Bonjour, L’historien Benjamin Stora nous livre une trés bonne analyse et en concluant par la necessité d'ouvrir les frontiéres, l'actualité qu'on vit aujourd'huii. Bonne Lecture
Paris, 2 octobre 2002 - L’historien Benjamin Stora publie, début octobre, «Algérie, Maroc: Histoires parallèles, destins croisés». Note de lecture.
Paris, 2 octobre 2002 - «Guerre des sables» en 1963, différend sur le Sahara Occidental à partir de 1975, soutien implicite de l’Algérie à l’Espagne lors de la crise de l’îlot Leïla-Persil de l’été 2002…: les contentieux qui enveniment les rapports entre le Maroc et l’Algérie depuis 40 ans sont lourds. En se livrant à un comparatisme historique entre les «deux frères ennemis» de la région, Benjamin Stora parvient pourtant à la conclusion que les deux pays sont condamnés à s’entendre. Et que les sociétés algériennes et marocaines sont plus proches l’une de l’autre qu’elles ne l’imaginent…
Tout au long de ce livre, truffé de références bibliographiques et assorti d’une chronologie comparée des deux histoires (de 1912 à 1999) et de textes annexes reprenant les entretiens accordés par l’auteur à la presse maghrébine entre 1999 et 2001, l’historien revisite les imaginaires des deux peuples, met en lumière les souvenirs qui les rassemblent et ceux qui les séparent.
Principales puissances du Maghreb, l’Algérie et le Maroc, rappelle-t-il tout d’abord, ont en commun la langue, la religion, une importante minorité berbérophone, la colonisation française et le dur combat pour l’indépendance. Nés au même moment, au tournant des années 1930, les mouvements nationalistes - Jeunes Marocains de Allal el Fassi et Ahmed Balafredj et Jeunes Algériens de Ferhat Abbas – ont permis aux deux peuples de forger «des représentations communes» de leurs luttes de libération.
Pour autant, et malgré ces points communs, Benjamin Stora établit une distinction importante entre les deux nationalismes. Nation de longue date, le Maroc, qui a connu une durée et une forme de colonisation différentes de celles de l’Algérie, cultive un rapport à l’histoire qui «s’enracine dans la tradition et insiste sur la continuité.» En revanche, pour les Algériens, qui ont vécu la présence ottomane avant l’arrivée des Français, c’est «l’histoire (anti)coloniale (qui) invente le territoire.» «Ces perceptions distinctes, écrit l’auteur, entraînent deux formes de légitimation de l’Etat-nation. Elle passe, au Maroc, par l’histoire longue, tandis qu’elle transite, en Algérie, par la puissance géographique.»
L’émergence d’une conscience citoyenne Cette distinction explique l’origine de la séparation et de l’affrontement géopolitique auxquels se livrent l’Algérie et le Maroc depuis 40 ans. Les deux Etats sont-ils pour autant condamnés à s’opposer? Rien n’est moins sûr, avance l’historien qui estime que la réconciliation entre les deux pays se fera par «en bas».
«En Algérie comme au Maroc, écrit-il, le travail difficile et parfois douloureux d’anamnèse sur les «années de plomb» des décennies 1970-1980 redonne une homogénéité aux cultures politiques figées dans le carcan des barrières nationales, insuffle du sens et du sang neuf à l’action collective, citoyenne.»
À l’aube du troisième millénaire, les sociétés algérienne et marocaine font, en effet, de l’avènement de l’Etat de droit une revendication centrale. L’émergence d’une véritable conscience citoyenne chez ces deux poids lourds de la région plaide ainsi en faveur du «dépassement des conflits anciens.» D’autant que les deux pays, qui se préparent à ouvrir leurs frontières aux produits européens après la conclusion d’accords avec l’Union Européenne, sont condamnés à donner au Maghreb une homogénéité politique et économique. Mais en attendant, il leur faudra au moins rouvrir leurs frontières, fermées depuis 1994…
Karim Aït-Ouméziane
le Maroc au coeur.
Ah ! Que lentement la vérité fait son chemin dans les esprits...