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Lettre ouverte à l'ambassadeur de France au Maroc

Lors de la conférence «Le Maroc et la France dans l'espace euro-méditerranéen : Enjeux et défis», organisée par le Centre de recherche LINKS, Mohamed Ezzouak, fondateur de Yabiladi.com, a interpellé l'ambassadeur de France au Maroc, Bruno Joubert, sur les questions migratoires et notamment sur la libre circulation des personnes. Nous reproduisons ici son intervention sous forme de lettre ouverte.

Publié
L'ambassadeur Bruno Joubert en discussion après la conférence.
Temps de lecture: 5'

Monsieur l’ambassadeur, j’avais préparé un exposé pour aborder un sujet trop souvent négligé dans les relations euro-méditerranéennes, à savoir la liberté de circulation des personnes. J’avais pour cela rassemblé des chiffres mais aussi des arguments issus de nombreux rapports d’ONG… Tout cela pour démontrer que les relations Nord-Sud et notamment France-Maroc sont avant tout vues à travers le prisme des intérêts économiques.

Je souhaitais, par exemple, vous interroger sur les 4 libertés qui ont servi de fondation à l'Union Européenne : liberté des biens, des services, des capitaux et des personnes. Pourquoi nos relations euromed - notamment dans le cadre du statut avancé - n’insistent que sur les 3 premières et négligent la dernière ?

Au contraire, comme l’a souligné l’universitaire Didier Bigo, la forteresse Europe insiste d’abord sur le côté sécuritaire. Elle voit dans les peuples du Sud, avant tout, un risque et un danger. La France, ainsi que d’autres voisins européens, ont mis le cap sur l’immigration zéro. Puis, grands seigneurs, ils ont décidé de faire un petit geste, on parle aujourd’hui d’immigration choisie. «On veut bien vous prendre les compétences qui nous sont nécessaires… même si vous aussi, chers voisins du sud, vous en avez terriblement besoin.»

J’allais vous accabler de chiffres sur le budget de FRONTEX (agence de l’Union Européenne pour les frontières extérieures) qui a explosé ces dernières années. Il est passé de 6 millions d’euros, en 2005, à 86 millions, en 2011, alors que le nombre de candidats à l’immigration a beaucoup baissé sur la même période, surtout à cause de la crise économique.

J’aurais aimé vous citer la célèbre phrase - trop souvent tronquée - de Michel Rocard : «La France ne peut accueillir toute la misère du monde mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part», pour ainsi vous rappeler la lourde responsabilité de l’Europe et surtout de la France vis-à-vis des pays du Maghreb.

Cette responsabilité a été rappelée par Jean-Louis Guigou de l'IPEMED (Institut de Prospective Economique du Monde Méditerranéen). Il avait appuyé sur l'urgence pour l'Europe de se concentrer sur le développement économique, mais aussi et surtout social, de la rive du sud de la Méditerranée. Il avait ainsi souligné que c’est dans l’intérêt des pays de l’UE puisque la stabilité et le développement des pays du Maghreb entraineraient de facto la stabilité et le développement de l’UE.

J’allais vous parler des consulats français à l’étranger et notamment au Maroc qui durcissent la délivrance des visas. Des sportifs, des artistes et même des cadres et chefs d’entreprises appréhendent l’intransigeance des consulats.

Je m’imaginais déjà vous poser la question, un brin provocatrice : Quand on est Marocain, est-on présumé clandestin ? La Cimade a d’ailleurs épinglé, dans un récent rapport, le réseau consulaire français sur ces différents points.

J’allais vous parler du rôle de Cerbère que l’UE souhaite faire jouer aux Maroc et aux autres voisins du sud. Enfin, j’allais parler de Lampedusa en 2011 et du drame de Ceuta de 2005 pour insister sur le côté chimérique d’une citadelle Europe, imperméable au malheur de ses voisins du Sud.

Finalement, je préfère ne pas vous raconter d’histoires (au pluriel) mais vous conter une histoire singulière. Une histoire racontée dans les années 80, par mon grand père Bouchta, mais qui a une résonnance particulière aujourd’hui.

Au Douar Aïn Leila, situé dans le pré-Rif, dans les environs de Taounate, vivait côte à côte la famille Fakir et la famille Ghani. La première vivait dans une maison traditionnelle rurale et la seconde famille d’origine urbaine vivait dans une très belle demeure, avec un grand terrain.

Au départ, les enfants des deux familles jouaient ensemble. Ils allaient et venaient dans les deux maisons voisines. Personne ne trouvait rien à y redire.

Plus tard quand les enfants sont devenus adolescents, le père Ghani (le riche) commença à émettre des conditions pour faire respecter sa propriété. Il érigea même un mur coiffé de barbelés pour délimiter son domaine. Les jeunes de la famille Fakir (les pauvres) ne pouvaient pénétrer le domicile des Ghani que s’ils en avaient d’abord obtenu l’autorisation. Mais le plus grave c’est que cela dépendait de l’humeur du patriarche qui décidait de manière arbitraire.

Le jeune Aziz Fakir était l’un des seuls à pouvoir pénétrer régulièrement dans la résidence puisqu’il était souvent appeler à y faire quelques travaux électriques. C’est là qu’il rencontra la belle Ghizlaine Ghani dont il tomba follement amoureux. Un amour secret puisque les parents de la jeune fille ne l’auraient jamais accepté.

Face aux incursions clandestines des autres membres de la famille, aux chapardages, un jour le père Ghani convoqua le père Fakir pour lui signifier qu’il ne saurait tolérer de tels agissements. Il lui demande de sévir et d’assumer sa responsabilité.

Le père Ghani poussa même le vice jusqu’à embaucher un vigil qui n’était autre qu’un cousin des Fakir. Le domaine Ghani devenait une forteresse inviolable. Le père Fakir constatait avec beaucoup d’amertume la détérioration du climat entre voisins.

Deux familles, hier très proches, sont, au fil des années, devenues étrangères. Aujourd’hui dos à dos, elles ne se parlent plus et ont coupé toutes relations.

Quelques années plus tard la chance avait tourné pour la famille Ghani. De l’opulence, elle était passée à la banqueroute. Soumises à rude concurrence, les affaires du père Ghani vivotaient. Il ne pouvait donc plus faire face aux dépenses. Madame Ghani passa outre la fierté mal placée de son époux et alla demander assistance à la famille Fakir. Mais le père Fakir, fatigué des longues décennies d’humiliation, refusa tout soutien à ses voisins.

Les deux enfants, Aziz et Ghislaine, qui se voyaient encore en secret, décidèrent alors d’agir. Les deux amoureux ont décidé de pousser leurs parents à renouer le contact et à s’entraider face à l’adversité. Mais rien à faire, ces deux familles, qui avaient pourtant une longue histoire commune, ne voulaient pas mettre fin à ce climat délétère.

Aziz et Ghislaine ont alors pris l’initiative de révéler leur relation : «Voilà, nous en avons assez. Fini les mensonges, fini l’hypocrisie. Nous nous aimons et nous allons nous marier. Nos deux familles seront alors une seule famille. Vous êtes désormais condamnés à vous entendre. Si le poids des années vous a poussé à ne voir que vos petits intérêts, nous, vos enfants, avons besoin que vous nous accordiez de l’intérêt.»

C’est donc par leurs enfants que les deux familles ont renoué le dialogue et ont entamé la voie de la réconciliation. Les deux familles retrouvèrent le chemin de la maison voisine et prospèrent ainsi. Fin de l’histoire.

En tant que franco-marocain, je suis le produit des cultures marocaine et française. Je suis à la fois Aziz et Ghislaine, ou, si vous préférez, je suis ce lien entre les deux familles, cet amour trop longtemps gardé dans le secret. Je voudrais, à ce titre, dire une chose à la France et l’Union Européenne : ne marchez pas sur la dignité des pays du Sud. Ne marchez pas sur la dignité des Marocains. Vous avez une chance historique de jeter les ponts d’un dialogue franc et sincère entre les deux rives de la Méditerranée, notamment en profitant de ces binationaux qui peuvent servir de passerelle. Les peuples ne sont pas des problèmes mais ils peuvent le devenir si, continuellement, quotidiennement, ils sont considérés comme LE problème.

a quand la fin de l'exode ?
Auteur : razak
Date : le 05 avril 2011 à 18h21
si toutes les forces vives et les matieres grises de l'afrique s'en vont en europe comment vont se develloper ces pays africains ? il n'y a plus rien a esperer de l'europe qui est en faillitte apres la grece ,l'irlande du nord ,le portugale etc ..qui s'effondre comme un jeu de dominos ..les francais ont verses leur sang pour avoir des avantages sociaux comme par ex les conges payes etc tout cela n'est pas tombe du ciel ...avec ce qui se passe dans les pays arabes est peut etre un debut de nouveaux droits sociaux etc..
Colonisé ?
Auteur : webmaster
Date : le 04 avril 2011 à 10h39
Bonjour Pascal Mohamed,

C'est la meilleure. Mohamed devenu Pascal me traite de colonisé dans ma tête ? lol

Je suis franco-marocain, et je m'appelle toujours Mohamed cher Pascal. Je ne demande pas l’aumône à la France, mais le respect des liens qui unissent l'Europe au Maroc.
Ne voir dans le statut avancé du Maroc avec l'UE que la partie économique est une insulte justement à la dignité du Maroc et à sa population.
La liberté de circulation des personnes est un combat mené par des humanistes et non par des colonisés.

Mais bon l'humanisme est une notion qui vous révulse, vous militant de Riposte Laïque. Le nom de votre organisation montre déjà votre penchant pour le belliqueux au détriment du droit et de l'être humain.
Des encore colonisés dans leurs têtes
Auteur : MPHilout
Date : le 04 avril 2011 à 09h13
Bonjour,

Il me semble qu'il y a bien des irresponsables et des encore colonisés dans leurs têtes qui raisonnent toujours selon un schéma normalement dépassé depuis les indépendances.

L'auteur de cet article en fait partie. Il est prompt à rappeler:

- "La lourde responsabilité de l’Europe et surtout de la France vis-à-vis des pays du Maghreb"

- "L'urgence pour l'Europe de se concentrer sur le développement économique, mais aussi et surtout social, de la rive du sud de la Méditerranée."

Et la responsabilité des Maghrébins, n'est-elle pas encore à l'ordre du jour ? Seraient-ils indépendants ou toujours dépendent-il toujours de l'Europe ?

Arrêtez donc de vous raconter et de nous raconter des histoires et prenez enfin vos RESPONSABILITES M. Ezzouak !

Avec tous mes respects
Pascal Hilout, né Mohamed
Rédacteur à Riposte Laïque.
lettre à Mr l'Ambassadeur de France
Auteur : doudouxette
Date : le 03 avril 2011 à 18h44
J'ai voyagé , il ya une dizaine d'années , avec un français chargé d'enquêter sur le trafic de visas au consulat de Casablanca (le personnel français du consulat se livrait à un trafic très lucratif) ,qui m'a avoué que l'instauration des visas est une grande aberration qui a agravé le phénomène migratoire car même sujets au chômage , les personnes ne regagnent pas leur pays de peur de ne jamais pouvoir revenir . Si les personnes pouvaient circuler librement , en cas de crise, elles pourraient repartir chez elles et peut être ne jamais revenir car elles auraient trouvé unpetit travail et surtout la chaleur familiale
La libre circulation des personnes est un droit qui ne doit être violé par aucun pays
mensonge du fln .
Auteur : razak
Date : le 03 avril 2011 à 13h01
pourquoi critique la france ? la france avait propose a ces pays algerie maroc tunisie de rester francais ..le fln avait menti au peuple algerien en disant que si le peuple est pauvre etc. c'est a cause de la france et qu'il falait choisir la liberte ..aujourd'hui on s'apercois helas que non seulement le peuple algerien vit dans la precarite absolue ,mais aussi la dictature et le peuple algerien s'apercois qu'on lui a menti et ne reve que d'une chose c'est de retourner en ......france .
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