Dans la publication simultanée sur plusieurs médias à travers le monde des révélations sur les comptes d'une filiale de HSBC en Suisse, une attention particulière a été donnée par Le Monde à une personnalité qui n'est pourtant pas française : le roi du Maroc. Entre 2006 et 2007 (années couvertes par les fichiers subtilisés par Hervé Falciani), Mohammed VI aurait possédé un compte dans cette banque dont le montant maximum aurait atteint 9 millions de $ (7,9 millions d'euros).
Cette révélation intervient à un moment sensible entre la France et le Maroc. Après un an de brouille diplomatique, les deux pays se sont enfin réconciliés en rétablissant la coopération judiciaire. Dans la foulée, le roi du Maroc a entrepris un voyage privé à Betz, et doit rencontrer aujourd'hui même François Hollande à l'Elysée. Après un cliff (moment paroxystique) digne des meilleures séries américaines, l'article du Monde tente ainsi d'apporter un twist (retournement d'intrigue) en allumant les projecteurs sur la fortune royale.
Dès la publication des révélations du Monde dimanche soir, beaucoup d'internautes marocains se sont interrogés sur le choix porté sur le cas Mohammed VI. En effet, le souverain chérifien n'est pas résidant fiscal en France. Et même s'il fait partie des personnalités connues de ce Swissleaks, il reste tout de même médiatiquement moins vendeur qu'un Gad El Maleh classé parmi les personnalités préférées des Français, mais qui n'a eu droit qu'à un tiers d'article à partager avec Jacques Dessange et Arlette Ricci (pour la version web de l'article).
Opportunisme médiatique ou sabotage ?
L'actualité chaude liée à la résolution de la crise diplomatique a, de toute évidence, fait basculer l'ordre des priorités éditoriales au sein de la rédaction du Monde. Et la visite du roi à l'Elysée est tombée comme une bénédiction du ciel.
Bon, le roi du Maroc démain â l'Elysée. Nos révélations tombent mal #SwissLeaks
— Leparmentier Arnaud (@ArLeparmentier) 8 Février 2015
Alors simple opportunisme médiatique ou volonté manifeste du journal de centre gauche de relancer la brouille entre les deux pays ? Certains Marocains optent pour la seconde option, en soulignant la co-signature de l'article par Ahmed Benchemsi (qui a récemment rejoint la rédaction du Monde). Une présence qui dirige immédiatement les regards vers l'ombre du prince rouge, Moulay Hicham. Difficile pourtant de voir dans la révélation du Monde, plus qu'un petit caillou dans le soulier du roi.
En effet, l'article se contente de donner les détails du compte bancaire royal de manière factuelle et avec précaution, sans pouvoir déterminer s'il y a eu fraude fiscale (objet central de ces révélations #Swissleaks) ou infraction à la règlementation du régime de change au Maroc. Il n'abordera pas le fond de la question à savoir le statut fiscal du souverain au Maroc et l'application de l'obligation de respecter les lois et règlementation de son pays. Car au delà de ce compte bancaire en Suisse, le monarque possède de nombreuses propriétés en France et ailleurs. On peut ainsi élargir la question posée à l'Office des changes.
Le roi des pauvres n'est pas pauvre !
Le #SwissLeaks vient cependant épicer une autre actualité marocaine concernant la campagne d'amnistie des changes pour la déclaration des avoirs à l'étranger. Le satisfecit général avec les 2,2 milliards d'euros rapatriés va être un peu refroidit par la somme totale déposée rien que dans cette filiale suisse de HSBC (1,6 milliards $ - 1,4 milliards €) appartenant à plus de 1 000 marocains. Si la totalité de ces comptes n'est pas forcément dans l'illégalité, on peut s'interroger sur le désintérêt du fisc marocain pour ce fichier qui est en possession de leurs homologues du fisc français (2008) ou espagnol (2013).
Si aucune action ferme n'a été entreprise face à l'évasion fiscale et l'infraction au régime de change de plusieurs centaines de riches marocains (les données sont pourtant disponibles), alors s'interroger sur la situation fiscale et règlementaire du roi ressemble plus à un défonçage de portes ouvertes.
Pour résumé cet article, on sait que le roi possédait au maximum 7,9 millions € chez HSBC PB en Suisse en 2006-2007 et qu'il a un compte chez BNP Paribas en France (nouveau pays de l'évasion fiscale semble-t-il). Informations à mettre en parallèle avec la fortune royale estimée en 2014 par Forbes à 1,8 milliard d'euros. Et oui même si cela à l'air d'une lapalissade, le roi des pauvres n'est pas pauvre.
Les Marocains friands de révélations sur les fortunes marocaines et plus encore sur celle du roi auront probablement l'impression que cet article du Monde était un épisode pilot. A moins que le laïus sur les autres membres de la famille royale ne serve de teaser (mise en bouche) pour un spin-off de #Swissleaks édition Maroc. To be continued...