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Décidément, l'Etat marocain est nul en communication

Quand l'état communique
Les officiels de Laâyoune ont fait une bourde.
Pour la "rattraper", l'Etat a fait dix fois pire

Décidément, l'état marocain est nul en communication ! Son traitement des émeutes de Laâyoune en a été une énième démonstration… d'autant plus navrante qu'il n'y avait pas d'émeutes ! Juste une manif et un peu de casse, comme ça arrive régulièrement aux quatre coins du pays, sans qu'on en fasse un fromage. Pourtant, l'opinion publique est persuadée que le Sahara était, la semaine dernière, à feu et à sang. Pourquoi ? Parce que l'état a été, encore une fois, maladroit.

D'abord, au lendemain de la manif, on a interdit à deux journalistes de quitter l'aéroport de Laâyoune, où ils venaient d'atterrir. Forcément, alerte générale dans les rédactions ! Si on empêche des journalistes de faire leur travail, c'est que la situation est grave. La seule chose de grave, en fait, c'était l'état d'esprit des petits responsables locaux à l'origine de cette mesure, dont ils ne mesuraient pas la portée. Mais à Rabat, on a fait pire, encore : au lieu de laisser passer les deux journalistes, avec des excuses (ce qui aurait réglé le problème), le gouvernement a affrété un avion bourré de journalistes (d'autres) pour Laâyoune — censément pour témoigner qu'il ne s'y passait rien. Sauf que "rien", ce n'est pas une info. Un étudiant en première année de journalisme le sait, mais pas le ministre de la Communication ! Suite, prévisible : n'ayant que ça à se mettre sous la dent, les journalistes se sont focalisés sur les manifestations de la veille et, dès le lendemain, les Unes le disputaient aux gros titres. N'était-ce pas ce que voulait le gouvernement, en affrétant cet avion ? énorme malentendu… suivi, forcément, d'un effet boule de neige : les manifestants ont voulu parader devant les caméras, et l'état a déployé — préventivement — des milliers d'hommes casqués et matraques à la main, dans les rues (bonjour les photos !). Il aurait suffi, puisque la manœuvre n'était que préventive, de faire comme à chaque fois qu'il y a une manif à Casa ou à Rabat : cantonner les forces anti-émeutes dans des fourgons suffisamment visibles pour dissuader les casseurs potentiels. Mais une fois encore, par défaut de communication, l'état a donné de lui-même une image répressive alors qu'il ne faisait que préserver l'ordre, relativement peu menacé au départ. Quel gâchis !
Le processus est, hélas, classique. L'état se fait régulièrement piéger, de la même manière, par les syndicalistes grévistes, les diplômés chômeurs, les salafistes, etc. La plus belle bourde des dernières années aura été cette fameuse sortie du ministre de la justice Bouzoubaâ sur les fameux 1500 procès "dans le cadre du 16 mai". Mais non, c'était "après" le 16 mai, et ça changeait tout ! Si ces gens avaient été plutôt accusés de ce dont ils sont coupables, à savoir l'incitation à la haine (les témoignages ne manquent pas, là-dessus), leur grève de la faim aurait, du coup, semblé beaucoup moins légitime à l'opinion publique.

Les exemples abondent, mais arrêtons-nous là. Et concluons sur la morale de l'histoire : dans les pays développés, on juge les hommes politiques avant tout sur leur aptitude à communiquer. Les nôtres, sur ce plan, sont des catastrophes ambulantes. Qu'ils apprennent, donc. Tant que ce ne sera pas fait, leurs attaques contre la presse resteront irrecevables.


Source: Telquel

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