Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
'Les mains de Dieu', 'le trône de Dieu' : sens propre ou sens figuré ?
t
15 avril 2005 21:13
salam, bonsoir, smiling smiley

[www.maison-islam.com]

Question :


J'ai lu dans le texte du Coran un verset qui dit de Dieu que "ses deux mains sont largement ouvertes" (5/64). Faut-il prendre ce verset dans un sens figuré, ou bien Dieu a-t-il vraiment des mains comme nous ? De même, le Coran parle d'un trône de Dieu (57/4). La même question se pose.


Réponse :



Si les concepts de l'existence et de l'unicité de Dieu sont entièrement et facilement accessibles à la raison humaine, en revanche comprendre comment est Dieu est au-dessus de tout ce que cette raison humaine peut imaginer. En effet, Dieu ne ressemble à rien de ce qu'elle connaît et appréhende, et elle tourne donc à vide.



Pourtant, ne rien dire des qualités de Dieu sinon qu'Il existe et qu'Il est unique présente le risque de ne pas permettre aux hommes de développer une relation profonde et directe avec Lui. Il fallait donc bien que Dieu décrive aux hommes Ses qualités. Mais pour communiquer aux humains des concepts aussi élevés, que faire d'autre que d'utiliser les mots que les humains emploient et ont eux-mêmes forgés ? Que faire d'autre pour communiquer aux humains ce qui est indescriptible ? C'est pourquoi Dieu a dit de Lui-même dans Son livre qu'il est le Souverain, qu'Il est Juste, qu'Il est Miséricordieux, qu'Il Aime, qu'Il est Bon, que Ses mains sont ouvertes, qu'Il s'est établi sur le Trône, etc.



Un autre risque est alors apparu : celui que les hommes donnent à ces termes, empruntés ici pour décrire des réalités qui ne sont ni d'ordre humain ni d'ordre terrestre, le même sens qu'ils ont lorsqu'ils sont utilisés pour décrire des réalités humaines et terrestres. Pour parer à ce risque, Dieu a, parallèlement à l'utilisation des termes évoqués ci-dessus, précisé qu' "il n'y a rien qui Lui ressemble" (Coran 42/11).




Différentes appréhensions de ces mots



Tout ceci explique pourquoi des mots tels que "Main de Dieu", "Trône de Dieu", "Dieu entend et voit ce que vous faites", etc. sont présents dans le Coran. Cependant, trois grandes tendances sont apparues au sein des musulmans par rapport à l'appréhension de ce genre de termes :



A) La tendance mujassimite :



Les hommes de cette tendance, comme Hishâm ibn al-Hakam, affirment que le mot "main" désigne, en ce qui concerne Dieu, une réalité. Cependant, ils vont plus loin et affirment que ce mot désigne à propos de Dieu la même chose que ce qu'il désigne à propos des hommes. Ils ont pris Ce terme dans son sens propre, c'est-à-dire dans le sens qu'il revêt à propos des humains, d'où une tendance anthropomorphiste ("ressemblant aux humains"winking smiley évidente.



Cool Les tendances jahmite et mutazilite :



Voulant éviter cet anthropomorphisme, les jahmites nient au terme "main" de vouloir désigner, en ce qui concerne Dieu, la même chose que ce qu'il désigne à propos des hommes. Cependant, ils partent plus loin et nient également à ce terme de désigner quoi que ce soit en ce qui concerne Dieu. Pour eux, ce terme ne désigne aucune réalité en ce qui concerne Dieu, et est à prendre dans un sens purement figuré. "La Main de Dieu ne désigne rien d'autre que la Puissance de Dieu", disent-ils.



C) L'authenticité sunnite :



L'authenticité sunnite est du juste milieu : elle affirme que le terme "main" désigne une réalité à propos de Dieu. Cependant elle nie que ce terme désigne à propos de Dieu la même chose que ce qu'il désigne à propos des hommes. Elle reprend l'idée exprimée au début de cet article : ces termes ont été employés pour tenter de décrire l'indescriptible. Contentons-nous de les employer comme le Coran les a employés, mais en nous souvenant de ce que Dieu a aussi dit : "Il n'y a rien qui Lui ressemble".



A l'intérieur de l'authenticité sunnite, les savants des premiers siècles (salafs) employaient la formule que Dieu a employée : "La Main de Dieu", tout en rajoutant : "Dieu seul sait ce dont il s'agit". Cependant, certains savants postérieurs (khalafs) ont écrit pour leur part : "La Main de Dieu est à comprendre dans le sens de la Puissance de Dieu". Il existe donc aujourd'hui, à propos de la question de l'interprétation de ces "termes relatifs à Dieu", deux sous-tendances à l'intérieur de l'authenticité sunnite : celle qui reprend la position des "salafs" sur ce point, et celle qui partage la position des "khalafs". Et le problème c'est que certains de ceux qui sont de cette première tendance accusent ceux qui sont de la seconde d'être en réalité de tendance jahmite ; à quoi ceux qui partagent la position des khalafs leur rétorquent qu'ils sont quant à eux de tendance mujassimite (anthropomorphiste) ! Aujourd'hui encore, les débats sont souvent passionnés, les disputes fréquentes : on s'accuse mutuellement de ne pas être de l'authenticité sunnite. Que faire ?



A y regarder de plus près, on s'aperçoit que partisans de la position des salafs sur ce point et partisans de la position des khalafs sont d'accord sur les deux premiers points suivants, mais divergent sur le troisième :



1) Ils nient tous deux que ce terme désigne à propos de Dieu la même chose que ce qu'il désigne chez les humains (c'est ce qui fait leur différence d'avec les mujassimites).
2) Ils affirment tous deux que le terme "Main" désigne une réalité en ce qui concerne Dieu (c'est ce qui fait leur différence d'avec les jahmites).
3) Cependant, les salafs entendaient n'employer que le terme figurant dans le Coran ("Main de Dieu"winking smiley, tandis que les khalafs ont quant à eux autorisé l'emploi d'un terme voisin ("Puissance de Dieu"winking smiley.



Mais cette apparente divergence à propos du troisième point reproduit-elle les divergences des tendances mujassimite et jahmite ?



Non, car si les salafs n'employaient que le terme employé dans le Coran ("Main de Dieu"winking smiley, ils le traitaient au "On ne tombe pas dans le comment" ("lâ yuqâl kayfa"winking smiley : c'est ce qui fait leur différence d'avec les mujassimites.
Et si les khalafs ont employé un terme voisin ("Puissance de Dieu"winking smiley, ils reconnaissent explicitement qu'il s'agit juste d'une formule destinée à favoriser la compréhension du concept par le grand public, le terme "Main" désignant bien, à propos de Dieu, une réalité autre que celle de Sa Puissance : c'est ce qui fait leur différence d'avec les jahmites.



La question qui se pose ici est : pourquoi des savants postérieurs (khalafs) ont-ils adopté cette méthode, différente de celle des prédécesseurs (salafs) ?

Cheikh Thânwî en voit l'explication dans le fait suivant : alors que le grand public musulman (al-'awâmm) des premiers temps jouissait de la simplicité originelle et naturelle du raisonnement, celui des siècles suivants subit indirectement l'influence de certains concepts d'origine étrangère, car ceux-ci avaient, au cours du temps, fini par imprégner de nombreuses catégories des populations. Pour grand public des siècles postérieurs, dire "Main de Dieu" revenait forcément à dire "Main comme la nôtre" : à cause de l'influence que nous venons d'évoquer, il n'était hélas plus capable d'allier l'emploi du terme "Main de Dieu" et la négation de l'anthropomorphisme ("Dieu ne ressemble pas aux humains"winking smiley. C'est pourquoi certains savants de ces temps postérieurs (khalaf) trouvèrent comme solution temporaire de lui expliquer ce terme "Main de Dieu" en employant la formule "Puissance de Dieu". Mais ces savants n'entendirent jamais dire que "Main de Dieu" signifie réellement "Puissance de Dieu" (comme l'ont dit les jahmites) ; tout au contraire, ils dirent clairement, se différenciant de la tendance jahmite, que les termes "Bal yadâhu mabsûTatân" désignaient bien une réalité différente de celle que désigne "Qud'rat-ullâh", qu'ils ne traduisaient ces termes ainsi que pour faciliter la compréhension à l'égard du grand public, et ce uniquement à cause de l'influence de concepts d'origine étrangère que celui-ci avait subie (Bawâdir un-nawâdir, pp. 601-617). Hassan Al-Bannâ a avancé, en des termes voisins, globalement la même explication (Majmû'at ar-rassâ'il, p. 455). A la lumière de cette explication, il écrit : "Il s'agit d'une différence qui ne mérite ni tapage ni entêtement" (Idem). Il écrit cependant préférer la formulation des salafs alliée au traitement "On ne tombe pas dans le comment", afin d'éviter les risques d'interprétations mal venues. Mais, ajoute-t-il, cela ne peut mener à traiter ceux qui partagent la position des khalaf d'incroyants ou d'égarés (Idem).




Les explications de Shâh Waliyyullâh



Shâh Waliyyullâh est un savant musulman de l'Inde, auquel des savants musulmans d'autres pays ont – à juste titre – attribué les surnoms de l' "Ibn Taymiyya de l'Inde" et du "Ghazalî de l'Inde". Il écrit au sujet du point qui nous intéresse ici :
"Sache que la foi en les qualités de Dieu relève des plus grandes formes du bien. En effet, cela est à même de permettre à l'homme d'être lié à Dieu, et l'apprête à prendre conscience de la Grandeur de Dieu.
Sache également que Dieu est trop élevé pour être comparé à un concept ou à quelque chose de concret, (…) ou à être appréhendé par le moyen des mots forgés par l'usage humain.
D'un autre côté, il n'y avait pas d'autre choix que celui de le faire connaître aux hommes, afin qu'ils se rapprochent de la perfection.
Il était donc nécessaire qu'on utilise des termes désignant les qualités, mais en leur donnant le sens de ce qu'ils désignent comme finalité et non de ce qu'ils désignent comme origine : le sens de "la Bonté", à propos de Dieu, est "le don sans compter", et non pas "la douceur du cœur physique". De même il fallait, pour exprimer le concept que Dieu contrôle toute la création, emprunter les mots employés d'habitude pour décrire le souverain qui contrôle son royaume : il n'y a pas d'autres mots qui parviennent à exprimer ce concept mieux que ceux-là. Il fallait également que soient utilisées des formules, mais à la condition qu'elles ne soient pas comprises comme des finalités en soi mais comme décrivant des réalités qui sont voisines (…), et à la condition qu'elles n'évoquent pas, pour celui qui les entend, les caractéristiques de ce qui est humain : il fut donc dit : "Dieu voit et entend" mais pas "Dieu goûte ou touche" (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 1 p. 189).



Il écrit également : "On doit s'en tenir strictement à ce que Dieu Lui-même, ainsi que Son Messager, ont employé comme Noms de Dieu et Qualités de Dieu. Il a été interdit d'avancer de soi-même des Noms et des Qualités pour les employer ensuite à propos de Dieu. Cela est compréhensible : même si nous avons compris les principes sur lesquels se sont basées les sources de l'islam à propos des Qualités de Dieu – c'est ce que nous avons écrit au début de ce chapitre –, permettre aux gens d'employer ce principe pour avancer soi-même des Qualités et des Noms reviendrait à permettre l'égarement" (d'après Hujjat ullâh il-bâligha, tome 1 p. 192).



Shâh Waliyyullâh explique qu'il faut utiliser ces termes avec l'objectif sus-cité, l'objectif étant qu'ils produisent dans notre esprit l'effet escompté. Parallèlement à cela, il faut rappeler et se rappeler que "Il n'y a rien qui Lui ressemble". Il rappelle que c'est ainsi qu'ont agi les musulmans sunnites des premiers siècles de l'Islam (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 1 p. 190).



Shâh Waliyyullâh cite ensuite At-Tirmidhî, qui relève à ce propos que la tendance jahmite pense à tort que le simple fait d'employer à propos de Dieu les termes qu'Il a Lui-même employés revient à tomber dans l'anthropomorphisme. C'est faux, dit-il, car l'anthropomorphisme serait de dire : "La Main de Dieu est comme la nôtre, Dieu entend comme nous, Dieu voit comme nous". Par contre, ce n'est absolument pas de l'anthropomorphisme que de dire comme Dieu Lui-même l'a dit : "La Main de Dieu, Dieu entend, Dieu voit", tout en s'abstenant bien de dire : "La Main de Dieu est comme la nôtre, Dieu entend comme nous, Dieu voit comme nous", et tout en disant au contraire : "On ne tombe pas dans le "comment" ("lâ yuqâl kayfa"winking smiley. Ceci est même en tous points conforme à ce que Dieu Lui-même a dit : "Il n'y a rien qui Lui ressemble. Et Il est celui qui entend, celui qui voit" (Coran 42/11). (Cf. Sunan At-Tirmidhî).




Synthèse de la réponse :



Comme l'ont expliqué Cheikh Thânwî et Al-Bannâ, il faut comprendre les raisons historiques ayant conduit certains savants sunnites des siècles postérieurs (khalafs) à cette divergence de méthodes conduisant au même résultat, et il faut donc éviter de se traiter les uns les autres de déviants. Pour autant, Shâh Waliyyullâh, Cheikh Thânwî et Al-Bannâ ont préféré revenir à la méthode des prédécesseurs (salafs) dans leur façon d'appréhender ces mots relatifs à Dieu.



Il faut donc employer ces termes comme ils ont été employés dans le Coran, tout en se rappelant qu' "il n'y a rien qui ressemble à Dieu", et que le Coran a un objectif précis en employant de tels termes (comme l'a expliqué Shâh Waliyyullâh).



Ceci nous permettra de laisser ces termes produire dans notre esprit l'effet escompté (et visé par le Coran), en nous gardant tout à la fois de leur donner un sens anthropomorphique ("lâ nujassim wa lâ nushabbih"winking smiley ou de les vider de leur sens ("lâ nu'awwil wa lâ nu'attil"winking smiley.



Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).


tawmat smiling smiley
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook