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Chroniques. La paysanne, la bimbo et la résistante
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22 mars 2005 20:50
I- Le destin de Tamou
Elles vivent dans un bled perdu, à l’ombre d’un mâle trompeur.

Tamou vit dans un petit douar à cinq kilomètres de Khouribtrou. Ses journées sont rythmées par les mille et une tâches ménagères dont elle a été chargée depuis qu’elle sait marcher. Elle va chercher de l’eau dans un seau trois fois trop lourd pour elle et ramasse du bois qu’elle porte sur son dos frêle. En guise de grande sortie, Tamou se rend au Moussem écouter les balivernes de Touda la chouwaffa qui lui prédit un mariage de folie avec le très prisé et non moins édenté Mouhemmad ouled l’guezzar.
Ce que ne sait pas Tamou, contrairement à tous les habitants de son douar, c’est qu’elle sera offerte à ce fameux Mouhemmad le jour de ses treize ans.
Tout comme elle n’a pas eu d’enfance, Tamou n’aura pas d’adolescence, mariée à treize ans elle sera mère à quatorze puis quinze puis seize…
Occupée à broder son drap de mariée immaculé sur fond de Khouwda et de Hajja Hlima , elle pense à sa vie future. Elle serait l’épouse respectable mais pas respectée, de son cher et pas tendre fils de boucher, qui d’elle ne ferait qu’une bouchée.
Il se fendrait d’un louis d’or, égorgerait trois poulets, deux moutons et finirait par la rouer de coups de bâton. Il lui ferait huit ou neuf portées, elle lui ferait la cuisine, le ménage, et autres menues corvées. Il la gratifierait de la dernière née des lessives du marché, elle lui laverait les mains et les pieds. Mouhemmad et Tamou reproduiraient le même schéma que celui de leurs parents pour l’éducation de leurs enfants : pas de tendresse, pas de gentillesse, nulle communication, des remontrances, de la distance et des coups, encore des coups.
Tamou essuierait coups durs et autres blessures et finirait par le maudire sans mot dire, tandis que Mouhemmad rêverait de litres de rouigea et de Aouicha la chikha.
Tamou elle, rêverait d’une sertla ou mieux, d’une mdemma. Mais Tamou n’a pas le droit de rêver, on ne lui a pas appris à rêver. Elle n’est qu’une femme, être infâme, presque sans âme.
Allons Tamou, cesse donc de baisser l’échine, il est toujours temps d’apprendre, apprendre à dire "Je refuse, Mouhemmad tu abuses", apprendre à dire "Oho" et opposer ton veto.
Dis-lui à ton fils de boucher que tu n’es pas née pour le servir et combler ses moindres désirs, en étant traitée comme une… mais comme quoi d’ailleurs, personne ne devrait être traité comme sont traitées bon nombre de Tamou, Hadhoum et autres Keltoum.
Tamou ne dira rien, Tamou ne m’entend pas, elle ne peut pas me lire. Elle ne sait pas ce qu’est un veto et serait outrée par mes propos. Elle a accepté l’inacceptable sans le savoir, sans le vouloir et continuera à accepter.
Mouhemmad finirait ainsi par prendre Aouicha la chikha pour seconde épouse. Aouicha, qui, une fois mariée, se transformerait en Aicha Kandicha et troquerait son habit de chikha contre celui de mouchaaouida . Et c’est à coups de sortilèges et autres fadaises qu’elle viendrait à bout du redoutable ouled el guezzar. Elle ne lui ferait ni la cuisine, ni le ménage ni autres menues corvées et c’est, ironie du sort, elle qui régulièrement le rosserait.


II- Des femmes code barres
Elles se font belles et laissent leur corps parler.

Regards aguicheurs, presque violeurs ; cheveux blonds safran, yeux violets ou verts décolorés ; visages peinturlurés défigurés ; strings pointant le bout de leurs ficelles bien au delà de vos pantalons moulants, taille basse, très basse, trop basse, qui donnent l’impression qu’ils vont "craquer" au moindre de vos mouvements de reins que l’on jurerait étudiés au métronome.
Tout en vous regorge de lubricité, d’images phalliques. Vos regards, vos sourires, votre démarche, vos idées.
Vous avez décidé, contraintes et forcées dites vous, que l’espoir ne fait pas vivre, qu’argent et apparences sont vos seuls alliés contre le triste sort qui vous a fait naître femmes au pays du soleil couchant . Vos cœurs ne semblent plus être que des organes superflus dont les battements ne servent qu’à rythmer le compte des deniers glanés au mépris de vos corps, de vos êtres, que vous monnayez ou troquez contre apparences et trompe l’âme.
Mêmes tenues, mêmes comportements, mêmes attitudes, mêmes rêves, mêmes envies, vous n’êtes plus qu’un produit de masse sans code barres ; des corps point barre. Vendus aux plus offrants, soldés en toute saison. Tels des néons phosphorescents, ces corps semblent crier aux passants que vous êtes le dernier stock avant liquidation totale de votre espèce sonnante, trébuchante, titubante.
Et pour vous rassurer, vous vous voilez la face ; qui d’un foulard synthétique, qui de faux semblants, de fausse pudeur, de fatalisme destructeur, en refusant d’assumer vos responsabilités face à vos choix, face à votre devenir à coup de phrases toutes faites qui disent à peu près ceci : "C’est ce que Dieu et le souk ont donné".
Il est évident qu’entreprises ou administrations ne vous offriront jamais les sommes mirobolantes que peut vous procurer le plus vieux métier du monde ou un mari nanti, mais ne pensez-vous pas que le bonheur est ailleurs que dans un flacon de parfum, une crème de soin ou un ensemble en lin ?
Vos leitmotiv se limitent souvent à trouver un mari ou un visa, ou, nec plus ultra, les deux à la fois. Comme si celles qui ont la bague au doigt étaient épargnées par Dame Société, comme si ce manuscrit illisible, intraduisible dit contrat, avait rimé pour elles avec liberté, sérénité. Comme si "brûler" vers d’autres horizons, d’autres pays allait vous empêcher de brûler vos ailes.
Où que vous alliez, qui que vous épousiez, vous resterez cette proie facile, ce sexe faible dans lequel vous avez accepté de vous glisser. Enfin, les filles, vous méritez mieux que ça, ne croyez-vous pas ?
Dieu vous a-t-il créées pour être alléchantes, aguichantes, bandantes, calculatrices, matérialistes, "belles – ou pas – et tais-toi" ?
Il me semble qu’il vous a créées dans un bien plus noble dessein ; pour être celles par qui la douceur naît, celles par qui la délicatesse, la patience, la force jaillissent, celles pour qui et par qui les hommes prennent et apprennent la vie.
Résistez chères chéries, faites évoluer cette sacro sainte société plutôt que de vous fondre et vous confondre dans ses modèles préfabriqués, dans ses moules étriqués que vous croyez inéluctables.
Femmes de mon pays, ah ! Que vous seriez jolies, sans fards sans mimétismes, sans jeux en acceptant le Je : je pense, je veux, je suis, j’ai envie.
Cessez donc de sous-estimer votre rôle dans la construction de ce pays que l’on dit moderne, jeune, nouveau. Il n’aura rien de moderne, rien de jeune, rien de nouveau tant que vous n’assumerez pas votre évolution sans tomber dans la prostitution, tant que vous ne chercherez pas à ne ressembler qu’à vous, à n’être que vous (ce qui serait déjà beaucoup !).


III- Libres, sans étiquette
Elles sont éduquées, seules mais pas faciles pour un sou.

Le Maroc regorge de femmes, de jeunes femmes, qui sans fard sans mimétisme, tentent simplement d’être elles-mêmes, composant tant bien que mal avec leurs aspirations, leurs envies d’épanouissement et les carcans de notre société, ses contraintes, ses intolérances, ses hypocrisies.
Ces femmes ont été éduquées dans des familles croyantes, plus ou moins pratiquantes, mais tolérantes, qui à leur grand dam, n’ont fait d’elles ni des bigotes ni des têtes de linotte. Leurs mères peu clairvoyantes, ne leur ont pas élaboré de business plans les préparant à la quête du saint mari, à la recherche du bon parti. Elles ont laissé partir loin d’elles ces soi-disant bons partis nantis, de "bonnes familles" qui auraient fait d’elles les femmes les plus enviées de la jet set huppée. Ces hommes qui les auraient affichées comme des trophées, comme leurs signes extérieurs de richesse, gloire et prospérité. Ces hommes qui une fois lassés, les auraient délaissées pour une plus blonde, une plus brune, une plus "in".
Ces femmes ont fait des études supérieures parce qu’elles considèrent la formation comme un moyen d’accéder à plus d’indépendance et non comme un avantage comparatif leur
permettant de se mettre sous la dent ces prétendus prétendants.
Ces femmes ne sauraient être étiquetées, cataloguées, elles sont différentes, vivent à contre-courant et leur différence les a écartées du cartel des bien-pensants, des gens dans le vent. Elles se retrouvent à vingt-cinq, trente, trente-cinq ans, célibataires douces endurcies, parfois aigries. Conscientes de leur non-adhérence aux stéréotypes et autres archétypes de notre société ; conscientes de leur incapacité à s’adapter, elles finissent par s’enfermer dans un cocon infécond. Cocon où certaines voient leurs espoirs partir en fumée à chaque bouffée de H. aspirée, qu’elles consomment pour oublier un peu, qui les consument à petit feu. Cocon où d’autres survivent à grands renforts de fatalisme annihilant tout espoir, toute volonté.
Ces femmes ont, enfoui dans un coin de leur cœur, un rêve de petite fille auquel elles ont cessé de croire. Un rêve insufflé par les contes de fées qui toutes jeunes les ont bercées, "un jour mon prince viendra… un jour il me dira..". Ces princes déchus, ayant à leurs yeux perdu leurs charmes, finissent par venir mais ne leur disent pas tout à fait les choses qu’elles auraient aimé entendre.
L’idée qu’ils se font de la femme qui éventuellement partagerait leur vie, après un long, très long célibat est presque surréaliste. Ils veulent qu’elle soit tout à la fois, épouse et concubine, femme soumise mais forte et jamais indécise, femme de tête et femme de cœur, mère protectrice et femme enfant, reine du boulot, gagnant sa vie
en euros et championne aux fourneaux.
Le pire dans l’histoire est que cette femme là est prête à exister si parallèlement, son "prince", redevenu charmant, est disposé à lui offrir l’amour, l’affection, la sécurité, le réconfort et la fidélité dont elle a besoin. Et force est hélas de constater que ce n’est pas forcément le créneau de ces messieurs !
Ces messieurs croient, ou veulent bien croire que toutes les Marocaines ou presque, sont des péripatéticiennes patentées, matérialistes à souhait. Ils répètent inlassablement qu’elle sont "toutes les mêmes", et que par l’idée de se caser, eux ne sont guère plus tentés. Sans même avoir à rencontrer maman, papa et toute la smala, ou avoir la bague au doigt, ils n’ont, disent-ils, que l’embarras du choix côté nanas.
Les femmes quant à elles, conscientes de ce que ces messieurs pensent d’elles finissent parfois par agir en conséquence, ou sont, dans le meilleur des cas, convaincues que les "fils des gens" ne sont plus qu’une espèce aujourd’hui disparue.
Si aucune des deux parties ne fait de pas vers l’autre, nous nous retrouverons très vite avec une population de plus en plus importante de "vieilles filles" aigries et de célibataires très endurcis. Cela arrangera certes les économistes qui militent pour la baisse du taux de natalité, mais si ces matheux s’amusaient à faire des statistiques sur le taux de bonheur actif, les chiffres seraient alors fort inquiétants.
Alors messieurs, je vous en conjure, cessez de véhiculer l’idée que les femmes de ce pays sont toutes faciles, prêtes à porter, à emporter. Vous ne faites que participer à la disparition de ces femmes qui ont le malheur d’être vraies, de ne pas avoir envie de jouer. Dépassez les apparences, les idées rapportées trop souvent galvaudées. Redonnez-leur confiance en elles, donnez-leur envie de donner. Croyez en elles, comme en secret elles croient encore en vous.
Quant à vous les filles, ne vous remettez pas en question parce que vous ne correspondez pas aux standards usités de dame Société ; ne vous laissez influencer ni par ses diktats ni par le tic tac de votre horloge biologique. Gagnez en confiance, sacralisez votre différence.

Yasmina Rhoulami
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
P
22 mars 2005 21:07
YA SALEM
je ne regrette pa de tavoir lu franchemen ca en valé la peine moi ki fui lé roman winking smiley
merci pour ce ke tu a di jpense complétemen com toi
ya rien a dire cé tellemen bien di ke si jen rajouté sa feré de tro.
jaime la fraz finale surtou "gagnez en confiance sacralisez votre différence"
chacune dé histoire dégage kelke choz é cel ki ma touché é cel de Tamou.
amicalemen votre.
********Vie ta vie d'une façon bonne et honorable ; ainsi lorsque tu vieilliras et que tu regarderas en arrière, tu en profiteras une seconde fois ****** :D
2
22 mars 2005 21:26
Salam,

Il faut remercier 'Yasmina Rhoulami', c'est l'auteur de cet article.
A mon tour, je remercie Hux02 de me l’avoir transmis.
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
s
23 mars 2005 20:55
Salut Soeur .

Certaines femmes manquent de confiance en elle .

Certains hommes croient qu'ils ont tous les pouvoirs .

L'article est helas trés veridique , dommage !
siryne
c
23 mars 2005 21:15
malheureusement celles qui dominent au maroc c'est les femmes codes barres.
 
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