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Association France Palestine Solidarité
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30 juillet 2005 17:22
Lettre ouverte à Monsieur Jacques Chirac, Président de la République

Monsieur le Président,

C’est avec stupeur et colère que nous apprenons que la République française a invité le Premier ministre israélien Ariel Sharon pour un séjour officiel à Paris en ce mois de juillet 2005.

Stupeur, car nous croyons la France investie, au moins officiellement, de la défense du droit sur la scène internationale, comme elle a su l’affirmer en réfutant la légitimité et la légalité de la guerre en Irak et de l’occupation de ce pays, plaidant alors pour une sécurité du monde fondée sur le respect des aspirations des peuples dans leur diversité, des droits humains, et de la multilatéralité.

Colère, car nul ne peut en toute bonne foi ignorer que le retrait israélien de la bande de Gaza -retrait décidé et géré de façon unilatérale, privant la bande de Gaza du contrôle de ses frontières comme de lien avec la Cisjordanie, la transformant de ce fait en prison à ciel ouvert- s’accompagne d’un programme de colonisation accrue de la Cisjordanie et de Jérusalem, aujourd’hui en cours. La poursuite de la construction du mur, en violation de l’arrêt de la Cour internationale de Justice du 9 juillet 2004 et du vote de l’Assemblée générale des Nations unies du 20 juillet 2004, en est le principal instrument.

Au moment de l’élaboration du projet israélien de retrait de la bande de Gaza, l’un des principaux conseillers de M.Ariel Sharon, Dov Weisglass, annonçait qu’il s’agissait de « geler dans le formol » tout processus politique, afin d’ajourner sine die toute perspective de règlement. D’aucuns ont pu alors considérer ces propos comme une fanfaronnade politique. Les faits, que nul n’ignore, donnent hélas raison aux prévisions les plus pessimistes.

Tandis que le gouvernement israélien, dans une perspective explicite d’annexion, envisage de conserver le contrôle des grands blocs de colonies en Palestine occupée, dont il faut rappeler l’illégalité et qui représentent quelque 80% des colons israéliens, le réseau de murs étend ses tranchées et son entaille de ciment et de barbelés sur 213 kilomètres du nord au centre de la Cisjordanie, complété de deux autres tronçons dans et autour de Jérusalem. 190 autres kilomètres sont en cours d’édification, notamment, là encore, dans et autour de Jérusalem. En cette mi-juillet, devaient commencer les travaux d’un « périphérique de l’est », autour de la colonie de Ma’aleh Adumim. Au mépris des cultures et des habitations palestiniennes ravagées et dans la rage impatiente de spolier la population palestinienne de ses ressources, de sa vie économique et de sa vie quotidienne tout court. Jérusalem est la principale cible de cette offensive, qui réduit à des miettes d’enclaves le territoire morcelé de l’Etat palestinien à l’existence totalement hypothéquée.

Parallèlement, alors que le Président palestinien parvient jusqu’à présent à maintenir une trêve fragile, aucun des engagements israéliens pris à Charm-el-Cheikh n’a été respecté, qu’il s’agisse de l’arrêt des assassinats ciblés, de la libération des prisonniers politiques, ou de la levée des barrages militaires installés en territoire palestinien.

Faut-il vous rappeler, Monsieur le président, que l’arrêt rendu par la Cour Internationale de Justice, s’il n’a pas valeur exécutoire, n’en a pas moins valeur déclaratoire du droit ? Or, revenant sur l’occupation des territoires palestiniens et sur le droit des peuples à l’autodétermination, droit erga omnes, la Cour Internationale de Justice a condamné le mur sans appel. Israël doit démanteler les portions réalisées, arrêter sa construction, réparer et compenser.

Mais, faut-il également le rappeler, l’arrêt de la CIJ précise que les Etats sont tous dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite issue de la construction de ce réseau de murs. Et dans l’obligation de faire respecter le droit. Une obligation que la France semble oublier, Monsieur le Président, comme elle oublie, depuis si longtemps, les obligations qui sont les siennes en tant que Haute Partie Contractante à la Quatrième Convention de Genève.

La France, de même que ses 24 partenaires de l’Union européenne, a pourtant voté, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, en faveur des recommandations de la Cour. Ne se serait-il agi, Monsieur le Président, que d’un vote de pure forme ? Ce serait une alarmante vocation et une bien triste image attribuées à la diplomatie de notre pays.

De même, lorsque la France se félicite des progrès de la démocratie en Palestine occupée, se moque-t-elle des perspectives d’indépendance sans laquelle toute démocratie est amputée et vouée à échouer ? Considèrerait-elle que le peuple palestinien dont elle a loué à juste titre la maturité politique lors des élections ne serait pas un peuple majeur digne d’institutions libres, indépendantes, souveraines, dans un Etat libre, indépendant , souverain ?

Aussi l’invitation en France de M.Ariel Sharon en ce mois de juillet apparaît-elle, Monsieur le Président, non seulement comme une provocation, mais aussi comme un dangereux message pour l’avenir de toute la région.

Car le refus des Etats, et en l’occurrence de la France, de se conformer à leurs obligations internationales –après tant d’autres résolutions inappliquées- permet aux dirigeants d’Israël de jouir d’une totale impunité. Non seulement en ne démantelant pas les murs déjà construits, mais aussi en semant de nouveaux faits accomplis sur le terrain comme autant de bombes à retardement congédiant sine die toute perspective de règlement politique fondé sur le droit, torpillant toute perspective de paix entre deux Etats indépendants et entre deux sociétés.

Faut-il croire, Monsieur le Président, que la France défendrait des intérêts moins honorables, dans la logique de la visite en Israël, en mars dernier, de Monsieur Patrick Devedjian, alors ministre délégué à l'Industrie, visant à renforcer les échanges économiques et commerciaux bilatéraux ? L’accord cadre signé alors, renforçant les échanges bilatéraux dans le domaine des biotechnologies et des nanotechnologies, peut-il être lu autrement que comme un encouragement au gouvernement israélien à poursuivre sans risque de sanction sa politique illégale d’occupation, de colonisation et d’annexion en Palestine occupée ?

L’espoir français de déconnecter ainsi l’économique du politique se révèlerait à la fois périlleux et chimérique.

Nous ne nous faisons guère d’illusion, Monsieur le Président, sur le fait que la France n’a pas invité M.Ariel Sharon avec l’intention d’exercer ses obligations de compétence universelle dans le jugement des criminels de guerre.

La France comme tout Etat, n’en a pas moins des obligations et des potentialités d’action efficace.

Elle pourrait très bien, et dès lors devrait, déposer au conseil de sécurité des Nations unies un projet de résolution demandant le respect de l’avis de la Cour.

Elle pourrait très bien, et dès lors devrait, suspendre toute coopération notamment militaire, scientifique et technique avec Israël, et décider de sanctions contre cet Etat tant que celui-ci viole le droit international et ne se conforme pas à ses obligations internationales.

C’est ce que réclame le Parlement européen qui recommande depuis 2002 la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël tant que celui-ci viole le droit international et les droits humains.

C’est ce que réclament les plateformes d’ONG de quelque dix Etats européens, lesquelles ont lancé une campagne commune à ce sujet le 9 juillet 2005.

C’est ce que réclament les quelque 250.000 citoyens de notre pays qui ont signé une pétition en ce sens, remise au Président de l’Assemblée nationale le 12 janvier 2005.

En conséquence, l’AFPS vous demande, Monsieur le Président, de renoncer à inviter le Premier ministre israélien Ariel Sharon.

Et l’AFPS vous demande, quoi qu’il en soit, que la France décide de ces mesures de sanctions plaçant enfin le gouvernement israélien devant ses responsabilités et devant un choix :

l’occupation, la colonisation et la poursuite de la construction du mur et, dès lors, la sanction qui en découle,

ou bien le respect du droit, l’arrêt de la colonisation et de l’édification du mur, le respect des droits humains et la libération des prisonniers politiques, et dès lors la possibilité d’un véritable processus de paix et de sécurité, accompagné de perspectives de réelles coopérations internationales.

Ce serait, Monsieur le Président, transformer la provocation en défense du droit international. Et transformer la stupeur et la colère des citoyens épris de droit en espoir de paix.

Bernard Ravenel, Président.

Association France Palestine Solidarité (AFPS) - 21 ter Rue Voltaire 75011 Paris
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15 79 - Fax. : 01 43 72 07 25

L'Afps, association loi 1901, a pour vocation le soutien au peuple palestinien
notamment dans sa lutte pour la réalisation de ses droits nationaux. L'Afps
agit pour une paix réelle et durable fondée sur l'application du droit
international en lien avec le peuple palestinien et ses représentants légitimes.
L'Afps exige:

- la fin de l'occupation de tous les territoires envahis en 1967 et le
démantèlement de toutes les colonies.
- la création d'un Etat palestinien indépendant souverain et viable avec
Jérusalem-Est pour capitale.
- la reconnaissance du droit au retour des réfugiés conformément à la résolution
194 votée par l'Assemblée générale de l'ONU.
- la protection internationale du peuple palestinien, et des sanctions contre
Israël (suspension de l'accord d'association Union Européenne-Israël)...
 
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