Aux côtés de son homologue français, jeudi 13 décembre, Abdelillah Benkirane a accordé une conférence de presse. Après les éloges de Jean-Marc Ayrault aux «réformes démocratiques» engagés par le Maroc, les journalistes n’ont pas manqué d’aborder la question des droits de l’Homme, notamment, par rapport au retrait de l’accréditation du journaliste marocain de l’AFP, Omar Brousky.
Touche pas à mon roi
Selon M. Benkirane, les Français devraient savoir qu’au Maroc, certaines choses sont «sacrées». Précisant que le roi a «de son plein gré éliminé le texte qui parlait de sa sacralité», le premier ministre souligne que les Marocains n'aiment cependant pas que le nom du souverain «soit mêlé à n'importe quoi», rapporte AFP. En effet, Omar Brousky, dans un reportage sur les élections partielles de Tanger, avaient assimilé les candidats du Parti de l’Authenticité et de la Modernité (PAM) à des «proches du palais royal». Ce qui lui a coûté son accréditation.
«Je suis désolé, mais les journalistes aussi devraient prendre en considération les sensibilités que nous avons. Nous n'aimons pas entendre parler d'un ‘"parti du roi’’, parce qu'il n'y a pas de ‘’parti du roi’’. Le ‘’parti du roi’’, c'est le Maroc et c'est les Marocains», a-t-il affirmé, indiquant que le gouvernement avait considéré qu’il y avait «un dépassement» et était «obligé de réagir».
Plusieurs instances ont demandé à l’équipe Benkirane de revenir sur sa décision, notamment la direction de l’AFP, l’association Reporters Sans Frontières [RSF], ainsi que Human Rights Watch [HRW], mais les autorités marocaines n’ont pas fléchi.
Les jeunes du M20 ne sont pas des personnes sacrées
Au cours de cette même conférence de presse, les journalistes ont également abordé les arrestations répétitives des membres du Mouvement du 20 février [M20]. Question sensible ? En tout cas, le chef du gouvernement est allé sans détour : «le 20 février, est-ce que vous vous rappelez combien de jeunes sont descendus ? Avons-nous arrêté tout ce monde ? Non. Mais les jeunes du 20 février ne vont pas devenir des personnes sacrées !».
Les manifestations des jeunes du M20 avaient pour but de pousser le gouvernement a engager des réformes. Et M. Benkirane estime que si le M20 ne manifeste plus, c’est tout simplement parce qu’«ils sont convaincus que ce pour quoi ils ont milité, quelque part, a été exaucé. […], la majorité de ces réformes ont été réalisées».
Le premier ministre reconnait que des arrestations ont lieu régulièrement et en assume la responsabilité, même si, dit-il, il n’en est pas l’instructeur. D’ailleurs, pas plus tard que lundi dernier, un jeune du M20 a été arrêté. Officiellement accusé de possession de drogue, son avocat a confié à la presse qu’il a été arrêté parce qu’il aurait imité le roi.
«Je ne vais pas vous dire que notre système est parfait» reconnait M. Benkirane estimant tout de même que les choses se passent «beaucoup mieux qu'il y a longtemps» et que le Maroc s’ en est mieux sorti que ses voisins suite au printemps arabe. «Sachez comparer le comparable! Ici nous sommes au Maroc», juge-t-il. Et de conclure: «les Européens doivent prendre les choses comme ça [...] Nous ne sommes pas une copie de la France, c'est vrai nous sommes de très bons amis, on se donne la main, mais nous sommes le Maroc».