Ni Gaza, ni Taza, ni Casa. Démobilisation générale ! [Edito]

De Gaza à Casa, sans faire escale par Taza, les catastrophes sont vécues avec la même indifférence pour les vies humaines envolées. Que l’on compte les morts par dizaines ou par centaines, ce n’est qu’un chiffre de plus –au même titre que le taux de chômage ou la croissance du PIB- pour nos responsables politiques. Enfin, ne soyons pas malhonnête, certains ont tout de même réagi avec un communiqué pour Gaza. De même, lors des campagnes électorales ou les discours au sein des partis, la surenchère populiste bat son plein sur la solidarité avec le peuple palestinien.

La Tunisie montre l’exemple

Mais derrière le verbiage, nos politiques brillent par leur absence. Pour eux, le mot action se limite à leur participation dans une société côté à la bourse de Casablanca. Il y a pourtant des actions symboliques qui ne demandent pas énormément d’efforts. En Tunisie, l’appel du journaliste Sofiane Ben Farhat au boycott de la cérémonie du 14 juillet organisée à l’ambassade de France à Tunis a été suivi par la société civile et les politiques.

L’idée était simple : afficher la colère du peuple tunisien suite au communiqué de l’Elysée précisant que François Hollande a exprimé à Benyamin Netanhyau «la solidarité de la France face aux tirs de roquettes en provenance de Gaza. Il lui a rappelé que la France condamne fermement ces agressions. Il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces.»

Le syndicat des journalistes, des associations de droits de l’homme, des syndicats ainsi que plusieurs partis politiques (même Ettakatol pourtant proche du PS français) ont exprimé par l’absence leur indignation. Fait le plus surprenant, le parti islamiste Ennahda, prolixe dans ses discours pro-palestiniens, a snobé l’appel au boycott. On pourrait les qualifier d’islamistes Mc Cain : c’est ceux qui en parlent le plus qui en font le moins !

Surenchère populiste et action symbolique

Mais ne vous moquez pas des islamistes tunisiens, les nôtres sont pas mal non plus. Les festivités du 14 juillet organisées par l’ambassade de France à Rabat a connu la présence de députés mais aussi de ministres. J’ai eu la confirmation de la présence de Lahcen Daoudi par exemple. Et contrairement à la Tunisie, les autres partis ou la société civile ne se sont pas plus mobilisés au Maroc.

En tout, 3 personnes ont décliné l’invitation. L’économiste Mehdi Lahlou, membre du conseil national du Parti socialiste unifié, Mustapha Manouzi, président du Forum vérité et justice, et moi-même. Si à nous trois, nous représentions un parti politique, la société civile et un média, le compte n’y est pas. Sur les centaines d’invités, seulement trois personnes ont refusé de cautionner par leur présence à une fête symbolique, le mépris affiché par François Hollande pour les nombreuses victimes civiles à Gaza.

Oui mais, Casa avant Gaza ?

La surenchère populiste autour de la question palestinienne, telle une bulle spéculative,  a joliment éclaté. Tout n’était donc que populisme, et le mythe du Gaza avant Taza n’a pas fait long feu. A moins que nos politiques aient préféré faire leur, le slogan Taza (ou Casa) avant Gaza ? Comment ont-ils réagi suite à l’effondrement des 3 immeubles dans le quartier Bourgogne à Casablanca survenu le 11 juillet au matin et qui a fait 23 morts et plusieurs dizaines de blessés ?

Les faits sont encore plus accablants. Les élus locaux, les ministres, les députés et les partis politiques dans leur ensemble ont brillé par leur silence et leur absence. Personne pour prendre la parole devant les médias et présenter ses condoléances ou pour tenter d’expliquer la situation aux citoyens. Personne non plus pour répondre présent sur les lieux du drame où à l’hôpital pour marquer sa solidarité avec les familles des victimes. Il a fallu attendre un certain 14 juillet (Ca se fête !) pour voir apparaître quelques élus locaux ou députés, ou entendre enfin une déclaration officielle du ministre de l’Habitat.

A quoi servent donc nos élus s’ils ne sont pas présents à nos côtés lors de drames de cette ampleur ?  Ne sont-ils pas censés nous représenter dans les bons comme les mauvais moments ? Les citoyens marocains ont de plus en plus l’impression d’être abandonnés à leur triste sort lors des difficultés, alors que les politiques profitent des bons moments sans jamais en faire profiter leurs administrés.

Et nous dans tout ça ?

Mais je vous vois chers lecteurs vous délecter de ces accusations adressées à nos politiques flattant votre irresponsabilité. Du drame de Casa, à la catastrophe de Gaza, nous sommes pourtant en premier lieu responsables. Anesthésié par la fatalité, nous laissons filer les séries d’injustices sans jamais -ou trop rarement- protester. De Casa à Taza, nous sommes les auteurs de notre propre effondrement en achetant des fonctionnaires pour qu’ils ferment les yeux sur des travaux illégaux comme ceux de l’immeuble à Bourgogne ; comme ferment aussi les yeux, ces voisins qui n’osent pas dénoncer ces mêmes travaux illégaux parce que c’est «hchouma».

A l’instar de nos politiques nous sommes devenus des militants de façade. L’abondance des photos de cadavres d’enfants morts sous les bombes israéliennes à Gaza, la virulence des propos sur les réseaux sociaux ou la frénésie du clic pour liker des pages de soutien à la cause palestinienne, permet de faire illusion auprès de notre entourage de plus en plus virtuel. La manifestation de soutien pour Gaza n’a ainsi réuni que 200 personnes à Casablanca, et pas plus de 1000 à Rabat. Démobilisation générale !

Fossoyeurs de notre propre mort, nous oublions que notre indifférence nous condamne. Et comme dans la théorie du chaos, un souffle de vie qui s’éteint au Japon, en Palestine, ou en Centrafrique, peut déclencher une catastrophe au Maroc.