Sur son site, le philosophe et islamologue confie ce mercredi 24 août 2011, qu’il ne rédigera plus la chronique mensuelle qu’il livrait depuis peu au quotidien L’Economiste. Dans le dernier article de Tariq Ramadan, la rédaction en chef de L’Economiste a décidé de remplacer l’expression «aux allures d’un bateau royal» par «d’un bateau luxueux». Une modification très peu du goût de Tariq Ramadan, qui y voit «une censure inacceptable, mais surtout une auto-censure excessive». S’il convient qu’il s’agit d’une «histoire triste», Tariq Ramadan estime néanmoins, qu’ «à l’heure où les peuples arabes se soulèvent pour leur dignité et leur liberté, et que le Maroc annonce des réformes contre la corruption et pour plus de transparence, il serait bon que les journaux et les journalistes marocains fassent honneur à leur fonction».
Le philosophe a par la suite posté le contenu intégral de «article qui ne paraîtra pas», intitulé «Un si beau Maroc». Tout comme le titre, le début de l’article est un éloge au Maroc, «ce si beau pays», dixit Tariq Ramadan. Le philosophe se montre en effet assez dithyrambique envers le royaume dont il admire les paysages, salue les traditions «ancestrales riches et fières», mais aussi la dignité des hommes et des femmes. Tariq ramadan se montre particulièrement admiratif du brassage culturel qu’offre le Royaume, qu’il décrit comme «un univers de villages, de liens locaux, d’une pluralité qui unifie».
Pour lui cependant, le Maroc malgré tout ce qu’il a de beau à offrir, reste aussi «un pays de toutes les contradictions». Il déplore en effet que le Maroc se soit laissé coloniser «au cœur de son être par les pires excès des sociétés industrialisées» : l’alcool, la drogue, la prostitution entre autres. «La logique économique, et touristique, semblerait avoir raison, peu à peu, de l’âme marocaine», résume-t-il.
A la fin de son texte, Tariq Ramadan dit avoir aperçu au large des côtes du nord du pays, «une belle embarcation aux allures d’un bateau royal». Ce bateau l’aurait fait penser «à tous ceux qui sont, soit responsables des réformes, soit qui y aspirent». Son message : «Ce ne devrait point être le tourisme qui colonise de ses excès le Maroc mais ce dernier qui offre à ses touristes le sens de l’être, du don et du respect».
Tariq Ramadan utilisait-il la métaphore d’un «bateau royal» montrant le Royaume emporté par le courant «d’impératifs financiers destructeurs» ? Essayait-il dans ce sens d’envoyer un message vers les plus hautes instances du pays ? Si tel est le cas, le message parviendra surement, et L’Economiste s’est-il senti les épaules trop frêles pour porter un tel message ? Voilà autant d’interrogations que nous suggère aujourd’hui le divorce entre Tariq Ramadan et L’Economiste.