques. Deux savants ayant entendu parler de ses connaissances exotériques et ésotériques, s'étonnaient, car ils avaient aussi appris qu'il n'avait pas dépassé dans le Coran la Sourate de l'Empire, la soixante-septième. Ils vinrent s'asseoir dans l'une des deux mosquées de Bougie où il professait, attendirent qu'il eut fini de parler et le saluèrent. Il les appela par leurs noms, connus intuitivement, et répondit à leur question, qu'en effet, la Sourate de l'Empire était pour lui le comble de la magnificence, le lotus de sa limite (Coran LIII, 14). Il eut, en allant plus avant, été brûlé par la splendeur de la Face du Généreux. Puis il marmotta sur eux une formule à la manière soufie, pointant le doigt à droite, puis à gauche, et disant : " Biya qoul, 'alaya doul fa ana al-koul " phrase énigmatique qui signifie sans doute : " Parle par moi et indique-moi : Je suis le tout. " Les deux juristes partirent convaincus qu'il était un grand initié doué d'intuitions dépassant toutes connaissances acquises.
   
Aboû Madian n'en disait pas moins qu'on ne peut connaître qu'une faible partie des sciences divines, ce que peut prendre de la mer le bec de l'oiseau dont Al-Khadir traduisait les paroles à Moïse. Comme les grands soufis de sa lignée, il se méfiait des miracles et disait que celui qui leur prête attention est comme un idolâtre.

En droit canon, il était de rite malikite. En théologie, il approuvait, dit-on, les qadariya contre les jabariya qui nient le libre arbitre. Non moins raisonnablement il s'opposait aux anthropomorphistes qui prennent à la lettre les expressions coraniques sur la face, la main, la bouche d'Allah.
 
Aboû Madian a laissé des recueils de sentences soigneusement ciselées, parfois d'une obscurité peut-être voulue, sur lesquelles se sont exercées la sagacité et l'ingéniosité des commentateurs.

Sa maxime :  " C'est la corruption du peuple qui enfante le tyran et c'est à la corruption des grands qu'est due l'apparition des fauteurs de troubles ", fait penser à la phrase de Joseph de Maistre sur les abus et les révolutions. " Qui se connaît soi-même ne se laisse pas séduire par les flatteries... La prétention vient de la sottise... Celui qui regarde les créatures avec concupiscence perd l'expérience et le profit qu'il pourrait tirer d'elles " sont des conseils pleins de bon sens.

Il insistait surtout sur la nudité spirituelle, la libération de tout le contingent, le théocentrisme.

N'arrive pas à la liberté parfaite celui qui doit encore quelque chose à son âme... 
Le cœur qui refuse les désirs est en paix...
Le cœur n'a qu'une direction, quand il la prend, il s'éloigne des autres...
Quand la vérité apparaît, elle fait tout disparaître...
Celui qui a la réalité de la dévotion ne prend au sérieux ni ses actes, ni ses états, ni ses propos...
Toute vérité qui n'efface pas la marque et les traces de l'être n'est pas une vérité...
Le signe de la sincérité, c'est la disparition du créé lors de la contemplation du Réel.
L' " arrivée " (al-wussûl) c'est la submersion de tes attributs et la disparition de tes qualifications...
Regarde le fait que Lui te regarde et non le fait que toi tu Le regardes...
C'est la présence de la Vérité (Al-Haq) qui est le paradis, Son absence qui est l'enfer. Sa proximité est joie, Son éloignement tristesse, Sa compagnie vie, Sa séparation mort...
Le fruit du soufisme c'est l'abandon confiant (taslîm) de tout ton être...
Les épreuves sont la preuve de l'agrément divin...
La Vérité (qu'elle soit exaltée), on ne La voit que quand on meurt.

Ennemi de tout pharisaïsme, il professait que le brisement du cœur du pécheur vaut mieux que le zèle content de soi du vertueux. Il préférait la négligence accompagnée d'humilité à l'effort rendu vain par l'orgueil. 

Il n'en était pas moins loin de ces soufis auxquels les perspectives vertigineuses de la mystique et leur formulation nécessairement approximative ou paradoxale, font quelque peu perdre pied et qui frôlent le verbalisme ou l'antinomianisme.

Il n'entendait oublier ni l'humilité, ni l'ascèse, ni la discrétion, ni les obligations normales. Ce n'est pas avec de beaux discours, avait jadis dit à peu près Jounayd, que nous sommes devenus soufis, mais en souffrant la faim et en renonçant au monde.

Comme Ghazâlî, son maître indirect, Aboû Madian voulait équilibrer l'ésotérisme et l'exotérisme, respectés l'un et l'autre. Il réprouvait les prétentions et les libertés facilement prises avec les devoirs vulgaires. Il recommandait l'examen de conscience. Il conseillait aux profanes d'éviter de juger la Voie mystique avant de la connaître, mais il défendait aux initiés de scandaliser le vulgaire, conseillait de se méfier de ceux qui, sans preuves évidentes, prétendaient avoir des états mystiques.

" La science soufie n'est profitable qu'à quatre conditions : ascèse, science, confiance, foi solide... Celui qui n'a pas étude: les règles du début, comment pourrait-il prétendre aux degrés de la fin ? " L'essentiel est de libérer son coeur, l'attacher entièrement à la Vérité qui voit le plus profond de l'âme et préserve alors le cœur de tout égarement.

Le dhikr (pensée, souvenir, litanie) tenait évidemment une grande place dans ses méthodes.

" Abandonne-toi à Dieu, disait-il, jusqu'à ce que Son dhikr (souvenir) triomphe de ton dhikr.
 
" Celui qui connaît Dieu Le célèbre pendant la veille et le sommeil... Celui qui a goûté la douceur des oraisons ne dort plus. "

Les poèmes de Sidi Aboû Madian sont encore chantés dans les concerts spirituels et accompagnent les danses extatiques.

Ils ont été réunis en un dîwân. Les uns sont des qacîdas classiques monorimes ; les autres des mouwachchah, genre andalou suivant des règles différentes, ou des poèmes en zajal qu'on appelle aujourd'hui melhoun, en dialectal, avec strophes et scansion plus syllabique que métrique.

On y trouve, avant lbn Khamîs de Tlemcen et Ibn al- Fâridh du Caire, les thèmes de la poésie mystique arabe avec le symbolisme amoureux et bachique qui n'a cessé de se développer jusqu'à nos jours.

Mes heures sont embellies par un Bien-Aimé nôtre dont l'amour est mon trésor.
Nous désirons quelqu'un dont il nous est impossible de nous passer.
Moi, je suis le cheikh de la boisson et l'échanson des beautés.
Je me plais au déchirement des vêtements.
Etendez mon tapis de prière. Approchez de moi l'aiguière, vin sur vin.
Répandez l'usage de mes concerts, ô maîtres de la réalisation.
Ô moi ! Qui est " moi " ? En vérité je me suis perdu dans l'ivresse.            
Faites-moi entendre la douceur des mélodies et peut-être qu'alors je "saurai".
Pour que je sorte de mon ivresse, ô foqara, faites résonner les cordes du luth.
Portez-moi, amoureux, absent, sur la treille de ma vigne.
Versez son jus sur la quibla, pressez la grappe.
Faites-moi de ses feuilles un linceul. Que son eau soit pour mes ablutions...
Au-dessus, au-dessous, ou bien à côté d'elle, creusez ma tombe.
J'ai vendu mon habit, mon bonnet et mon pagne et je suis resté nu.
Etourdi par le vin, j'ai marché entre les hautes maisons.
Les verres circulaient à la ronde entre les mains des amis, ensorcelant les âmes.
En vérité, je n'ai pas besoin de boire. C'est de l'amour que vient mon ivresse.
Ô foqara, ô fidèles ! Cachez mon secret.
J'espérais aimer et être aimé de Lui.
Moi, j'adore. Lui, il se rapproche de moi ; il s'adoucit à mon égard.
Moi, je suis un couchant : Il est à mon levant et Il m'éclaire.
L'amour s'est manifesté. Il me sert de guide. Il me comble de joie à l'heure du dhikr.
Nos entretiens ont effacé nos peines et mon secret a été voilé.
Prenez garde ! Les flèches de la séparation vont me transpercer.
Laissez de côté tous mes trésors.
Je l'aime et Il m'aime. Laissez de côté mon " état ".
Son apparition a étanché ma soif. Il m'a fait entendre son chant précieux.
Il est mon âme : c'est Lui qui anime mon corps et Il est au plus intime de mon être.
Ne te baigne pas dans notre mer, dans ma mer, tu risquerais de t'y noyer...
 
Selon son serviteur Bilâl, Aboû Madian récitait souvent ce vers :

Dis : Allah ! et abandonne l'existence et tout ce qui s'y rapporte, si ta volonté s'attache au véritable but.

Ce qui est une variante du premier vers d'un poème du dîwân, attribué parfois à 'Izzeddin ben 'Abdesselâm al-Moqaddasî ou Maqdisî, poète mystique mort en 1280. 

Dis : Allah ! et abandonne l'existence et ce qui l'entoure, si tu veux l'accomplissement de ta perfection.
Tout, sauf Dieu, si tu l'as bien réalisé, est néant dans le détail et dans l'ensemble.
Sache-le bien : sans Lui, toute la création, toi compris, se dissipe et s'efface.
Celui qui n'a pas dans son essence la racine de son existence, son existence, sans Lui, est radicalement impossible.
Ceux qui savent sont annihilés Peuvent-ils contempler autre chose que le Très haut, le Magnifique ?
Tout ce qu'ils voient, qui n'est pas Lui, est, en vérité, périssant, dans le présent, le passé et le futur.   Raisonne et examine si tu peux voir autre chose qu'une action d'entre les actions.
Considère le haut et le bas de l'existence d'un regard étayé sur la déduction.
Tu trouveras que tout fait allusion à Sa Majesté de façon directe ou en allégorie.
Du haut jusqu'en bas, sans que personne puisse en faire autant, c'est Lui, leur Créateur, qui tient en mains toutes les choses.

Les distiques suivants expriment de même l'unité essentielle et l'idée que les existants n'ont d'autre être que celui qu'ils tiennent de l'Être nécessaire :
 
Si tu regardes avec l'oeil de ton intelligence, tu ne trouveras rien d'autre que Lui tracé sur les essences.
Si tu cherches une autre réalité que Lui, c'est que tu n'as pas cessé de t'empêtrer dans la traîne de ton ignorance.
Allah est mon Seigneur. Je n'en veux pas d'autre. Est-il possible de trouver dans le monde vivant autre chose que Dieu ? L'Essence divine, c'est par Elle seule que subsistent nos essences.
Sans Lui, autre que Lui, est-il possible de trouver ?...

Le poème suivant fait allusion à l'idée des choses reflets des attributs divins et souligne le rôle de la Beauté et du Souvenir :

Crâce à vous, toute terre où vous descendez est vivifiée comme si vous étiez de la pluie sur la terre.
En vous, l'oeil se plait à contempler une vision de Beauté, comme si vous étiez des fleurs devant les yeux.
Votre lumière guide les pas du voyageur nocturne, comme si vous étiez des lunes dans la nuit.
Combien Dieu fait désirer la visite de votre campement, ô vous qui avez dans le cœur un Souvenir. 

Aboû Madian était parfois, nous l'avons vu, l'objet des critiques des oulémas littéralistes, des juristes exotériques, et sans doute ne les convertissait-il pas tous à la " connaissance nécessaire " comme il avait fait pour Aboû Zahr, fonctionnaire enrichi qui avait distribué ses biens aux pauvres. Certains le dénoncèrent au calife almohade, insinuant que son prestige pourrait l'inciter à se présenter comme mahdi. Le mahdi est le personnage qui doit paraître à la fin des temps, faire triompher la religion et aider Jésus à vaincre l'antéchrist, L'inspirateur de la dynastie almohade, au début du siècle, Ibn Toumert, s'était intitulé mahdi. La fin du monde n'était pas venue ; 'Abdelmoumine et ses héritiers s'étaient fortement installés dans ce monde et avaient réalisé le plus brillant des empires maghrébins allant d'Espagne à Tunis. Après avoir favorisé la pensée libre et encouragé les philosophes, Ya'qoûb al-Mançoûr, engagé dans la guerre, avait jugé nécessaire de s'appuyer sur ce qu'on appelle les forces spirituelles, et il avait sacrifié les philosophes, et même les mystiques, au clergé des oulémas et des foqaha ennemis de la spéculation, comme nous le verrons à propos de Sidi Aboû'l 'Abbâs et d'Averroès. 
 

 Aboû Yoûssouf Ya'qoûb fit donc dire à Aboû Madian de venir au Maroc, ordonnant au goum de Bougie de l'accompagner avec égards. Comme ses amis s'affligeaient, il leur dit que sa mort était prochaine, mais qu'elle devait survenir ailleurs qu'à Bougie. Vieux et infirme, il n'avait plus guère de force pour bouger ; aussi le Tout-puissant lui avait-il fourni une escorte pour le conduire au lieu de son repos.

IL mourrait d'ailleurs avant d'atteindre le Sultan, lequel ne tarderait pas à le suivre. Plusieurs de ses amis, apaisés par ses paroles, partirent avec lui.
 
Comme ils arrivaient aux bords de l'Isser, non loin de Tlemcen, au lieu-dit Aïn Taqbalet, le vieillard se sentit fatigué. Voyant au loin le fort (ribath) d'el-'Eubbâd, il murmura : " Que ce lieu est propice au sommeil. " Il descendit de sa monture et l'on installa le campement. Après avoir râlé trois heures, il fit la chahâda, dit : " Allahou al-Haqq. Dieu est la Vérité " et mourut. Son corps fut transporté à El-'Eubbâd où les Tlemcéniens lui firent d'émouvantes funérailles. C'était en l'année 594 de l'Hégire (13 novembre 1197 - 3 novembre 1198) et il avait environ 85 ans. Aboû Yoûssouf al-Mançoûr mourut en 595 (janvier 1199), après quatorze ans de règne. Averroès que le calife avait rappelé à sa cour, mourut lui aussi, en route, comme Aboû Madian, la même année 594.  Depuis lors, le hameau d'el-'Eubbâd (les dévots, les adorateurs) porte le nom de Sidi Boumédine, prononciation populaire de Sidi Aboû Madian.




 
b
19 novembre 2013 18:46
Le Prophète lui-même a évoqué diverses modalités d’inspiration ou de dévoilement intuitif. « Craignez la clairvoyance du croyant, disait-il, car il voit par la lumière de Dieu ».

Le prophete ichtaka (du chawk) à ses ahbab (ses bien aimés) et nous aussi ichtakna ila el habib

Les maîtres du soufisme primitif attribuent l’inspiration aux « saints », les rapprochés de Dieu qui ont succédé aux prophètes. Cette thématique apparaît notamment chez Hallâj (m. 922) et chez Hakîm Tirmidhî (m. 930), le premier théoricien de la sainteté en islam. Les docteurs de la Loi, les « juristes » (fuqahâ’) prennent alors peur : ils craignent que ces mystiques professent la supériorité de la sainteté sur la prophétie, et donc de l’inspiration libre sur la Loi révélée, normative. Ils condamnent donc certains soufis pour « prétention à la prophétie » ou « à l’inspiration prophétique ».

Ils ont de bonnes raisons d’avoir de telles craintes, car la suprématie de l’inspiration sur la prophétie a un fondement coranique : celui de la rencontre entre Khadir (ou Khidr) et de Moïse, le prophète de la Loi hébraïque. Dans la sourate 18 (versets 65-82), Khadir, personnage énigmatique, initiateur des prophètes et des saints, met à l’épreuve Moïse par trois fois, en accomplissant des actes qui contreviennent en apparence à la Loi : il coule un bateau, tue un jeune homme, reconstruit un mur contre toute logique. Moïse, qui s’en tient aux normes extérieures de la Loi (Sharî‘a), se montre impatient et révolté. Khadir, quant à lui, perçoit la Haqîqa, la réalité profonde des choses et juge selon elle : il explique à Moïse le bien-fondé de ses actes, puis le laisse là.

Et que la prière soit sur Mohammed le maitre des fils d'Adam et sur les Imams Awliya Allah de sa maison
f
19 novembre 2013 21:14
Assalam alaikoum


Il me semble que cette confrontation entre la prophétie et la sainteté, la révélation et l'inspiration, n'est pas très adéquate, mais ce qu'on peut dire, c'est que dans l'absolu, il y a suprématie de la prophétie sur la sainteté, de la révélation sur l'inspiration. Et si on prend le Coran, comme étant l'illustration la plus parfaite de la Révélation, on trouve que le Coran formule l'inspiration comme étant une lecture, se situant à un autre ordre, celle par « ton Seigneur », tel l'illustre le verset, le premier qui fut révélé, « Lis au nom de ton Seigneur », ce qui donne une illustration, celle de la révélation comprenant l'inspiration, et le Prophète comme le premier à y être concerné, et après lui, les héritiers. On peut parler là de transmission qui s'est faite d'abord à travers l'ange Gabriel, pour qu'ensuite se faire à travers le Prophète, et la révélation. Ainsi, on ne peut parler de sainteté en dehors de la prophétie, et d'inspiration en dehors de la révélation, c'est une inspiration totalement ancrée dans la Révélation.

Cheikh al-'Alâwî parle d'inspiration révélée (wahy al-ilhâm), comme une qualité de compréhension par Dieu, pour celui qui en est dépositaire :
 
« c'est parce qu'il comprend ce qui vient de Dieu qu'il accorde à chaque chose l'importance qui lui revient et agit toujours conformément aux exigences du moment. Cette façon d'agir correspond à ce qu'on appelle la “perspicacité” spirituelle (fatâna) : les envoyés en disposent nécessairement (dans leur disposition, ce qui n'est pas le cas pour les autres). Celui qui ne comprend pas par Dieu n'a rien ; j'ai écrit en ce sens :
Celui qui comprend par Dieu vit dans la grâce divine ;
Il va là où Dieu le guide, bien informé et clairvoyant.
Celui qui ne comprend rien aux choses vit dans les tourments,
Ne comprenant pas las sagesse divine qui se cache dans l'utile et le nuisible. »
b
19 novembre 2013 22:55
Merci maitre faqir, tu m'aides beaucoup mon frère, et j'ai bien aimer l'idée de RElecture
La première relecture étant la sounna du prophete psl et moi qui aime et reconnait Ali ra je considere son enseignement le complément de la sounna, Ali sayyidi khazine 3ilm Allah wa 3ilm rassoulih
Je vois mes deux maitres l'un le Grand Pere de Ahl mohammed, le maitre des fils de l'homme, maitre des deux mondes, maitres des deuyx poids, maitre des premiers et des derniers par la grace d'Allah
Celui qui a la station de la wassilat et dont la lumière est comme celle du Soleil qui a éclairé un monde bien sombre
Avec lui, à ses cotés, je vois haydar, abou tourab, le pere de ahl mohammed, l'époux de la respledissante, le trésor apparent de dieu, ya3soub eddine et le porteur de dhoul fikar, le justicier d'Allah et son messager
je le vois telle la pleine lune qui a refleté parfaitement la lumière du habib

et puis Iqtarabat sa3a wa inchaqa et qamar et son sens profond est que
La lumière de Ali s'est divisé en deux, Hassan et Houssein et de eux d'autres lumières à des degrés
et puis je suis de ceux qui attendent, un autre qui refletera pleinement la lumière du habib, j'attend la pleine lune, j'attend el faradj, j'attend houdjat et baqiyyat Allah, j'attend kanz Allah el batine qui sera connu

Nous plaçons confiance en Allah et nous l'aimons de toute notre force et on aime ses Elus, Mohammed, son Ahl et wled Taha



Modifié 1 fois. Dernière modification le 19/11/13 23:27 par balagh.
b
15 décembre 2013 00:27
Citation
sheera a écrit:
Assalam alaikoum

Merci Khoya Faqir pour ces partages qui sont des plus instructifs , j'ai beaucoup appris grace à toi que Dieu t'en récompense

Salam, moi aussi j'ai appris et je remarque toute la sagesse et grande spiritualité des Imams de Ahlou l bayt que ce soit les descendants de Houssein comme zin el abdine sajjad et djafar sadik ou de Hacene comme abdekader djilani, Sibtay Ahl Mohammed pour toute la terre et ceux qui montrent la vraie religion de leurs grand pere Mohammed psl celle qui mene au paradis, au royaume d'en haut
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