Quelque parts en Afrique du Nord, en un lieu incertain, lors d’un improbable mercredi 19 octobre...
Le seul objet ornant cette pièce lugubre est une horloge de fabrication chinoise. Et dans les instants de silence, les mouvements d’aiguilles métalliques de celle-ci, raisonnent aussi puissamment que la sentence d’un forgeron, à l’enclume.
Et pour l'instant l'enclume c'est ma tête, elle est lourde, j’ai le regard hagard et troublé. Je découvre mon père inconscient, allongé à même le sol, comme une vulgaire marchandise sans âme.
M’approchant du corps, je le palpe, je vérifie son pouls, et soulagé par ses mouvements thoraciques, je lui lance :
-Papa, Papaaaaaaaaaaaaaaa. Réveille-toi !- Réveille-toi Papa ! Réveille-toi ! Je te dis. Réagis. Nous n’avons plus beaucoup de temps.
Mon père gémit : -“Arghhhhhh…………Aieeeeeeeeeeeeeeeee….. J’ai mal, j’ai mal… J’ai mal partout. Mes Os sont brisés et criards de douleur, ma chair me supplie sous les brulures des plaies. Ou sommes-nous ? C’est qui ? C’est quoi ? C’est toi Tassim ? Pourquoi es-tu seul avec moi ? Où sont tes frères et sœurs ?”
Je ne savais que lui répondre, il était encore sous le coup, confus et étourdi, je tente un approximatif : -“Papa, tu ne te souviens de rien ?”
Essayant de se relever du sol glacial, il me rétorque un peu contrarié : -“Mais se souvenir de quoi ? Et où sommes-nous ? Et c’est quoi d'abord tout ce sang ?”
Mon père venait de découvrir son état amoché, il fallait que je lui apporte des réponses : -“Papa, nous avons été fait prisonniers et tu as été blessé”
Auscultant toutes ses blessures et observant cette grande pièce blanche, il me lança incrédule : -“Prisonnier ?? Mais, C’est impossible ! Je suis le Seigneur du Désert, j’ai les plus puissantes alliances du continent et j’ai toujours choyé mon peuple.”
Alors me relevant de ma place, je lui racontai le récit de la veille: -“ Pendant que notre caravane traversé une zone à risque, nous avons été attaqués et pris en étau. Durant l’assaut, une partie importante de la troupe a été tuée, je me battais à tes cotés jusqu’a que je perde connaissance. Quand j’ai rouvert les yeux, nous étions déjà enfermés ici et tu étais inconscient à mes cotés. »
Me dirigeant vers la seule porte de cette pièce, je poursuivis : -“Papa, nous avons été dénoncés ! Nos alliés nous ont trahis. Les geôliers gardant cette pièce sont environ vingt et armés. Ils sont d’origine arabe et parlent notre dialecte, ils sont donc issus de nos tribus. Mais des étrangers latins, les ont rejoints depuis peu et ont pactisé ensemble afin de nous assassiner.”
Je fixe l’heure et m’approchant de mon père, je lui chuchote à l’oreille : -“Ils attendent l’ordre pour nous tuer. Nos ennemis ne veulent pas d’exécution publique, et préfèrent que « le travail » comme ils disent soit fait par un des nôtres."
Ils excitent les esprits et offrent 100 kilos d’or de rançon à quiconque accepterait cette besogne.
Depuis, nos geôliers se disputent tel des chiens affamés, mais redoutent également la vendetta sur leur famille. Voilà ce qu’ils ont convenu sur notre sort: notre assassin sera issu de la tribu “BENI CAIN”, et devra quitter le pays aussitôt son acte commis. Toutes les tribus se partageront la rançon, pour adosser collectivement la responsabilité de notre mort et dissuader toute tentative de vengeance. »
Plongé dans une profonde et amère réflexion, mon père rompu son recueillement : ‘Nos amis et alliés se sont retournés contre nous. Il n’y a pas d’amitié entre les nations, il n’y a que des intérêts communs. Nos frères arabes ont agis comme dans le récit du patriarche JACOB et son fils JOSEPH, Ils ont complotés et nous ont abandonnés à des griffes étrangères, dans un puits de violence, au milieu d’un désert de détresse. Notre destin est scellé. Un vieux chef tribal que j’avais pris pour un fou, m’avait tenu un jour un discours. Ses mots acides raisonnent aujourd’hui comme un obus dans mon esprit :
‘Ô toi l’Arabe, l’Orgueilleux, ô toi le jeune soldat, méfie toi de ta gloire soudaine. Les peuples Arabes sont comme les crabes des Océans : nombreux, variés et craints ; ils se déplacent par masse et restent très proches les uns des autres. Mais à chaque fois que l’un d’entre eux tente de s’élever, il en trouve toujours un pour l’agripper et le faire redescendre à terre.’
Mon fils, lorsque je pris ce pays sous mon règne, ce n’était qu’un vaste désert servant de jardin d’agrément aux Armées Romaines, notre peuple était opprimé et ses ressources détournées. J’ai combattu le vassal en place, mené la révolution, et offert la liberté à mon peuple, pour que nos richesses nous reviennent en premier lieu. J’ai fait de ce désert une Oasis de paix et de modernité, source à la fois de convoitise et d’admiration. Mon peuple disposé tout ce dont il avait besoin, sans jamais avoir, ni a travailler, ni a voler, ni a faire la guerre. Et pourtant aujourd’hui, c’est par sa main ingrate que je mourrais.’
« BAM BAM BAM »
Nos regards intrigués se dirigent vers la porte. Un mouvement important se remarque sous l’entrée. Une agitation incessante, quelques choses se passe. Une voiture s’était garée devant, des claquements de portières, puis plus rien. Quelques chuchotements perceptibles, puis à nouveau plus rien. Pourtant il se trame quelque chose, ils sont là, debout, silencieux, juste derrière porte.
Surement nos assassins, me disais-je.
Une clef s’enfonça d'un geste précis dans le barillet de la porte, un tour de clef, puis un deuxième,puis rien. La serrure est déverrouillée à présent, n’importe qui peut entrer à cet instant, un silence pesant et intenable accompagne l’inactivité de la porte durant les minutes qui suivirent.
La poignée s’abaissa, la porte s’ouvrit, la lumière blanche du soleil pénétra en même temps que ceux qui allaient surement devenir nos bourreaux……
Le 20 octobre 2011 ‘Mouamar KHADAFI et son fils MOUATASSIM sont morts’
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