Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
FRANCE : L’histoire de Pascal Chimbonda qui s’est enfui de la Corse
s
8 février 2006 15:57
Le défenseur français né à la Guadeloupe s’est retrouvé au Wigan pour échapper aux crachats et aux insultes
de ALESSANDRO GRANDESSO PARIS traduit de l’italien par karl&rosa

On l’appelle "l’île de beauté". Elle risque à présent de se transformer au contraire en île du racisme. Au moins en ce qui concerne le foot, un sport qui souvent interprète et anticipe des tendances et des signaux de la société dans laquelle nous vivons. Nous sommes en train de parler de la Corse qui au fil des ans s’est construite une réputation de territoire off limits pour les Arabes et les Noirs. Le dernier cas remonte à samedi 7 janvier. Stade d’Ajaccio, match comptant pour les trente-deuxièmes de la Coupe de France, la compétition qui chaque année oppose des clubs de première division à des équipes d’amateurs qui rêvent de la finale comme cela arriva à l’Amiens en 2001 ou au Calais en 2000. Le Corte, qui joue en interrégional, accueillait le Rennes. Un match qui aurait dû se dérouler à l’enseigne des rêves de gloire et qui s’est transformé, au contraire, en un cauchemar pour les joueurs noirs de l’équipe accueillie.

"Cela a été humiliant - a raconté ensuite Adailton, centre brésilien - à peine arrivés, nous avons été accueillis par un climat hostile. Après, sur le terrain, quand je touchais le ballon les supporters imitaient le cri des singes et m’insultaient. Cela ne m’était jamais arrivé. Mais ce qui était pire, c’est que les joueurs adversaires en faisaient autant. Nous étions déstabilisés". Le résultat final, un douloureux 2-3, maturé dans les dernières minutes, le prouve aussi. L’arbitre, Damien Ledentu, est scandalisé lui aussi : "à la fin du match nous avons touché le fond, il y a eu des comportements inadmissibles".

Mais l’épisode d’Ajaccio n’est que le dernier d’une longue série. Le sommet a été atteint avec le cas de Pascal Chimbonda, 26 ans, un Français de la Guadeloupe comme Lilian Thuram, titulaire l’année dernière au Bastia, rétrocédé ensuite en deuxième division, aujourd’hui pilier du Wigan, un club révélation de la Premier league.

Un choix stratégique, le sien, pour relancer sa carrière sportive mais surtout une nécessité pour en finir avec un club soutenu par des franges racistes. Le 7 mai 2005, le Bastia accueillit l’Istres (2-0), un match crucial pour s’en sortir. A la 40ème minute de la première mi-temps, avec le résultat sur le 0-0, l’enfer commença. Les supporters locaux se déchaînèrent contre le défenseur de couleur : des crachats, des insultes et des chœurs racistes. Cette fois Chimbonda, qui lors des mois précédents avait été menacé de mort et agressé après un match perdu à Saint Etienne, fut aveuglé par la colère. Il arrêta de jouer et se dirigea vers les vestiaires, en anticipant de quelques mois le geste de Zorro du Messine. Le match fut suspendu pendant quelques minutes. Mais à la fin le joueur, fut convaincu de rester par son co-équipier Christian Karembeu, champion du monde avec la France en 1998.

Mais on ne pouvait pas aller plus loin. Après que sa copine avait été elle aussi contrainte à se transférer à Paris pour ne pas courir de risques inutiles, le défenseur a demandé d’être cédé à la fin de la saison, bien qu’il eût sa place garantie sur le terrain et la meilleure moyenne de notes dans l’équipe, selon les reportages de France Football. Marseille, Saint Etienne, Rennes et Nantes se sont proposés. Chimbonda, au contraire, a préféré la rupture et a signé pour le Wigan.

En Grande-Bretagne il est devenu l’idole des supporters, respecté et aimé. Peut-être parce qu’il a conquis tout de suite la place de titulaire, ou parce qu’il a fait deux goals décisifs (contre le Fulham et le Portsmouth, des rivaux directs), ou encore parce qu’il joue avec les gants, même en été. Le nouveau "Frenchy" vit à la périphérie de Manchester, se déplace sans risquer d’être insulté ou menacé à cause de la couleur de sa peau et, ce qui ne gâte rien, il a triplé son salaire.

Entre-temps, des stars du foot international et la Fifa ont lancé une campagne de sensibilisation pour endiguer le racisme. Mais en France, comme ailleurs, reste encore beaucoup à faire. C’est pourquoi le ministre Nicolas Sarkozy a annoncé de nouvelles mesures, plus sévères, et s’est adressé directement aux présidents : "il vaut mieux avoir des stades vides plutôt que pleins de racistes".

Mais dans les forum online des supporters du Bastia peu ou rien n’a changé. Dans un récent sondage on demandait : quelle est la meilleure place pour Chimbonda? 25% des réponses est allé à l’option "dans un cirque". 33%, "au fond du Melo, avec une pierre au cou". Le Melo est un petit lac à quelques kilomètres de Corte.

[www.ilmanifesto.it]...
siryne
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook