Mon téléphone sonne ; ma sœur qui habite dans le voisinage m'appelle pour me dire que Samira, sa meilleure amie d'enfance, lui a fait une petite visite et qu'elle aimerait aussi bien me revoir. — tu te souviens d'elle n'est ce pas ? Si je m'en souvenais ... ! Bien sûr que oui ; je crois que j'en étais même un peu amoureux. Une adolescente à peine moins âgée que moi : jolie fille, fine et svelte aux yeux verts et une cascade de longs cheveux châtain et ondulés jusqu'au dos. Habitant dans la même cité et originaires de la même région d'Algérie, nos mères se connaissaient et souvent Samira et ma sœur se retrouvaient dans la chambre de l'une ou l'autre pour leurs mystérieux conciliabules de filles. Lointaine, peut être timide, sa réserve ne m'avait jamais encouragé à échanger avec elle autre choses que d'innocentes banalités les rares fois où l'occasion se présentait.
Chaque famille suivie le cours de son destin et ça faisait plus de vingt ans que je ne l'avais plus vu, bien que les filles soient restées en contact. Donc, vu la maigreur de nos échanges, je fus assez surpris de son invitation à vouloir me revoir.
— Tu n'as pas changé ! Me dit-elle chaleureusement. J'aurais voulu pouvoir en dire autant mais le temps avait fait son ouvre : ce n'était plus la frêle jeune fille d'autrefois mais maintenant une femme, plus petite que dans mes souvenirs, sans doute à cause des formes gagnées qui sont propres aux femmes mûres et des hanches maintenant généreuse. La coiffure aussi : plus une femme avance en âge et plus la chevelure raccourcit ; désormais noire, elle s'arrêtait maintenant au-dessus des épaules. Mais surtout, ce qui avait le plus changé et qui me frappa d’emblée était son ton chaleureux ; sa réserve disparue ; la glace fondue. Comme si on avait été les meilleurs amis du monde.
Comme il se doit, on parla du bon vieux temps, puis de nos vies. Elle avait épousé un Français, deux enfants, puis le divorce. Avait gardé la maison et le jardin, mais comme c'est dur à entretenir quand on est une femme seule. De choses et de nombreuses autres. Au fil de la conversation on s’aperçut qu'on partageait presque tout en commun : même façon de voir ; même passions ; mêmes intérêts ; même philosophie de la vie. On parla longtemps ; plus que durant toutes ces années de notre adolescence ! Et lors de nos brefs silences je pouvais lire dans ses yeux verts comme l'ombre d'un immense regret. Sans doute que les mieux exprimait le même sentiment. On le comprit, elle l'avait compris, et elle me dit : "Si seulement on pouvait revenir vingt ans en arrière".
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