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« Etat juif » ou « Etat de tous ses citoyens » ?
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6 décembre 2005 04:30
« Etat juif » ou « Etat de tous ses citoyens » ?

Le traumatisme persistant des Arabes israéliens

Quand, le 4 août 2005, le déserteur Eden Nathan Zada assassina quatre Arabes israéliens à Shfaram, le premier ministre Ariel Sharon condamna « l’acte vil d’un terroriste juif assoiffé de sang ». Le ministère de la défense rétorqua qu’aux yeux de la loi Zada n’était pas un « terroriste », puisqu’il n’appartenait pas à une organisation « hostile à Israël ». Cette décision, souligna le député Mohamed Barakeh, « dégage un fort parfum de racisme ». Jusque dans la mort, les Palestiniens d’Israël demeurent des citoyens de seconde zone...

Par Joseph Algazy

Journaliste, Tel-Aviv.



Tout au long du mois d’août, les médias du monde entier ont rendu compte de la retenue de l’armée et de la police israéliennes durant l’évacuation des vingt et une colonies de Gaza et de quatre colonies de Cisjordanie. Il n’en était pas allé ainsi il y a cinq ans, lorsque les Palestiniens d’Israël manifestèrent leur solidarité avec leurs frères des territoires occupés tombés à Jérusalem, après la visite du général Ariel Sharon sur l’esplanade des mosquées, le 28 septembre 2000, qui déclencha la seconde Intifada. Cette répression sanglante a laissé de profonds stigmates parmi les citoyens arabes de l’Etat juif.

En quelques jours, au début d’octobre 2000, les unités de choc de la police, les snipers et les participants au pogrom antiarabe de Nazareth durant la nuit de Kippour tuèrent treize Arabes, dont douze citoyens israéliens et un habitant des territoires occupés, et blessèrent plusieurs dizaines de personnes. Le premier ministre Ehoud Barak, son ministre de la police Shlomo Ben-Ami et son ministre de l’intérieur Haïm Ramon, tous trois dirigeants du Parti travailliste au pouvoir et « colombes » supposées, justifièrent légalement la tuerie : l’Etat d’Israël ne pouvait, expliquèrent-ils, tolérer le blocage d’une grande route (1).

Trois ans après les événements, le 1er septembre 2003, une commission gouvernementale présidée par M. Theodore Or, membre de la Cour suprême, publia un rapport de 831 pages sur cette tragédie. Celui-ci réaffirmait le principe selon lequel l’Etat a le droit d’intervenir pour débloquer, s’il le faut par la force, les grandes routes du pays, mais soulignait que le tir à balles réelles et a fortiori l’usage de snipers ne constituent pas un moyen approprié pour disperser des foules.

Le texte allait plus loin : il appelait la police à se libérer de la culture du mensonge et à convaincre ses troupes que la population arabe d’Israël ne devait pas être traitée en ennemie ; il affirmait que les gouvernements successifs n’avaient pas résolu les graves problèmes créés par la politique de discrimination à l’égard de la grande minorité arabe. Et il demandait aux autorités de promouvoir une amélioration de la qualité de vie de celle-ci.

Mais la commission Or n’a mis en cause ni le premier ministre ni son ministre de la police, au grand dam des porte-parole de la population arabe comme des milieux démocratiques juifs (2). Le comble : le rapport n’a même pas été publié en arabe, seconde langue officielle de l’Etat !

Souscrivant en paroles aux avis de la commission, le gouvernement Sharon constitua, le 14 septembre 2003, un comité interministériel, présidé par M. Yossef Lapid, alors ministre de la justice. les représentants arabes boycottèrent toutefois cette instance, car elle comprenait des ministres favorables au « transfert » – c’est-à-dire à l’expulsion des Palestiniens. Le comité Lapid recommanda « la création d’un organisme gouvernemental pour l’avancement des minorités non juives », et préconisa « l’intégration des jeunes du secteur arabe qui ne font pas de service militaire dans le cadre d’un service national gouvernemental civil (3) ».

Les Arabes d’Israël ne furent pas les seuls à critiquer vertement ces propositions : le juge Theodore Or lui-même, à plusieurs reprises, accusa l’Etat de ne pas avoir assez fait pour appliquer les recommandations de sa commission en vue de mettre un terme aux discriminations. Il reprocha de surcroît à la « police des polices » de n’avoir pas établi les responsabilités des dirigeants impliqués dans les tirs meurtriers d’octobre 2000 (4). En outre, le 19 septembre 2005, la « police des polices » a annoncé qu’elle ne disposait pas de « preuves suffisantes pour justifier l’inculpation » de policiers, n’ayant pu « identifier » ceux qui avaient tiré...

La suggestion la plus controversée est l’instauration d’un service civil alternatif pour les jeunes Arabes n’effectuant pas de service militaire. Il faut savoir qu’Israël, depuis sa création, suspecte les Arabes de déloyauté et donc les exclut du service militaire obligatoire, étape fondamentale de la reconnaissance sociale. La plupart d’entre eux refusent d’ailleurs de faire la guerre à leurs frères de l’autre côté de la frontière. Mais ceux qui sont appelés sous les drapeaux n’en subissent pas moins les discriminations visant les Arabes – qu’il s’agisse de Druzes, de jeunes d’origine circassienne, de Bédouins ou d’Arabes chrétiens. La création d’un service civil national n’y changera rien, estiment les porte-parole des Arabes, qui préfèrent un système de « service civil communautaire ou local ». Pas question en tout cas, ajoutent-ils, de rendre l’égalité entre citoyens conditionnelle.

Outre le service national, d’autres questions ont suscité des polémiques, à commencer par l’identité nationale des citoyens arabes. Car l’establishment exige des Arabes une totale « fidélité » à l’égard de l’Etat d’Israël, qu’il définit comme « Etat juif », « Etat des juifs », « Etat juif ou sioniste » ou – conformément au texte de la Loi fondamentale – comme « Etat juif et démocratique ». Autant de formulations qui ignorent l’existence d’une large communauté arabe, minorité représentant près de 20 % de la population d’Israël, qu’on réduit ainsi au statut de « minorité non juive ».Pour les citoyens arabes et leurs représentants, Israël doit être un « Etat de tous ses citoyens » ou « de toutes ses nations », définitions qu’exclut catégoriquement l’establishment. L’argument selon lequel la situation est similaire dans les pays arabes paraît étrange : il compare un Etat qui se veut démocratique à des Etats autoritaires.

S’il faut en croire les enquêtes sociologiques les plus récentes, pour 63,1 % des intéressés, la définition de leur identité comme « Arabes palestiniens en Israël » paraît la plus appropriée. Et ils sont plus nombreux encore à prôner la formation d’un Etat palestinien indépendant et la transformation d’Israël en un Etat binational dans lequel ils bénéficieraient d’un statut égal à celui des citoyens juifs. Mais ce positionnement suscite aussi des réserves. Nombre de jeunes Arabes de 25 ans rechignent à se présenter comme « Palestiniens israéliens » depuis la seconde Intifada. Il en allait de même de la génération de leurs parents, qui invoquaient, eux, la « journée de la terre » – ce 30 mars 1976 où l’armée israélienne tua six manifestants pacifiques. Quant à leurs grands-parents, ils citaient la Nakba (la « catastrophe ») et l’expulsion de 1948.

Jeune journaliste, Mona Abu Bakr « refuse d’accepter l’Etat sioniste pour une seule raison : son déni total de l’existence de la personne arabe palestinienne dans ce pays. (...) Comment entériner un principe qui nie mon existence comme personne enracinée dans une culture élaborée au long des siècles dans cette patrie qui est la mienne, la Palestine ? (...) Mon identité, je la définis en me réveillant et en écoutant les nouvelles sur [la radio d’Etat] Kol Israël ; en marchant dans la rue et en écoutant les gens autour de moi ; en montant dans le train pour me rendre à mon travail et en m’asseyant entre des soldats armés de fusils comme s’ils étaient des gens ordinaires ; en entendant des appels à la haine contre les miens ; en voyant qu’on exige plus d’efforts de moi que d’une juive pour être acceptée à l’université. (...) Je n’irai pas vivre dans l’Etat palestinien lorsqu’il sera créé, mais cela ne veut pas dire que je renonce à la Palestine : elle est vivante dans notre cœur et nous accompagne où nous allons (5) ».

Un autre thème suscite de fortes polémiques : la revendication d’une « autonomie culturelle arabe ». L’Etat et la majorité des juifs rejettent totalement ce qu’ils considèrent comme un préalable à l’exigence d’une « autonomie politique » alimentant des sentiments séparatistes, voire irrédentistes. Professeur à l’université de Haïfa et grand connaisseur depuis des années des opinions juive et arabe, le sociologue (juif) Sami Samouha pense, lui, que « les avantages de l’autonomie culturelle arabe sont beaucoup plus grands que ses désavantages ». Pourquoi ? « Parce que l’autonomie culturelle représente un pas important vers le multiculturalisme. Et ce dernier n’aurait aucun sens si les minorités qui refusent de s’assimiler ne jouissaient pas d’une autonomie culturelle. Si elle bénéficie des budgets adéquats, celle-ci renforcera les Arabes, améliorera leur image, reconnaîtra la valeur qualitative de leur culture et de leurs symboles nationaux, et leur permettra d’étudier l’histoire, la littérature et la culture palestiniennes. »

Professeur à l’université de Tel-Aviv, le psychologue Shafiq Masalhah nuance le propos. Insistant sur l’essence pluriculturelle de la société israélienne, il s’inquiète des sentiments de frustration et d’exaspération des citoyens arabes face à un Etat – et notamment à une éducation nationale – qui gomme systématiquement l’appartenance de la jeunesse arabe à sa culture spécifique. « L’existence de plusieurs cultures dans une société, ajoute-t-il, n’est pas une malédiction, mais une bénédiction. » Ce sera le cas en Israël aussi si cet Etat « abandonne la conception d’hégémonie culturelle actuellement dominante au profit d’une conception qui reconnaisse l’identité particulière de chaque culture et privilégie l’ouverture et l’interaction entre toutes ». Et, s’adressant à ses compatriotes, il les met en garde : « L’autonomie d’une culture, dans une société qui en compte plusieurs, est susceptible de devenir un aller sans retour vers son exclusion totale, et vers la rupture de ses liens avec les autres cultures, même si ces liens sont fragiles. Or toute séparation entre les cultures (...) mènera automatiquement à un renforcement de l’attitude chauvine à l’égard de la culture bénéficiant de l’autonomie. »

Reste que les événements d’octobre 2000 ont miné en profondeur la confiance des citoyens arabes envers l’Etat hébreu. Et envers les médias en hébreu : selon un récent sondage réalisé par le centre arabe d’information Elam, la plupart des Arabes israéliens croient davantage aux nouvelles des médias arabes qu’à celles des médias israéliens. Ainsi 64,4 % se fient à la chaîne de télévision Al-Jazira, contre 4,3 % à la deuxième chaîne israélienne ; et 56,9 % ont a priori confiance dans un journaliste arabe, contre 5,5 % dans un journaliste juif. Responsable de cette enquête, Amal Jammal, de l’université de Tel-Aviv, commente : « Pour satisfaire ses besoins d’identité, le public arabe en Israël regarde les chaînes arabes, mais il se sert des médias en hébreu pour ses besoins d’information au quotidien. »

Le mal-être des Arabes d’Israël s’explique : ils continuent de subir, dans tous les domaines, les discriminations qui les frappent depuis la création de l’Etat (voir l’encadré ci-dessous). La pire concerne l’accès au marché du travail : les villes et les villages arabes sont les plus touchés par le chômage, qui frappe en particulier les jeunes – l’âge moyen des Palestiniens d’Israël est de 19 ans. Officiellement, pour 13,3 % la population active arabe chôme, contre 10,4 % des actifs juifs, mais ces pourcentages ne correspondent qu’au nombre des inscrits dans les bureaux de travail (6). Or le gouvernement contraint les chômeurs à accepter l’emploi qui leur est proposé : quiconque refuse est rayé des statistiques et privé d’allocation-chômage.

Comme dans bien des pays occidentaux, l’aide sociale est réduite, sous prétexte de pousser les « exclus » à redevenir « productifs » – une orientation dont le résultat, déclarait récemment le directeur de l’Institut national d’assurance, M. Igal Ben-Shalom, « est non pas “moins d’allocations et plus de travail”, mais “moins d’allocations et plus de misère” (7) ». De fait, le pourcentage des actifs parmi les pauvres est passé de 33,5 % en 1990 à 43,1 % en 2003, et celui des pauvres parmi les actifs de 13,6 % en 1990 à 20,3 % en 2003 (8).

Ici, le workfare s’appelle « plan Wisconsin » – du nom de l’Etat américain qui l’expérimenta le premier. La grande ville palestinienne de Nazareth, sa voisine à majorité juive Nazareth Ilit et leurs 4 500 chômeurs servent, depuis août, de cobayes, sous l’égide de deux compagnies, l’une israélienne et l’autre hollandaise. Dans une brochure publiée récemment, l’association Saout al-Amal (La voix du travail) dénonce « une déclaration de guerre, non contre le chômage mais contre les chômeurs, avec pour but de les priver d’allocations sociales ». Si bien que, le 27 juillet dernier, des chômeurs indignés ont saccagé les bureaux des compagnies chargées de « Wisconsin » à Nazareth. Et, le 24 août, ils furent à nouveau des centaines à manifester contre le plan...

Dans les villes mixtes aussi, les Palestiniens n’échappent pas aux discriminations. Lod, par exemple, compte 21 000 habitants arabes (28 %) et 53 000 habitants juifs (72 %). Les premiers se concentrent au nord et à l’ouest, les seconds au sud et à l’est : une simple visite suffit à mesurer la différence de traitement des quartiers. Ainsi, explique une militante locale, Mme Boutayna Dabit, 60 % des 2 930 familles arabes de Lod vivent dans des logements insalubres – elle estime à 1 600 le nombre de logements neufs qu’il faudrait construire immédiatement. Mais on ne voit pas une grue. En revanche, les autorités continuent à détruire des habitations construites – sans permis – pour faire face à la pénurie de logements.

Les 8 000 habitants arabes du centre d’Acre ne sont pas mieux lotis. Joyau architectural unique, le vieux quartier – avec ses vestiges cananéens, phéniciens, byzantins, croisés, islamiques et ottomans – attire des milliers de touristes. Mais ils ne voient pas la désolation qui règne derrière les façades. Membre du conseil municipal, M. Ahmed Ouda s’indigne : « Les autorités ne s’intéressent qu’aux pierres et négligent les enfants, les femmes et les hommes qui vivent ici. La plupart des maisons ont plus de deux cents ans, mais elles n’ont pas été entretenues et menacent de s’effondrer sur leurs habitants – il a même fallu en sceller plusieurs. Or la plupart des familles sont très pauvres et y vivent à six ou sept personnes par chambre. La misère et l’abandon ont fait de la vieille ville un haut lieu de drogue, de prostitution, de délinquance et de criminalité. »

Il faut aller dans le Néguev, le désert qui s’étend dans le sud d’Israël, pour rencontrer les véritables parias du pays : les Bédouins. A la veille de la création de l’Etat, en 1948, il étaient 60 000, dont seuls 11 000 échappèrent à l’expulsion. Malgré une mortalité record de 14,6 pour 1 000 (trois fois plus que chez les juifs), leur nombre a été multiplié par quatorze : on l’estime actuellement entre 140 000 et 165 000. La ville bédouine de Rahat, par exemple, compte 60 % de moins de 17 ans – et 1,5 % seulement de plus de 65 ans. La polygamie contribue aussi à cette démographie : un Bédouin sur cinq serait marié à deux femmes...

L’Etat d’Israël a rassemblé – le plus souvent de force – les deux tiers des Bédouins du Néguev dans sept agglomérations qui ressemblent à des réserves. Les autres vivent dans quarante-cinq villages non reconnus : les cartes ne les signalent pas ; ils sont exclus du bénéfice de nombreux services publics ; leurs habitants n’ont pas le droit de construire, et les habitations, même les plus précaires, peuvent être détruites manu militari. Plus généralement, l’Etat ne reconnaît pas leur droit de propriété sur les terres et, en conséquence, détruit souvent les cultures, y compris avec des avions qui épandent des produits toxiques.

Les agglomérations bédouines arrivent en tête des statistiques sur le chômage et en queue de celles sur le niveau de vie. Ainsi le revenu mensuel minimum par tête dans l’agglomération juive d’Omer est dix fois plus élevé que dans sa voisine bédouine d’Arara (7 627 shekels, contre 730). Il faut dire que trois fois plus d’habitants de la première que de la seconde touchent une allocation- chômage (9) – et pourtant bien plus de Bédouins n’ont pas d’emploi...

Paradoxalement, l’annonce du retrait israélien de Gaza a suscité des craintes dans la population arabe : c’est que celui-ci s’accompagnait de l’idée de réimplanter une partie des colons en Galilée et dans le Néguev. En avril 2005, l’Etat et l’Agence juive organisèrent une conférence d’étude intitulée « Le développement du nord du pays et de la Galilée », à laquelle furent invités plusieurs ministres, des hauts fonctionnaires des autorités centrales et locales, et... un seul représentant de la population arabe. Pour l’ancien maire de la commune arabe d’Eilaboun, M. Hana Sweid, il s’agit de relancer le projet de « judaïsation » de la Galilée, autrement dit d’inverser la réalité démographique de cette région dont 51 % de la population est arabe, mais où celle-ci ne contrôle que 12 % des terres.

Victimes de discriminations, les Arabes le sont même en matière de droit familial (10). Fin juillet, à l’instigation du Shabak, le service de sécurité intérieure, le parlement a ratifié à une large majorité – ministres et députés travaillistes compris – une loi restreignant rigoureusement le regroupement familial entre Palestiniens d’Israël et des territoires occupés. Désormais, seuls des hommes de plus de 35 ans et des femmes de plus de 25 ans pourront demander la citoyenneté israélienne au ministère de l’intérieur (11). Cette mesure s’applique aussi à d’anciens couples, car, depuis mars 2003, les autorités ont gelé toutes les requêtes lorsqu’un des demandeurs n’est pas israélien (12)...

Les organisations de défense des droits humains ont critiqué d’autant plus vivement cette loi qu’elle a fait l’objet d’une campagne de presse antiarabe d’une rare violence. A en croire les porte-parole du gouvernement et des médias, les mariages entre Palestiniens d’Israël et des territoires occupés constitueraient une menace démographique et donc un danger potentiel pour la sécurité de l’Etat juif. Et des ministres, dont le ministre de l’intérieur travailliste Ophir Pines, ont fait entendre leur voix dans ce concert. De quoi alimenter, s’il en était besoin, le climat chauvin et raciste répandu dans de larges secteurs de la société juive, lequel nourrit en retour des sentiments antijuifs parmi les citoyens arabes. Même le football en pâtit : dans les stades des villes juives, lorsque deux équipes, l’une juive et l’autre arabe, s’affrontent, on entend souvent la formule « Mort aux Arabes ! » – dans l’impunité la plus totale.

C’est dire que l’attentat terroriste du 4 août, à Shfaram, n’avait rien d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. Sympathisant du parti raciste Kach, interdit mais pas démantelé, le déserteur en uniforme Eden Nathan Zada qui a ouvert le feu dans un autobus et tué quatre passagers peut-il être simplement qualifié de « fou » ? Non, répond M. Elias Jabour, ancien membre du conseil municipal de cette ville de Galilée où cohabitent des Arabes de diverses confessions (musulmans, chrétiens et druzes) : « Nous espérons que l’affaire ne sera pas enterrée sous prétexte que l’assassin serait dérangé. Si ce prétexte était utilisé, nous penserions que l’on veut minimiser ce crime horrible et nous cacher quelque chose. Or cet attentat pose beaucoup de questions, et nous exigeons de savoir toute la vérité. Selon moi, Shfaram a été victime du racisme qui sévit dans le pays. Et l’assassin a fait ses classes dans l’armée d’occupation, qui organise quotidiennement de terribles représailles dans les territoires occupés. C’est à cette situation qu’il faut mettre fin pour que de tels crimes ne se reproduisent plus. » Autrement dit, résume le journaliste Rafiq Halabi, cet attentat a anéanti « le calme de cette ville de Shfaram, considérée jusque-là comme un symbole de modération, fait sortir des milliers de gens dans les rues et resserré le lien entre la Galilée et Gaza ».

(1) « Mon Etat tue mon peuple », Le Monde diplomatique, novembre 2000.

(2) Voir notamment la réaction du Centre légal pour la défense des droits de la minorité arabe (Adalah), le 4 septembre 2003.

(3) Communiqué de presse du ministère de la justice, 2 juin 2004.

(4) Voir notamment le quotidien Haaretz, Tel-Aviv, le 2 septembre 2004 et le 22 juin 2005.

(5) Périodique intitulé Du-et en hébreu et Lahn mouzdawag en arabe, organe bilingue du Forum de débat des citoyens juifs et arabes en Israël, Jérusalem, juillet 2005. Les deux citations suivantes sont également extraites de ce numéro.

(6) Haaretz, 3 mars 2005.

(7) Haaretz, 9 août 2005. Lire aussi Anne Daguerre, Emplois forcés pour les bénéficiaires de l’aide sociale, Le Monde diplomatique, juin 2005.

(8) The Marker, supplément économique de Haaretz, 6 juillet 2005.

(9) Itsik Saporta, « Agglomérations dans le Néguev, quelques comparaisons », 8 février 2004, Haokets.org (en hébreu).

(10) Lire Meron Rapoport, « Les libertés menacées des citoyens d’Israël », Le Monde diplomatique, février 2004.

(11) Yediot Aharonot, Tel-Aviv, 28 juillet 2005.

(12) Haaretz, 27 juillet 2005.



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