La démocratie est essentielle à la protection des droits de l'homme
(La politique des Etats-Unis en matière de droits de l'homme) (1920)
La promotion des droits de l'homme joue un rôle central dans la politique étrangère des Etats-Unis et le respect de ces droits est essentiel à la sécurité internationale et à celle des Etats-Unis, a dit le 2 décembre, le secrétaire d'Etat adjoint chargé des questions liées à la démocratie, aux droits de l'homme et au travail, M. Michael Kozak, à l'occasion d'une interview accordée à Carrie Lee, du "Washington File", dans le cadre de la Journée des droits de l'homme, qui est célébrée le 10 décembre.
M. Kozak a évoqué les initiatives mises en oeuvre par les Etats-Unis afin de promouvoir la démocratie et les droits de l'homme dans une centaine de pays, mettant l'accent sur l'importance de développer des institutions démocratiques afin de protéger les droits de l'homme, car par le truchement de celles-ci, les gens "peuvent agir pour corriger ce qui va mal dans leur pays sans avoir besoin d'un appui extérieur".
Il a parlé des progrès qui ont été réalisés au cours de l'année passée dans le domaine de la protection des droits de l'homme et des défis qui demeurent. Il a loué en particulier les efforts de tous les défenseurs des droits de l'homme dont le travail "fait la différence au bout du compte".
On trouvera ci-après la transcription de l'interview de M. Kozak.
2 décembre 2004
Interview de M. Michael Kozak, secrétaire d'Etat adjoint, au sujet du rôle que jouent les droits de l'homme dans la politique étrangère des Etats-Unis
Question - Quel est le rôle des droits de l'homme dans la politique étrangère des Etats-Unis ?
M. Kozak - Les droits de l'homme ont toujours eu leur place dans la politique étrangère des Etats-Unis, mais celle-ci est devenue plus centrale. Pour la première fois de l'histoire de notre pays, la promotion de la démocratie et des droits de l'homme est un élément central de notre stratégie nationale en matière de sécurité.
C'est une équation très claire : la menace qui pèse sur les Etats-Unis provient maintenant d'Etats faibles qui oppriment leur population. Ce genre d'oppression génère la pauvreté, la frustration et le terrorisme.
L'un des moyens classiques de limiter les menaces mondiales qui pèsent sur les Etats-Unis et leurs alliés, c'est de promouvoir le développement démocratique dans les pays de façon à donner aux gens le moyen de changer leur propre situation et de ne pas ressentir tant de frustration qu'ils se tournent vers la violence. Les droits de l'homme ont donc une place très importante dans notre politique étrangère.
Question - Quelles sont les stratégies générales et la politique particulière que les Etats-Unis ont suivies pour encourager les droits de l'homme et la démocratie dans le monde ?
M. Kozak - En premier lieu, tout ce que nous faisons c'est au vu et au su de tout le monde. Mais, si nous pouvons nous trouver aux côtés des gens qui se battent pour la démocratie dans leur propre pays, nous ne pouvons nous battre à leur place. Ce sont leurs efforts qui feront la différence au bout du compte.
Que faisons-nous donc pour appuyer ces efforts ? L'une des percées a été la création de la Fondation nationale pour la démocratie, dans les années 1980, qui accorde des dons d'un faible montant pour appuyer les organismes de la société civile à travers le monde.
Nous avons aussi l'Institut national démocratique et l'Institut national républicain, des organes qui travaillent de concert pour promouvoir le processus démocratique. Ils n'ont pas pour mandat de promouvoir un parti en particulier ou une forme de pensée particulière, mais de former et d'aider les gens qui, dans d'autres pays, veulent participer à la politique démocratique, et de leur apprendre les mécanismes pour y parvenir.
Nous avons aussi un Centre de solidarité qui travaille avec les ouvriers du monde entier à promouvoir des projets visant à appuyer et à renforcer les syndicats ouvriers indépendants qui peuvent défendre de façon efficace les droits des travailleurs.
Nous travaillons avec des associations de jeunes et de femmes. Un autre élément important est l'appui aux médias indépendants, car un élément clé de la démocratie est de donner aux gens accès à l'information. Nous appuyons un vaste éventail d'activités afin d'aider à élaborer les mécanismes des institutions qui fonctionnent dans une société démocratique.
Nous publions, chaque année, un rapport à l'intention du Congrès des Etats-Unis. On peut le trouver (en anglais) sur notre site internet ou l'obtenir par le biais de la section des affaires publiques dans nos ambassades. Il fait le point de la situation dans les quelque cent pays où nous oeuvrons à la promotion de la démocratie et explique précisément ce que nous faisons dans chacun.
Question - Malgré les initiatives que vous avez mentionnées, certains critiques disent qu'étant donné que les Etats-Unis ont leurs propres problèmes en matière de droits de l'homme, ils ne devraient pas prôner une réforme dans ce domaine dans d'autres pays. Que leur diriez-vous ?
M. Kozak - Notre pays a aussi ses problèmes de droits de l'homme, et il est impossible de trouver un pays qui n'en a pas. Ce n'est pas le fait qu'un pays ait ou non des problèmes dans ce domaine qui importe, c'est ce qu'il fait pour y remédier.
Nous venons d'avoir un grave problème avec les abus qui se sont produits à la prison d'Abu Ghraib, une situation qui entache notre honneur. Mais qu'est-ce qui est arrivé ?
Les personnes qui en sont responsables ou dont la responsabilité partielle a été établie ont été présentées à la justice. Le ministre de la défense et le chef d'état-major interarmées ont dû répondre aux questions des parlementaires et ont publiquement été interrogés par les chaînes de télévision à propos de la situation. Le presse libre s'en est préoccupée. Nos tribunaux sont en train de réagir.
C'est cela que l'on veut voir, à savoir que toutes les institutions de la démocratie prennent les devants pour prendre des mesures correctives lorsque des violations des droits de l'homme sont mises à jour. Mais, ce n'est pas parce que nous avons nos propres problèmes de droits de l'homme que nous ne devons plus nous préoccuper de la question.
Question - Si vous faites le point de ce qui s'est passé au cours des douze derniers mois, quels progrès avez-vous constatés en matière de protection des droits de l'homme ? Quels sont les défis, à votre avis, qu'il reste à surmonter ?
M. Kozak - Eh bien, je dirais que la bonne nouvelle, c'est qu'il y a eu par exemple une élection libre et équitable en Afghanistan. Il n'y a pas si longtemps que cela, ce pays était sous la férule d'une terrible dictature, et on ne permettait aux femmes aucun rôle dans la vie publique. Aujourd'hui, les femmes constituent 40 % des personnes inscrites sur les listes électorales.
C'est surtout le fait qu'il y ait eu une campagne électorale ouverte. Les gens ont pu faire leur choix et ont accepté la validité de l'élection.
Bientôt, auront lieu en Irak des élections qui, malgré l'opposition de gens qui essayent de bloquer l'organisation d'élections équitables, seront probablement la meilleure chose que l'Irak n'ait jamais connue de son histoire.
Il nous faut aussi penser aux endroits où les militaires ne sont pas intervenus, où les gens ont pu procéder à des changements par leurs propres moyens. La Géorgie est un bon exemple d'un pays où on s'était véritablement efforcé de voler l'élection ; mais la population a pu faire valoir son mécontentement et dire qu'il fallait respecter sa volonté. C'est le même phénomène en Ukraine.
Pour moi, c'est encore plus positif lorsque l'on voit des gens défendre leurs propres droits en tant qu'électeurs que lorsque quelque chose se passe à la suite d'un conflit militaire. Tout cela est, à mon sens, extrêmement positif.
Pour ce qui est des défis, il y a encore bien trop de gouvernements dans le monde qui privent leurs propres ressortissants de leurs droits. Un exemple particulièrement notable est le Soudan et ce qui se passe au Darfour. Le Conseil de sécurité s'efforce de trouver une solution. Les Etats-Unis et leurs alliés européens y travaillent. L'Union africaine y travaille, essaye de voir ce qu'elle peut faire.
Cependant, il y a bien trop de pays - une centaine environ - qui ont de très graves problèmes.
Mais nous essayons d'intervenir, à court terme, si des personnes ont été mises en prison illégalement en Chine ou à Cuba, par exemple ; nous essayons alors de faire jouer nos moyens de pression et la diplomatie pour obtenir leur libération.
La solution à plus long terme à ces problèmes, c'est la promotion de la démocratie. Si un pays a un gouvernement qui doit répondre de ses actions auprès de son peuple par le truchement d'élections régulières, un appareil judiciaire indépendant, une branche législative indépendante et une presse libre qui peut critiquer, les gens peuvent agir pour corriger ce qui va mal dans leur pays sans avoir besoin d'un appui extérieur, tout comme nous prenons des mesures correctives en ce qui concerne les abus qui se sont produits dans notre système.
Le combat est long et difficile, mais j'ai le sentiment que beaucoup de progrès sont faits.
Question - L'une des raisons qui sous-tend la célébration de la Journée des droits de l'homme est de rendre hommage aux défenseurs des droits de l'homme du monde entier. Que diriez-vous à ceux qui se battent pour améliorer des régimes non démocratiques ?
M. Kozak - D'être persistants, de continuer la lutte et de regarder ce qui s'est passé dans d'autres pays. L'une des forces des dictateurs, c'est leur capacité d'isoler leur propre peuple du reste du monde. Parfois, dans un pays où il y a un sérieux déficit en matière de démocratie et des problèmes au plan des droits de l'homme, les défenseurs des droits de l'homme et les chefs de file politiques en faveur de la démocratie vous disent qu'on ne peut pas vraiment comprendre la situation à laquelle ils sont confrontés qui est, selon eux, unique, et que les modèles qui auraient réussi ailleurs sont voués à l'échec là où ils sont.
Mais ils disent tous exactement la même chose. En réalité, leur situation n'est pas unique. Ce qu'il faut faire, c'est simplement les mettre en contact les uns avec les autres. Le message que nous voulons leur transmettre, c'est qu'ils ne sont pas seuls, qu'il y a beaucoup de gens qui les soutiennent eux et leur cause et qui peuvent les aider.
Je leur dirais : regardez votre voisin. Il y a quinze ans, il se trouvait exactement dans la même situation que vous, mais aujourd'hui il est membre à part entière de la communauté internationale, du vrai monde démocratique. Je leur parlerais aussi de ce qu'ils ont fait, des actions qui ont été couronnées de succès et de celles qui ont échoué.
C'est une cause qui demande beaucoup de persistance. C'est un processus en évolution. C'est donc un travail difficile, mais à la hauteur des braves défenseurs des droits de l'homme. Si personne ne montre la voie, aucun changement ne se produira, peu importe qu'on les souhaite vivement ou qu'une aide extérieure soit apportée. Il faut que cela vienne du coeur même du pays, et c'est ce à quoi nous rendons hommage à l'occasion de la Journée des droits de l'homme, à ceux qui se vouent à la cause des droits de l'homme.