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Une nuit à Paris
L
1 novembre 2022 17:51
Une nuit à Paris

31 octobre 2022, Paris, parc de Bercy.
Le soleil descend doucement. Lumière basse et vaguement éblouissante malgré le voile de nuages grisonnant le ciel.
Je m'assois en tailleur sur un banc dont l'inconfort me surprend.
Paris.
Paris m'a appelée, un beau matin, m'intimant l'ordre de la rejoindre, là, sur le champ. Pourquoi Paris ? Pourquoi la ville lumière ? Je n'ai pas la moindre intimité avec elle, je la connais à peine… Ce matin, pourtant, sans crier gare et sans raison précise, je me suis réveillée avec la certitude que je devais m'y rendre, que quelque chose, quelqu'un peut-être, m'y attendait. J'ai laissé de côté la raison parfois trop rationnelle qui a mis ma vie sous contrôle, j'ai posé quelques jours de congés, réservé un hôtel, un billet de train, sans retour… ma valise prête en quelques minutes et me voilà partie. A peine quatre heures plus tard, Paris m'accueille, avec sa foule qui s'agite en tout sens et le brouhaha continuel qui l'habite.

Parc de Bercy.
Autour de moi, hommes, femmes, enfants, de tous horizons, de toutes cultures, se promènent, discutent dans des langues étrangères que je ne prend pas la peine d'identifier, jouent, se donnent en spectacle même… chacun profitant à sa manière de cette fin de journée d'automne, ne prêtant probablement pas attention, tout comme moi, à la date un peu particulière d'aujourd'hui… ce soir, au soleil couchant, commencera la nuit d'halloween. Je n'y ai personnellement jamais prêté la moindre attention, pourtant, cette pensée, accompagnée d'un souffle de vent frais et soudain, provoque en moi un vague frisson. Je balaie cette idée. Je sors mon carnet. Il y a bien longtemps que je n'ai plus écrit dans un carnet, le petit écran de mon smartphone ayant pris toute la place… mais cette nuit, cette nuit toute particulière, dans cette ville qui m'est à la fois étrangère et familière, cette nuit, je reprend le crayon carbone, le petit carnet lignés qui sera mis à rude épreuve entre mes mains…
Dès que mes pas incertains, se sont posés sur la ville, un souvenir d'une autre vie à fondu sur moi… j'ai revu la jeune fille débarquant dans une autre capitale, plus petite, plus désordonnée aussi, Bruxelles… Bruxelles, la ville de mes premiers pas en tant que femme, déambulant au hasard de ses rues, montant d'un un tram ou un métro dont j'ignorais la destination. Ainsi, j'appris à la connaître et je me découvris… toujours, bien entendu, un carnet à la main. Je n'ai d'ailleurs jamais eu autant d'inspiration qu'en ville.

Je griffonne quelques lignes, mais très vite, une étrange impression attire mon attention. Incapable de mettre des mots dessus, je lève la tête. Un superbe rose à envahit le ciel, là, tout en haut de l'escalier, où se dessinent de grands arbres. Je me lève, un magnifique couché de soleil m'appelle sur la Seine. Je presse le pas pour le rejoindre.
Je monte le grand escalier, marche jusqu'au pont piétonnier qui surplombe le fleuve. Incandescence de roses sous mes yeux éblouis, fusionnant le ciel et le fleuve dans une étreinte furtive. Je bois le spectacle, jusqu'à la dernière goutte, jusqu'à ce que la lumière se meuve dans des tons orangers, puis or, enfin, un bleu sombre se pose sur le lit de l'eau et peu à peu le voile de la nuit nous enveloppe, Paris, la Seine… et moi.

L'étrange impression, avec la tombée de la nuit, s'est faite plus prégnante, presque oppressante. Comme une angoisse sourde dont les mots peinent à s'exprimer. Quelque chose d'enfoui, au plus profond… au plus profond de quoi? De moi ? De la ville ? D'une histoire qui s'écrit ici et maintenant ?

Ce sont les quais qui m'appellent, l'eau, les lumières qui s'y réverbèrent, le mystère qui l'entoure. Une forme d'euphorie me gagne. Une rose s'est ouverte en mon cœur et diffuse un parfum exquis. J'appartiens désormais à la nuit, à cette ville, je la laisse me guider, j'accepte l'impression étrange qui peu à peu se transforme en une présence… une présence étrangère qui m'accompagne. Un instant je me pense suivie, mais non, rien ne l'indique autour de moi, tout est calme, personne ne m'observe, les passants passent leur chemin sans me prêter attention, absorbés, tout comme moi, par la nuit qui s'épaissit.

Je marche au fil de l'eau. J'ouvre ma conscience comme jamais auparavant je ne l'ai fait. Je veux tout ressentir, tout, le moindre souffle sur mon visage, le crissement de mes pas sur le bitume, la déformation des pavés. Je veux voir la lumière comme je ne l'ai jamais vue, sertie d'obscurité, éblouissante. Je laisse l'odeur de la ville, les effluves de gasoil et de la Seine mêlés remplir mes narines… je veux être présente, présente à moi-même, à la nuit, à la ville… à la présence mystérieuse, déstabilisante qui s'est invitée dans ma nuit. Elle m'effraie, mais je décide de l'affronter quoi qu'il arrive. Ne suis-je pas venue ici, dans cette ville, avec la certitude qu'on m'y attendait ?
L
1 novembre 2022 17:52
Soudain, bien malgré-moi, mes pas me pressent vers le grand boulevard. Là, le brouhaha de la circulation, les grondements de moteurs incessants m'agressent et font éclater totalement ma carapace. Ma tête me fait mal, coincée dans un étau, je sens des énergies me percutant de toute part, la présence en moi suffoque, je suffoque avec elle. Je décide de rentrer à l'hôtel, sans programme précis, si ce n'est retrouver un peu de calme et de silence.

Cet hôtel est sans âge, à la fois vétuste et moderne, un lieu entre les espaces, une déchirure dans le temps, un portail, un vaisseau quantique, que sais-je.
Dans la petite chambre sous les toits, je m'allonge sur le lit surplombé de poutres peintes dans un vieux gris. Je ferme les yeux, tous mes sens en émoi, je ne veux pas reconstruire ma carapace. Je surmonte l'angoisse et je plonge dans mon obscurité profonde, là où est tapie la présence. Peut-être est-elle ailleurs, moi, je suis partout à la fois. Je veux me connecter à elle, ressentir tout ce qu'il y a ressentir, la peur, l'angoisse, l'étrange, la curiosité, la surprise, l'incroyable force qui se dégage d'elle. Cette nuit est la nuit de tous les possibles.
Ma respiration se calme peu à peu. La sienne aussi. Une énergie fluide et douce circule en moi désormais et nous relie, elle, la présence, et moi… Moi ? L'absence ?
Je m'imprègne de cette énergie autant que je le peux, les yeux toujours clos, mon corps, lourd dans ce lit, devient léger, léger comme l'air. Alors, je commence à la distinguer… à le distinguer devrais-je dire. Il est en moi et à l'extérieur de moi. Il m'est étranger et a toujours été là. Il est sauvage, puissant, animal. Il est connecté à une part de moi très profonde, instinctuelle, les racines de mon être. Il est hors de portée de toute raison, il est pure conscience, pure présence à L'ici et maintenant. Je l'accueille en moi comme on retrouve ce qu'on a perdu il y a longtemps, si longtemps qu'on en a oublié l'existence, et qui, bien malgré nous, nous manque comme une brûlure que rien ne peut apaiser.

Je ne sais pas si mes yeux sont encore clos ou s'ils scrutent l'obscurité lorsque je les aperçois, d'abord furtivement, comme une image qui vrille, apparaît puis disparaît, ensuite, ils sont là, puissant, ses deux grands yeux jaunes incandescents, qui me regardent intensément de l'intérieur, me dévoilent, me voient nue et sans fard. Je ne peux rien lui cacher, rien, pas même ce que je me cache à moi-même, il sait qui je suis et je me love dans ce regard de feu qui me fait vaciller.
L
1 novembre 2022 17:53
Ce regard, je l'ai déjà vu, il y a longtemps, très longtemps, mais il est resté gravé en moi comme une marque au fer rouge. Ce n'était pas un homme, ce n'était pas dans une ville. J'étais très jeune encore, en randonnée dans une forêt profonde. Je m'étais éloignée du groupe un instant, c'est là que je l'ai vu, entravant mon chemin, un énorme loup gris, puissant, majestueux, tellement beau et confiant. Il n'avait pas peur. Moi non plus. Cette rencontre devait avoir lieu. Il m'a enveloppée de son regard, cela a duré l'éternité d'une seconde, puis il est reparti, me laissant seule au bord du chemin. Mon cœur s'est déchiré et je n'ai compris pourquoi. Depuis ce jour, plus jamais je n'ai été la même.

Je ne perçois que ses yeux, et soudain, il me semble y lire un désarroi profond, comme un appel au-secours vibrant de détresse, et la déchirure se remet à saigner. J'ai mal, tout mon corps est meurtri, j'ai froid, je tremble, je suffoque à nouveau. J'ouvre les yeux, allume la lumière… J'ignore ce qui se passe, je ne cherche pas à comprendre, juste à écouter mon instinct profond. Il faut que je bouge. Je referme la porte derrière moi. Je rencontre alors Paris du cœur de la nuit, belle, lumineuse et calme. Peu de voitures, peu de passants. Je marche, je ne sais pas où je vais, mais j'y vais, je vais le retrouver, lui, mon loup gris qui m'appelle de toute son âme

À suivre ?
6
1 novembre 2022 18:04
Ah tu nous en trop dit là pour arrêter !?
Vol de nuit
L
1 novembre 2022 18:08
Suspense Angel
Citation
Giga Content a écrit:
Ah tu nous en trop dit là pour arrêter !?
6
1 novembre 2022 18:12
Notre issue finale seul l'avenir le dira
Dieu seul sait comment ça s'finira ou négociera
Mystère et SUSPENS
Soit en taule, soit en Benz neuve à fonder une famille au top

Je sais pas si t’as la ref?
Citation
La Louve * a écrit:
Suspense Angel
Vol de nuit
L
1 novembre 2022 18:15
Non j'ai pas la réf ?
Citation
Giga Content a écrit:
Notre issue finale seul l'avenir le dira
Dieu seul sait comment ça s'finira ou négociera
Mystère et SUSPENS
Soit en taule, soit en Benz neuve à fonder une famille au top

Je sais pas si t’as la ref?
1 novembre 2022 19:35
L’espace et le temps sont tels des rails qui soutiennent mutuellement le train de nos modestes vies. Nos rails se croisent sans que nos trains ne se percutent jamais, laissant sur leur sillage des histoires tragiques que beaucoup aimeraient oublier.
Ce jour particulier que certains veulent célébrer, renvoie à un autre temps pour ceux qui voient autrement. Le Paris d’aujourd’hui a enseveli sous ses couches bitumineuses bien damées, la Lutèce d’hier bien trop boueuse et malfamée. Elle cache dans son ventre des colonnes de crânes bien ordonnés, tels des trophées qu’elle a jadis collectionnés. L’espace ne change en rien cette réalité mais le temps refuse de la regarder, préférant foncer sans ne jamais se retourner. Il est pourtant utile de rejouer certaines scènes lorsque les barons ont poussé dans le chaudron des apprentis libertaires, voulant juste goûter à l’arbitraire. Ils se sont ainsi noyés dans cette Seine qui les a recrachés après les avoir embrassés.
Paris s’admire tel un calendrier que l’on contemple après chaque feuillet déchiré. Chaque jour raconte une histoire, tantôt magique, tantôt tragique. Ce jour célèbre effectivement les morts, tous les morts que les barons ont massacré ça et là au gré de leurs viles pérégrinations. Il manquait encore quelques crânes à la sanguinaire collection, Paris n’a jamais quitté son espace mais continue de défier le temps. Insatiable, elle attire les trains en elle et autour d’elle, prélevant au passage ce qui lui faut pour alimenter son ventre bien trop rond. Encore quelques heures pour se rappeler des glorieux morts, pour les célébrer dans le silence imposé par le temps; avant que la frénésie de la vie ne s’installe pour minuit. Je regarde par la fenêtre les autres trains se croiser inlassablement, les yeux des occupants fatigués et usés par le temps. Certains parviennent à s’échapper, autant qu’ils le peuvent, le temps d’un instant, à la poursuite d’un rêve patent. En tirant sur l’alarme du temps, vous verrez une crinière grise s’échapper de votre regard ballant.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 01/11/22 19:45 par Magneto*.
L
1 novembre 2022 19:46
Intéressant, et très bien écrit ?
Citation
Magneto* a écrit:
L’espace et le temps sont tels des rails qui soutiennent mutuellement le train de nos modestes vies. Nos rails se croisent sans que nos trains ne se percutent jamais, laissant sur leur sillage des histoires tragiques que beaucoup aimeraient oublier.
Ce jour particulier que certains veulent célébrer, renvoie à un autre temps pour ceux qui voient autrement. Le Paris d’aujourd’hui a enseveli sous ses couches bitumineuses bien damées, la Lutèce d’hier bien trop boueuse et malfamée. Elle cache dans son ventre des colonnes de crânes bien ordonnés, tels des trophées qu’elle a jadis collectionnés. L’espace ne change en rien cette réalité mais le temps refuse de la regarder, préférant foncer sans ne jamais se retourner. Il est pourtant utile de rejouer certaines scènes lorsque les barons ont poussé dans le chaudron des apprentis libertaires, voulant juste goûter à l’arbitraire. Ils se sont ainsi noyés dans cette Seine qui les a recrachés après les avoir embrassés.
Paris s’admire tel un calendrier que l’on contemple après chaque feuillet déchiré. Chaque jour raconte une histoire, tantôt magique, tantôt tragique. Ce jour célèbre effectivement les morts, tous les morts que les barons ont massacré ça et là au gré de leurs viles pérégrinations. Il manquait encore quelques crânes à la sanguinaire collection, Paris n’a jamais quitté son espace mais continue de défier le temps. Insatiable, elle attire les trains en elle et autour d’elle, prélevant au passage ce qui lui faut pour alimenter son ventre bien trop rond. Encore quelques heures pour se rappeler des glorieux morts, pour les célébrer dans le silence imposé par le temps; avant que la frénésie de la vie ne s’installe pour minuit. Je regarde par la fenêtre les autres trains se croiser inlassablement, les yeux des occupants fatigués et usés par le temps. Certains parviennent à s’échapper, autant qu’ils le peuvent, le temps d’un instant, à la poursuite d’un rêve patent. En tirant sur l’alarme du temps, vous verrez une crinière grise s’échapper de votre regard ballant.
 
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